Quelle est l’attitude à adopter, en tant que médecin traitant, face à un patient en incapacité de travail de longue durée qui envisage d’initier un plan de réinsertion pour retourner travailler sur un mode ‘allégé’? Evelyne Lenoir dirige la cellule «santé et bien-être au travail» de la SSMG. Bien sûr, la défiance est de mise face au risque de rupture de contrat. Mais elle commente les nouvelles dispositions en refusant tout langage binaire.
Un dispositif réformé de réinsertion professionnelle des travailleurs malades depuis plusieurs mois est entré en application cette année. La CSC a récemment livré des chiffres dans la presse qui donnent à penser que le système sert surtout la cause des employeurs, qui peuvent ainsi se débarrasser de collaborateurs.
La MG bruxelloise Evelyne Lenoir, spécialisée en bien-être et protection de la santé au travail, confirme que le risque est bien réel de voir un plan de réinsertion de solder par une rupture de contrat pour «force majeure médicale», s’il n’est pas possible de procéder à des aménagements du poste de travail du patient concerné. Cette rupture de contrat n’est pas un licenciement. Dès lors, le patron ne doit pas respecter de préavis, verser d’indemnités ou contribuer à un reclassement professionnel. Pour le Dr Lenoir, en ce sens, la nouvelle règlementation est une forme de cadeau fait aux directions pour «nettoyer» dans leurs effectifs sans bourse délier ni être inquiétés.
Cela étant, elle fait observer que tous les patrons ne sont pas à mettre dans le même sac, qu’elle a rencontré des cas extraordinaires d’aménagements de poste de travail, qu’en toute objectivité, il est parfois impossible de permettre une reprise partielle – cela tient à la nature même de la fonction ou de la diminution de capacités du patient. Elle pointe enfin des situations où le nouveau système offre une issue appréciable: les gens en burn out ou victimes de harcèlement sur leur lieu de travail, déclarés par leur MG définitivement inaptes au travail convenu, peuvent voir leur contrat rompu sans perdre leurs droits au chômage.
Que doit faire un généraliste, devant un patient qui voudrait lancer un plan de réinsertion? D’après Evelyne Lenoir, commencer par tâter le terrain en appelant le médecin du travail concerné, pour tenter d’évaluer le risque de voir le patient conduit à la sortie plutôt que réintégré en mode adapté.
A noter que dans son rapport d’activité 2016, tout dernièrement médiatisé, l’Inami donne quelques ordres de grandeur en matière d’incapacité de travail (ils concernent toutefois la période précédant l’entrée en vigueur des mesures ci-dessus, ndlr). L’institut déclare avoir intensifié les efforts pour aider les malades de longue durée à retrouver un emploi. «En 2016, 45.394 personnes en incapacité ont repris le travail à temps partiel (pour 39.787 en 2015) et 5.413 personnes ont entamé un parcours de réinsertion socioprofessionnelle (pour 3.349 en 2015). Elles ont ainsi pu actualiser leurs compétences ou en acquérir de nouvelles.»
> Lire aussi : Le nombre de personnes en incapacité de travail de longue durée augmente encore (Inami)
La version intégrale de l’interview du Dr Lenoir, avec davantage de recommandations, est disponible dans l’édition papier de Medi-Sphere ce jeudi 19 octobre.