Légalisation du cannabis? Distinguer le vrai du faux pour y voir plus clair. (Dr Caroline Depuydt)

En Belgique, la possession de cannabis pour son usage personnel est déjà dépénalisée mais de nombreuses voix souhaitent une légalisation pure et simple du cannabis. Ce n'est pourtant pas si simple. Quelques questions pour distinguer le vrai du faux ...

Selon le rapport européen sur les drogues de 2018, 20 % de la population européenne adulte a déjà  consommé du cannabis dans sa vie dont 7% l’année passée, ce pourcentage augmente à 14 % chez les jeunes de 15 à 24 ans dont la moitié de façon régulière (quotidienne ou presque). En Belgique, la possession de cannabis pour son usage personnel est déjà dépénalisée mais de nombreuses voix souhaitent une légalisation pure et simple du cannabis. Les arguments majeurs en faveur de cette légalisation sont au nombre de trois. Premièrement, faciliter les politiques de santé en déterminant les conditions de production, de vente, de ciculation ainsi que les caractéristiques chimiques du produit. Ensuite, le cannabis est une source potentielle de revenus non négligeable vu les accises importantes qu’il peut générer si sa vente est contrôlée par l’état. Enfin, porter un coup au crime organisé dont le revenu, lié à la revente de cannabis, se chiffre en milliards et permet d’alimenter le trafic d’armes, d’êtres humains et participe à la violence ambiante de certains quartiers.

Néanmoins, la question ne se règle pas aussi facilement…Tentons un petit quizz :

Le cannabis est une drogue douce, ne provoquant pas de dépendance et peu d’effets secondaires.

Faux!

Les taux de THC (tétrahydrocannabinol) dans le cannabis ont fortement augmenté ces dernières années (X10) élevant le potentiel addictogène du produit dans une même mesure. Le cannabis a un impact  délétère sur les fonctions cognitives, la mémoire, l’attention, la concentration et les réflexes. Enfin, la consommation quotidienne et à des doses élevées de cannabis peut déclencher ou précipiter des épisodes psychotiques aigus et favoriser l’apparition de schizophrénie.

Toutes les formes de cannabis se valent?

Faux!

La concentration en THC est variable et est un élément important de la composition du cannabis : c’est lui qui provoque les effets psychoactifs recherchés (apaisement, euphorie, légèreté d’esprit, altération de la perception du temps et de l’espace, aide à l’endormissement,...) mais c’est également lui qui provoque tous les effets secondaires cités plus haut. Dès lors, la question se pose, en cas de légalisation, si l’on décide de plafonner le taux de THC du cannabis légal, ce la ne risquerait-il pas de maintenir un marché parallèle pour du cannabis de rue hautement dosé (et donc hautement délétère)?

A contrario, ne pas fixer de taux maximal signifierait légaliser une substance aux risques importants, en terme de santé publique (accidents de la route et au travail, psychose, dépendance,…).

L’âge à partir duquel le produit peut être consommé n’a pas d’importance ?

Faux!

L’impact cognitif négatif est d’autant plus marqué sur le cerveau des jeunes de moins de 25 ans, encore en train de se développer, principalement au niveau du cortex préfrontal (qui contrôle le processus de décision et l’impulsivité entre autres). Si la légalisation du cannabis pose un âge minimal, quel pourrait-il être sachant cela? 18, 21, 25 ans? De plus, ne verrait-on pas un risque de maintenir un marché noir, justement pour cette population fragile des 15-25 ans et d’autant plus dangereux vu leur influençabilité, l’immaturité neuro-cérébrale et le processus adolescentaire en cours?

Le Cannabis est une porte d’entrée pour la consommation de drogues dures.

Faux!

Cette théorie de “l’escalade des drogues” est battue en brêche par les spécialistes de la question, et ne concernerait qu’un consommateur régulier de cannabis sur 100.

La légalisation du cannabis rapporterait de l’argent à l’état?

Vrai!

Le cannabis se négocie à environ 10 euros le gramme. Un monopole de l’état autour de la production et de la distribution du produit serait une source importante de revenus et créateur de nombreux emplois. De plus, ces revenus seraient détournés des marchés noirs et criminels et pourraient participer à une diminution de la criminalité.

La légalisation du cannabis augmente sa consommation?

Vrai!

Au canada, où le cannabis a été légalisé en 2018, le nombre de consommateurs aurait déjà doublé. Même chose en Uruguay, où le produit est légal depuis 2013, le pourcentage d’adultes consommant régulièrement du cannabis est passé de 9 à 15,5%.

Bref, on a l’impression qu’opter pour la répression ou la légalisation, c’est choisir entre la peste et le choléra...De ma place de médecin, j’aurais tendance à soutenir la recherche sur le cannabis thérapeutique et le CBD et élargir ses indications tout en restant extrêmement prudente quant à soutenir la légalisation du cannabis de rue vu les risques potentiels énormes. Mais allez savoir qui a raison vu la complexité du débat...

> L'interview du Dr Caroline Depuydt sur VEWS

Interessé par le sujet ? Les Drs Khaled Leila, MACCS en psychiatrie et Depuydt Caroline, psychiatre donnent une conférence ce 26 septembre à 19h30 à la clinique Fond'Roy à Uccle.

> Plus d'infos dans le Flyer

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