De tax shift en réductions des cotisations à la sécurité sociale, l’assurance maladie exsangue ne peut plus garantir la bonne exécution de ses missions. Tous les secteurs de l’assurance maladie crient famine. Les prestataires de soins n’auront-ils bientôt plus d’autre solution, individuellement, que de déserter les conventions et accords ?
En début de cette législature 2014-2019, pour se conformer au Pacte de stabilité européen, le Gouvernement tout frais tout beau avait décidé de réaliser des économies à hauteur de 11,255 milliards dans les dépenses de l’Etat, dont 2,8 milliards à charge du budget de l’assurance maladie. Présenté par les mutuelles au Comité de l’assurance de l’INAMI le 7 octobre dernier, l’inventaire des objectifs budgétaires 2015-2019 met en évidence le montant de 2,15 milliards. Environ 8% des dépenses.
À l’instar de tous les prestataires de soins, les médecins ont subi la confiscation totale de l’index en 2015 et 2016, une indexation partielle les autres années, les économies de la Task Force 2016 (31,7 millions), et d’autres encore au fil des années pour plusieurs dizaines de millions supplémentaires.
Dès l’exercice 2016, la norme de croissance budgétaire autorisée est rabotée, passant de 3% à 1,5%, impliquant une économie supplémentaire pour les soins de santé de 355 millions. La confection du budget 2017 a fait découvrir un nouveau concept : la « sous-utilisation structurelle » pour 140 millions en 2016, fixée à 100 millions en 2017, 64,350 millions en 2018, et 141,997 millions en 2019. Les calculs prévoyaient 69,19 millions pour 2020, mais le Comité de l’assurance a réinjecté ce montant dans le budget 2020, cette contrainte de « sous-utilisation structurelle » s’éteignant avec la législature.
Mais que recouvre ce concept de « sous-utilisation structurelle » ?
Parfois aussi appelé « blocage structurel », il s’agit d’un montant que le Gouvernement n’autorise pas à dépenser, au sein d’un objectif budgétaire fixé selon les normes légales. Pour faire simple, on ne change pas la loi qui fixe la norme de croissance budgétaire à 1,5% + l’index, mais on charge le Conseil général de l’INAMI de confisquer une partie de cette croissance autorisée des dépenses. Dans un autre environnement, on parlerait de hold-up.
Avec une telle mise au régime, peu de place a été réservée à l’innovation, et la liste des prestations en attente d’être admises dans la nomenclature croît, de même que les besoins non satisfaits. Un bel exemple en est la politique suivie en matière de reconnaissance des appareils IRM. Pour répondre à la demande pressante des autorités de réduire l’exposition des patients aux radiations ionisantes (Rx et CT Scan), le Conseil fédéral des établissements hospitaliers préconise d’agréer 12 appareils supplémentaires. Après moult palabres, les huit ministres concernés (! vive notre lasagne institutionnelle) finissent par approuver cette proposition (qui doit s'opérer de manière neutre sur le plan budgétaire), mais l’associe à la suppression des IRM « grises », qui sont en fonction mais ne sont pas agréés. En 2019, une nouvelle conférence interministérielle (niveau fédéral + entités fédérées) s’accorde à en agréer 18 de plus, et s’engage « à mener une réflexion sur une offre supplémentaire ». La réalisation de cette décision se fera attendre, selon le bon vouloir des prochains gouvernements.
Quant aux nouvelles prestations qui végètent dans les tiroirs administratifs divers en attente de leur insertion dans la nomenclature, et donc non remboursées, elles continueront à être effectuées au bénéfice des seuls patients qui peuvent se les permettre, concrétisation de la médecine à vitesse variable qui ne semble pas émouvoir ceux-là même qui nous rabattent constamment les oreilles avec la gratuité des soins médicaux.
De tax shift en réductions des cotisations à la sécurité sociale, l’assurance maladie exsangue ne peut plus garantir la bonne exécution de ses missions. Tous les secteurs de l’assurance maladie crient famine : médecins, hôpitaux, infirmiers, kinés, logopèdes, psychologues, pharmaciens, etc. La croissance des charges (salaires, matériel médical, informatique…) est plus rapide que celle des recettes (honoraires, BMF, …). À terme, cela s’appelle la faillite.
Les prestataires de soins n’auront d’autre solution, individuellement, là où ils le peuvent, que de déserter les conventions et accords, quand bien même ceux-ci seraient signés par leurs organisations professionnelles représentatives.
Derniers commentaires
Marc LEON
21 octobre 2019Je suis membre de l'ABSYM et je partage volontiers les positions défendues par notre syndicat.
Cependant , ici , je dois avouer ne pas me reconnaître dans les positions du Dr.De Toeuf.
Il omet de mentionner les innombrables prestations et examens inutiles réalisés chaque jours dans les hôpitaux et qui coûtent à l'assurance bien plus que les maigres économies réalisées, ses actes inutiles ne rapportent rien au patient, bien au contraire puisqu'ils sont toujours associés à un risque.
Pour rappel la population belge est la plus exposée au mondes aux radiations pour raisons médicales...et notre espérance de vie est la plus courte des cinq pays qui nous entourent...