Peut-on enregistrer une conversation à l’insu de son interlocuteur? Et enregistrer une consultation médicale ? La problématique des enregistrements revient à la surface, une fois de plus.
Un confrère de Flandre Occidentale a demandé à son Ordre provincial s’il pouvait afficher dans sa salle d’attente une interdiction d’enregistrer la consultation. Etait-il irrité par le comportement de patients qui enregistrent leur consultation sans lui demander son avis ? Nous n’en savons rien. Bien évidemment, l’Ordre a répondu qu’il n’y avait pas d’obstacle à ce qu’un tel avis soit affiché.
A-t-on le droit de s’opposer ?
Il apparaît clairement que la personne qui participe à une communication non destinée au public et l’enregistre à l’insu des autres participants, ne commet pas une infraction (arrêt de la Cour de cassation du 17 novembre 2015). Il est vrai que dans l’affaire jugée cette fois-là, la personne enregistrée était un avocat. Mais l’arrêt précise que cet aspect n’a pas d’incidence sur le fait qu’il ne s’agit pas d’une infraction. On peut donc considérer que cela vaut également pour un médecin.
Celui-ci peut toujours s’opposer mais il n’est pas obligatoire d’avoir l’autorisation des participants, à condition que la personne qui enregistre participe à la conversation. C’est ce qu’a souligné l’Ordre provincial de Flandre Occidentale en répondant à notre confrère qu’il pouvait afficher un avis d’interdiction. Mais dans la réalité, quid de l’enregistrement d’une conversation contre l’avis d’un autre participant, en l’occurrence le médecin ? Il n’y a que deux possibilités. Soit, la personne qui souhaite enregistrer respecte l’opposition de son interlocuteur et s’abstient. Il n’y a plus de discussion. Soit, elle ne se soumet pas au refus et enregistre clandestinement. On retombe alors dans la situation initiale.
Quelle utilisation ?
Comme autre condition à l’enregistrement, il faut qu’il soit réservé à un usage strictement personnel. Mais le patient n’est pas lié par le secret professionnel et peut se servir de l’enregistrement pour sa propre protection ou défense.
On peut invoquer de « bonnes » raisons pour un enregistrement, avec ou sans l’accord du médecin. La première est la littératie. Une autre est de pouvoir, dans le chef du patient, de disposer d’un aide-mémoire. Mais le faire contre l’avis du médecin est sans doute de nature à altérer la confiance si nécessaire entre les deux interlocuteurs. Dès 2017, l’Ordre soulignait que dans ces conditions, que l’enregistrement (sonore) ne peut être fait que de commun accord. Et de terminer en attirant l’attention sur le fait qu’en cas de conflit, l’enregistrement pouvait servir à des fins probatoires. Cela pourrait en effet démontrer, par exemple, que l’information donnée au patient n’a pas été suffisante ou n’a pas été correcte.
Et la justice ?
Et que peut-on faire de l’enregistrement ? Le code pénal (article 314bis, §2, alinéa 2) punit « quiconque, avec une intention frauduleuse ou à dessein de nuire, utilise un enregistrement, légalement effectué, de communications non accessibles au public… ». Un arrêt de la Cour de Cassation de 2016 précise que « l’usage d’une communication privée à laquelle on prend part soi-même et enregistrée à l’insu des autres intervenant peut constituer une violation de l’article 8 de la Convention [des droits de l’homme] ». Cela n’empêche pas son utilisation en justice. Il est même précisé que dans les conditions dans lesquelles la justice pourrait s’en emparer, figure la défense de la santé. Enfin, il est également précisé que le juge appréciera les circonstances de l’affaire concernée. Prudence donc.