Depuis une semaine, les réactions des médecins sont nombreuses à propos de la nouvelle compétence des pharmaciens pour les patients BPCO. La goutte qui fait déborder le vase ? Pour le Dr Luc Herry de l’ABSyM cette situation est inacceptable et menace d’une grève si le ministre ne revoit pas sa copie par rapport à la médecine générale.
D’abord il y a le prix (25,10 euros) qui a été fixé par les autorités en faveur des pharmaciens pour la consultation BUM (Bon usage du médicament) BPCO. Quand on compare ce prix au prix d’une consultation de médecine générale… Cette situation devient inacceptable pour le Dr Luc Herry de l’Absym : « Cet écart est anormal. Nous prenons le temps d’examiner les patients (eux pas) .
Ensuite, le pharmacien « devient médecin » et sans formation, sans notre expérience. Le ministre Vandenbroucke est en train de détruire la médecine générale. Il oublie qu’il y a une loi sur la qualité qui date de 2020. Cette loi est claire et le ministre ne respecte pas cette loi. En plus, il agit sans consultation et concertation comme d’habitude. »
Une grève est possible
Le contenu de cette loi est importante selon Le Dr Luc Herry : « Il y est bien dit spécifiquement que les soignants, pour soigner, doivent être formés le mieux possible. Le ministre doit relire la loi parce que dans ce cas-ci, elle n’est pas respectée. »
Il attire l’attention sur l’évolution des budgets des soins de santé : « Nous sommes en colère contre le ministre, et si il continue comme cela, nous allons devoir déclencher une grève totale au finish. La population doit comprendre que le ministre est en train de prendre des mesures qui mettent en danger la qualité des soins.»
Une action en justice
Outre une réflexion sur une grève, Luc Herry pense à une action en justice : « Nous allons intenter un procès contre le ministre parce qu’il ne respecte pas la loi. Je vais demander à nos juristes d’étudier la problématique. »
Ce coup de colère, il le rappelle, est partagé par de nombreux médecins : « Les médecins ne veulent plus de ce ministre. Tout ce qu’il est en train de prendre comme mesure fait fuir les médecins de Belgique ou de la profession. Le ministre doit être conscient qu’il met notre système de santé en danger. Par exemple, en province de Luxembourg, les pénuries vont s’aggraver d’ici deux à trois ans et ce sont les patients qui seront les premiers à en souffrir. »
Un manque de considération financière
Pour lui, le ministre doit d’urgence reconsidérer sa vision de la médecine générale....et surtout les inciter à rester en Belgique : « Je vais vous donner un exemple : nous avons une consultation à 32 euros. En France, ils sont à 26 euros. Toutefois, quand on mesure l’équivalent financier au bout du compte, pour le même travail et le même nombre de consultations, le médecin français gagne mieux sa vie que le médecin belge. Il est moins taxé. »
Un autre aspect est important selon lui : « Par ailleurs, je rappelle que, chez nous, une étude a été réalisée sur le salaire horaire des médecins. Le salaire horaire du médecin indépendant qui travaille à l’acte est de l’ordre de 23 euros net… Et le médecin salarié d’assurance, de mutuelle, qui a moins de responsabilité, gagne 32 euros net et il aura une pension bien plus intéressante. Au travers de ces deux chiffres, tout est dit. »
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Derniers commentaires
Charles KARIGER
09 avril 2024Continuons-le-combat !
1964 : Pierre Falise, secrétaire général des mutualités socialistes : "Il faut prolétariser les médecins."
2024 : « La disparition des médecins solos est une bonne évolution dans le cadre du New Deal visant à réformer la profession. … On ne peut plus se permettre qu'un médecin généraliste soit seul responsable de la prise en charge totale de tous les patients. » (M. F. Vandenbrouke, ministre de la Prévoyance sociale).
Prévenons-en les jeunes tentés par ces carrières.
Erik FRANCOIS
09 avril 2024Le ministre mène efficacement (car il est redoutablement intelligent et motivé idéologiquement) une marche forcée vers une médecine à la solde complète de l'état, ce qui n'a jamais bien fonctionné.
L'attaque contre les honoraires à l'acte, les honoraires libres, et toute médecine en cabinet, par tous les moyens (subventions transitoires aux maisons médicales, mise en avant des pharmaciens, non-soutien des spécialistes extra-hospitaliers, interdiction de suppléments d'honoraires ambulatoires aux déconventionnés) déforce progressivement la médecine libérale, jusqu'à l'élimination progressive. Il n'y aura alors plus d'échappatoire pour les médecins, qui seront forcés d'être hospitaliers ou en maison médicale contrôlée par l'état. Ayant interdit toute possibilité d'échapper au micromanagement ou de gagner sa vie correctement, il suffira ensuite de faire ce qu'on veut des médecins restants captifs. On pourra progressivement diminuer encore et toujours leurs revenus. Actuellement on peut encore choisir des hôpitaux plus ou moins bien gérés où les médecins ont encore une influence. Qu'à cela ne tienne: forcer la formation de mégastructures où l'administratif est roi, où on ne connaît plus son conseil médical ou sa direction. Les médecins n'auront vraiment plus rien à dire. C'est déjà le cas dans les réseaux qui ont "confisqué" récemment l'indexation de 6% (oui, oui).
Malgré tout cela il n'est pas question de faire des médecins des salariés, où ils bénéficieraient au moins de quelques avantages et sécurités. On préfère le statut bancal et sans protection d'indépendant, tout en les soumettant à toujours plus de hiérarchie et de contrôle. Si on veut pousser le modèle de médecine d'état, passons au moins au fonctionnariat. Cela marche bien en France, non? (en fait, non: les postes vacants sont légion). Ou au Royaume-Uni (ahem).
Les réactions tièdes des médecins, et des syndicats, même de l'ABSYM, sont désespérantes.
Pierre LEY
09 avril 2024Analogie à faire avec la promotion faite aux sages femmes pour les substituer aux obstétriciens !
Xavier LOMBARD
09 avril 2024Moi je trouve que c'est pas mal. Ca donne enfin la place dans le système de soins que le pharmacien mérite
Anne LENAERTS
08 avril 2024Il tue la médecine tout court , générale , hospitalière, spécialiste …
Francisco Luque Berjillos
08 avril 2024.... " JL V est entrain de détruire la médecine générale..." dites vous cher confrère Herry... De mon point de vue ce politique a commencé cette destruction par soumission de la Médecine Générale il y a près de 40 ans...!!! Ce qui arrive était prévisible... Le contexte socio politique étant ce qu'il est, cette atteinte à la médecine de terrain n'est pas près de voir la fin.
Dr Francisco B. Luque