Les difficultés psychologiques motivant une demande d’euthanasie ne sont-elles pas extrêmement difficiles à couler dans une loi? Et une commission fédérale euthanasie a-t-elle encore un sens après la sixième réforme de l’État?
Le Pr Distelmans évoque la concertation obligatoire entre trois psychiatres pour les demandes d’euthanasie motivées par des problèmes psychologiques. «Nous sommes confrontés à des situations dramatiques, à des personnes qui continuent à se traîner d’un jour à l’autre malgré tous nos efforts. Bien sûr, il y a des cas plus douteux lorsque le patient n’a pas encore bénéficié d’une vraie thérapie, mais écarter automatiquement ces personnes, c’est un peu court.»
«Le simple fait que la société de psychiatrie flamande, les Frères de la Charité et, plus récemment, l’Ordre des Médecins se soient exprimés sur la question implique d’ailleurs qu’ils admettent qu’il puisse exister des patients psychiatriques chez qui toutes les options thérapeutiques ont été épuisées et qui sont confrontés à des souffrances insupportables. Malheureusement, ceci est difficile à couler dans une loi, et je suis sur ce plan le raisonnement du Pr Herman Nys, qui estime que le législateur doit créer un cadre à l’intérieur duquel les acteurs concernés – in casu, les médecins – disposent d’une certaine liberté. Il n’a pas à formuler des directives concrètes.»
«Le médecin détermine si le patient répond aux conditions légales et la commission évalue cette décision, mais nous ne sommes pas une police. Il ne ressort pas non plus de nos compétences de contrôler ses qualifications professionnelles: cette tâche incombe aux facultés de médecine, aux commissions d’agrément, aux intervisions entre pairs, etc. C’est uniquement si les conditions ne sont pas respectées que nous référons le dossier au Parquet. Les personnes qui le souhaitent peuvent toutefois porter plainte directement devant la justice, comme cela a été le cas dans le dossier de Tine Nys (euthanasiée sur la base de souffrances psychologiques intolérables), dans le cadre duquel trois médecins seront jugés devant la Cour d’Assises au mois de janvier.»
Dans la foulée de la sixième réforme de l’État, un nombre croissant de matières personnalisables ont été transférées aux régions. La fin de vie en est évidemment un cas d’école, et elle est d’ailleurs abordée différemment dans le Nord et le Sud du pays, au point que certains se demandent si une commission fédérale euthanasie a encore un sens. Le Pr Distelmans cite à cet égard une étude qui suggère que la sédation palliative est deux fois plus utilisée en Belgique francophone qu’en Flandre, soulignant qu’il y a donc bien une différence de culture chez les médecins et dans la relation médecin-patient. «Je dis toujours que l’euthanasie et la sédation palliative sont des vases communicants. Quant à savoir s’il faudrait pour autant régionaliser notre commission, je pense personnellement qu’il faudrait, dans le domaine des soins, régionaliser tout ou rien… mais je ne suis pas politicien.»