Incapacité de travail: le crocodile bleu n'est pas mort

Un patient en incapacité de travail qui, avec beaucoup de bonne volonté et d'enthousiasme, souhaite reprendre progressivement le travail : vous avez probablement déjà vécu cela. Les tracas administratifs liés à cette procédure sont parfois exaspérants. C'est ce que la médecin généraliste anversoise Nicole Dekker a récemment expérimenté pour la énième fois.

Furieuse, elle a partagé son expérience sur LinkedIn : "Une patiente, lors d'une consultation, discute avec moi des possibilités de reprendre son travail. Elle appréhendait la paperasserie administrative. Elle redoutait des difficultés. Je l'avais encouragée à recommencer progressivement et lentement. Elle devait encore demander si cela était possible selon les conditions que j'avais proposées dans le premier certificat. Motivée, avec beaucoup de courage , elle a demandé à son employeur à reprendre progressivement son travail . C'était possible !" La première étape était franchie.

Certificat 'incorrect'

Mais ensuite, les choses se sont gâtées, continue Dr. Dekker. "Avec courage, ma patiente s'est rendue ce matin au service de médecine du travail. Je l'ai eue ensuite au téléphone, désemparée et en pleurs. Le certificat établi était 'incorrect', lui a-t-on dit : il aurait dû indiquer un pourcentage, soit 70 % et il indiquait 100 %."

"Je suis devenue légèrement en colère. Les conditions étaient pour moi clairement définies dans les informations supplémentaires sur le certificat. Je ne comprenais pas bien ce qui pouvait être 'incorrect'. Dans le cas d'un emploi progressif ou d'un travail adapté, j'écris souvent dans les 'infos supplémentaires' une condition : '100 %, sauf si un emploi progressif est possible à 3 x 4 heures dans ce cas. Je pense que c’est très clair. (J’aimerais savoir si je suis seul dans ce cas ? Je pourrais aussi me tromper. Il n’y a rien de plus ennuyeux que de penser que vous êtes clair, mais de ne pas être compris...)

Je ne suis pas non plus le médecin qui peut imposer cela arbitrairement. Il y a d'abord la condition que l'employeur puisse offrir cette possibilité et que le patient le souhait, le peut. La personne responsable au service de médecine du travail donne son approbation. Ensuite, vient l'accord de la mutuelle."

Un nouveau certificat

Le Dr Dekker a alors été contraint de rédiger un nouveau certificat, avec un message sans équivoque, et un 'crocodile bleu' comme tampon - le symbole d'un certificat inutile. "Comment pouvons-nous simplifier cette démarche administrative ?", se demande-t-elle. "Je ne fais pas de discrimination en matière d'emploi progressif. Progressif, c'est progressif... le pourcentage est convenu mutuellement et, si possible, augmenté, n'est-ce pas ?"

"Recevoir un certificat renvoyé comme incorrect est très frustrant, mais malheureusement, c'est le lot hebdomadaire pour moi", explique-t-elle dans sa réaction. "Le pourcentage que nous devons indiquer est une donnée purement administrative, qui est établie en concertation avec plusieurs parties, je ne décide pas seul."

Finalement, c'est le patient qui est le plus 'maltraité', soupire-t-elle. "Car il est plein de bonne volonté mais doit alors gérer cette paperasserie". Souvent, les patients dans cette situation finissent par abandonner et choisissent de ne pas reprendre le travail étape par étape, alors que cela serait pourtant bénéfique pour leur rétablissement."

"Par ailleurs, en tant que médecin, on vous attribue une étiquette : 'vous rédigez des certificats erronés'", poursuit-elle. "Alors qu'il s'agit en réalité d'un accord en concertation avec plusieurs parties : le patient lui-même en premier lieu, le médecin traitant, l'employeur, le service de médecine du travail, la mutuelle."

Appel

Il est grand temps de faire quelque chose pour arrêter ce carrousel administratif, estime le Dr. Dekker. Elle lance donc un appel à tous ceux qui se sentent responsables dans cette affaire : "Est-il possible de rendre cette procédure plus simple  ?"

Lire aussi: Un crocodile bleu pour tamponner les attestations absurdes

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Derniers commentaires

  • Martine STRAUS

    14 mai 2024

    je suis d'accord, cela devient vraiment Kafka

  • Sammie SOETAERT

    14 mai 2024

    Le médecin du travail a une fonction ici de conseilleur. C'est la mutuelle qui paye en cas de reprise à temps partiel au pro rata du temps en incapacité temporaire partielle (et donc le médecin-conseil de la mutuelle qui doit donner son feu vert). En pratique, je n’ai jamais rencontré de refus de la mutuelle étant donné que la travailleuse ne sera plus "à charge à 100%" de la mutuelle, c'est donc win-win (pour la travailleuse qui peut reprendre progressivement ses activités et la mutuelle). Par contre, l'employeur peut refuser. Il convient également au travailleur de faire remplir un document (à envoyer au plutard la veille de la reprise du travail à temps partiel) avec l'employeur, document de reprise à temps partiel stipulant les horaires convenus. A noter que les travailleurs reprenant pendant plusieurs semaines/mois de la sorte sont comptés dans les statistiques des malades longue durée. L'avis du conseiller en prévention-médecin du travail n'est pas indispensable lors de la reprise à temps partiel (il convient de ne plus utiliser le terme de mi-temps médical étant donné qu’il y a d’autres possibilité que le 50%). Le médecin du travail peut cependant jouer un rôle en établissant à l'avance avec l'employeur les conditions de ces reprises du travail à temps partiel en fonction des postes de travail présents dans l'entreprise. Si cet anticipation est réalisée, alors les travailleurs savent à quoi s'attendre et cela évite également les décisions arbitraires des employeurs en fonction de quel travailleur cela concerne...

  • Gaël Poncé

    13 mai 2024

    Je suis très étonnée de cette mésaventure. En tant que médecin conseil pour une mutuelle, il n’est jamais exigé d’indiquer un pourcentage de reprise sur un certificat médical. Certe je ne suis pas médecin du travail, mais je n’ai jamais eu de membre en consultation d’incapacité de travail embêté par la médecine du travail concernant l’absence de % sur le certificat. S’agit il ici d’un excès de zèle?