Médico-mut : Quand le budget ne suit plus la réalité des soins

 La réunion de rentrée de la Médico-Mut s’est penchée sur les enjeux financiers qui pèsent sur les médecins. Entre dépassements budgétaires, besoin de revalorisation des visites à domicile et révision des gardes en zones rurales, les deux grands syndicats médicaux francophones appellent à des mesures urgentes. Alors que la réalité du terrain évolue, les décisions budgétaires, elles, peinent à suivre.

En écoutant la présentation de l’audit 2023, les participants à la Médico-Mut ont appris cette semaine qu’il y avait eu cette année-là peu de dérapage : environ 30 millions sur les 37 milliards du budget total pour les soins de santé. Le dépassement est de 10 millions sur les honoraires médicaux, ce qui est relativement peu. L’évolution des prestations médicales entre 2014 et 2023 est de 30%. « Mais cela correspond-il à l’augmentation réelle du nombre d’actes médicaux ? », se demande le Dr Luc Herry (ABSyM). Si le nombre d’actes a augmenté dans la même proportion durant cette période, cette évolution correspond bien à la norme de croissance. « Il ne faut pas perdre de vue », souligne Luc Herry, que cette « norme de croissance » dans son état actuel résulte d’une décision budgétaire prise par le monde politique.

Une réalité de terrain

Cependant, derrière ces termes se cache une réalité de terrain : vieillissement de la population, augmentation des maladies chroniques, évolution des soins pour les affections graves, meilleure survie des patients atteints de cancer… Il serait temps d’étudier scientifiquement cette augmentation de la demande de soins, qui correspond véritablement à la norme de croissance des soins. On se rendra ainsi compte objectivement que l’on est bien au-delà du 1 % à 1,5 % budgétisé.

Revaloriser la visite à domicile

Les syndicats médicaux ont également présenté leurs demandes pour le budget 2025. GBO/Cartel et ABSyM sont d’accord sur la nécessité de revaloriser la visite à domicile. « Dans les conditions actuelles », explique le Dr Lawrence Cuvelier (GBO), « les jeunes et moins jeunes ont du mal à s’y retrouver financièrement. Dès lors, ce qui demande trop de temps a tendance à être négligé. » Le Dr Herry cite les obstacles à une visite efficiente : embouteillages, manque de places de parking, zones à 30 km/h de plus en plus étendues, etc. « Or, il existe plusieurs catégories de la population pour lesquelles la visite à domicile est indispensable : personnes grabataires, seniors, patients à mobilité réduite… » soulignent les deux organisations syndicales. « Il faut donc encourager cette visite à domicile par une meilleure rémunération. »

Le président du GBO ajoute qu’il faut également prévoir une rémunération juste pour les consultations longues. « Il en va de même pour les actes de petite chirurgie, qui doivent eux aussi être revalorisés », dit le Dr Herry.

Des grandes inégalités

Les gardes posent également des problèmes de rémunération. Dans les zones densément peuplées, la garde fournit en général suffisamment de travail pour que le médecin généraliste en poste perçoive des honoraires plus ou moins corrects sur la durée de sa garde. « Mais ce n’est pas le cas dans les zones peu peuplées », fait remarquer Lawrence Cuvelier. « Cela crée de grandes inégalités », dit-il. « Si l’on veut maintenir une garde utile et efficace pour les patients sans que cela ne se fasse au détriment des médecins, il faut donc revoir les honoraires de garde : une proposition visant à augmenter leur part forfaitaire en les modulant selon le moment (nuit profonde, soirée, journée) et le lieu (urbain, suburbain, rural) a été faite par les deux syndicats francophones et les deux fédérations de cercles (FAMGB et FAGW) et a été transmise au groupe de travail sur la garde, qui en débattra. »

ABSyM et GBO/Cartel ont également formulé la demande d’un meilleur financement des syndicats médicaux. « Nous sommes à la corde », déclare le Dr Cuvelier. « Nous devons assister à un nombre toujours croissant de réunions. Cela nous prend du temps et engendre des frais qui sont insuffisamment couverts », ajoute le Dr Herry. Mais il reconnaît que ces demandes impliquent en partie des décisions à prendre par un gouvernement qui se trouve en « affaires courantes »…

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