À peine le nouveau ministre de la Santé, Yves Coppieters, a-t-il prêté serment au Parlement wallon ce lundi qu'un dossier brûlant atterrit sur son bureau. Avec sa double compétence de ministre de la Santé et de l'Environnement, il se retrouve immédiatement confronté à une lettre ouverte de la Cellule Environnement de la Société Scientifique de Médecine Générale (SSMG). Cette dernière souhaite attirer son attention sur la préoccupation croissante concernant les substances perfluoroalkylées (PFAS).
La SSMG exprime dans cette missive sa vive inquiétude quant aux risques liés à la surmédicalisation et à l’allaitement en contexte de forte contamination par les PFAS. La cellule critique également le manque de données permettant de rassurer les femmes allaitantes. "La population, légitimement inquiète, ne trouve que peu de réponses à ses questions. Notre cellule, reconnue pour son expertise en perturbateurs endocriniens depuis plus de 20 ans, déplore que ces enjeux ne soient pris au sérieux qu’en temps de crise, souvent trop tard." regrette le Dr John Pauluis (photo), Responsable de la Cellule Environnement de la SSMG .
Tout d’abord, le risque de surmédicalisation est évoqué suite aux recommandations de dépistages comme les mammographies dès 40 ans ou d’autres dépistages non validés. Les recommandations publiées par le Conseil Scientifique Indépendant s’inspirent principalement de celles du NASEM aux États-Unis et concernent trois catégories de personnes en fonction de leur niveau de contamination par les PFAS : moins de 2 ng/ml (pas de problème), entre 2 et 20 ng/ml (surveillance du profil lipidique, hypertension de grossesse, cancer du sein) et plus de 20 ng/ml (surveillance renforcée du profil lipidique, cancer du rein, cancer testiculaire, colite ulcéreuse, etc.).
Cependant, ces recommandations ont été établies sans concertation avec la première ligne de soins et sans études préalables sur leur intérêt pour la santé publique. Plusieurs questions restent en suspens, telles que la sélection des populations à tester pour la contamination aux PFAS, le type de suivi médical à proposer à large échelle, et les directives claires à appliquer face aux risques de cancers. Le bénéfice des dépistages supplémentaires contrebalance-t-il les risques associés, comme le cancer radio-induit par les mammographies ou les surdiagnostics et surtraitements ?
La SSMG ne remet pas en cause les seuils proposés mais bien les mesures les accompagnant. Elle souligne que le risque de surmédicalisation est réel et insiste sur la nécessité de mener des études complètes sur la pertinence des mesures proposées à l’échelle de la santé publique. De plus, la première ligne de soins est déjà au bord de la saturation. Imposer la charge logistique et administrative de ces mesures aux médecins généralistes semble peu raisonnable.
Un autre aspect crucial soulevé dans la lettre est celui de l’allaitement. Un cas récent a particulièrement attiré l’attention : lors d'une réunion publique, une mère avec un taux de PFAS sanguin de 36 ng/ml a signalé que son enfant de trois ans présentait un taux de 90 ng/ml. Bien que l’allaitement maternel soit généralement préféré pour ses nombreux bénéfices, les recommandations américaines suggèrent de le reconsidérer en cas de forte contamination par les PFAS. Exposer des nourrissons à des taux élevés de PFAS, particulièrement durant les 1000 premiers jours de vie, période cruciale pour le développement, est préoccupant. Cette situation illustre les conséquences sanitaires d’une pollution environnementale et souligne la nécessité d’une réponse proactive et concertée avec le monde médical.
En l’absence de normes concernant la teneur acceptable de PFAS dans le lait maternel des femmes allaitantes vivant dans des zones exposées, la SSMG recommande de faciliter l’accès au dosage des PFAS dans le lait et de mener une étude comparant l’évolution des taux chez l’enfant, dans le lait maternel ainsi qu’au domicile (poussière, eau, sol…) pour prendre en compte le comportement “PICA” des enfants, qui les amène à ingérer des substances présentes dans leur environnement.
La Cellule Environnement de la SSMG espère que cette lettre ouverte retiendra l’attention des autorités et les incitera à agir de manière décisive pour protéger la santé publique. Elle appelle à une prise de conscience et à une action immédiate pour prévenir les effets nocifs des PFAS sur la santé, en collaboration étroite avec les professionnels de santé et les parties prenantes concernées.
La réponse que donnera Yves Coppieters à cette lettre ouverte sera déterminante pour la gestion future de cette problématique environnementale et sanitaire complexe. Sa double compétence et sa capacité à naviguer entre les enjeux de santé publique et d’environnement seront mises à rude épreuve dans cette première grande épreuve de son mandat ministériel.
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