La conformité des réseaux hospitaliers avec le droit de la concurrence est un sujet qui n’a jamais été abordé, même par le Parlement. Faut-il s’en inquiéter?
Petit rappel: les hôpitaux sont des entreprises et à ce titre, ils sont soumis aux règles de la concurrence.
Celles-ci interdisent aux entreprises de conclure des accords qui ont pour objectif ou pour conséquence de restreindre la concurrence. Ainsi, des accords en matière de prix et de partage du marché sont interdits, les amendes pouvant atteindre 10% du chiffre d’affaires des hôpitaux qui ont conclu de tels «petits arrangements».
C’est possible, direz-vous, mais le législateur va nous obliger à collaborer. Sans réseau, pas d’hôpital, tel est le mantra ministériel. Comment l’exécution d’un devoir légal peut-il être contraire à la loi? C’est tout à fait possible!
Thomas De Meese (Crowell & Moring) est un véritable spécialiste en la matière. Il m’a confirmé que les accords entre des hôpitaux d’un même réseau ne seront absolument pas immunisés contre les dispositions antitrust et les règles de concurrence. Lorsque des hôpitaux harmonisent leur offre locorégionale, il s’agit de vérifier ces accords.
L’harmonisation des suppléments, les dispositions financières concernant les médecins des hôpitaux, les clauses d’exclusivité, les règles prioritaires et les accords en matière de renvoi sont régis par le droit de la concurrence. Et nous ne parlons ici que des accords au sein d’un même réseau, pas de ceux qui sont conclus dans le cadre de conventions sur les soins suprarégionaux.
Il s’agit de mettre en balance les intérêts des patients, les droits des médecins hospitaliers, le coût de l’assurance maladie et les avantages de la restriction de la concurrence. Certains accords seront toutefois difficiles à justifier à la lumière de la distorsion du marché et de la restriction de la concurrence (suppléments d’honoraires et harmonisation des règles financières par exemple). Cette harmonisation sera justement le facteur de réussite déterminant d’un réseau hospitalier locorégional. Ce sera un exercice d’équilibre.
Comme dans les pays voisins, les réseaux hospitaliers devront demander l’autorisation préalable de l’Autorité belge de la Concurrence (ABC). Il reviendra aux communautés et régions de reconnaître au final les réseaux hospitaliers, mais l’ABC devra d’abord donner son accord. Cette étape administrative a été omise à souhait pendant la vague de fusions dans les années 90, ce qui n’est vraiment plus possible aujourd’hui.
En Allemagne, certains regroupements d’hôpitaux n’ont pas reçu d’autorisation. À la fin de l’année dernière, l’autorité néerlandaise de la concurrence a décidé de renforcer le contrôle des hôpitaux organisés en réseau. Elle s’est basée à cet effet sur une étude qui a démontré que les fusions d’hôpitaux entraînent des risques considérables au niveau de la concurrence et génèrent souvent des coûts plus élevés, sans amélioration de la qualité. Dans quelle mesure devons-nous nous en inquiéter? Il n’y a probablement aucune raison de céder à la panique. Il est parfaitement possible de rester dans les limites. Il s’agira surtout d’acquérir d’emblée un certain nombre de réflexes et de réaliser à temps les analyses nécessaires avant d’établir en toute hâte des «accords» stratégiques en matière de soins pour le réseau.
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