Mammoleaks: plaidoyer pour un dépistage du cancer du sein individualisé

Madame De Block a toujours été partisane de décisions basées sur l’Evidence-Based Medicine. Malheureusement, dans le dernier arrêté royal relatif au dépistage du cancer du sein, force est de constater que le Cabinet de la ministre n’a retenu que les faits apportés par les promoteurs du mammotest ou dépistage de masse.

Par un VRAI ou FAUX assorti des réponses argumentées, nous souhaitons souligner l’importance de maintenir le dépistage, mais sous une autre forme, plus appropriée selon nous et selon la littérature, à savoir un dépistage personnalisé ou individuel. En effet, depuis plus de 10 ans, l’évolution de la cancérologie dans tous ses aspects tend vers la personnalisation (chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie,…); le dépistage n’échappe pas à cette tendance.

  1. La dose d’irradiation reçue lors d’une mammographie est nettement supérieure à l’irradiation due à l’exposition naturelle sur une année. FAUX
    a.
     La dose reçue lors d’une mammographie est de 0,7mSv, soit l'équivalent d'une irradiation naturelle de 80 jours. Il faut donc 5 mammographies par an pour dépasser la dose annuelle liée à l’environnement. [1]
    b. A titre de comparaison, les Européens sont exposés chaque année en moyenne à 1,4 mSv dus au radon (= 2 mammographies),et un scanner représente 12 mSv (= 17 mammographies). [2]
  2. Les performances du dépistage de masse organisé par mammotest sont décevantes. VRAI
    a.
     En 2000, Gotzsche et Olsen, membres de la Cochrane ont démontré que le dépistage de masse du cancer du sein n’était pas justifié. [3]
    «Si 2000 femmes sont examinées régulièrement pendant 10 ans, une seule d’entre elles bénéficiera réellement du dépistage de masse et évitera ainsi la mort par cancer du sein.»
    b. Ces dix dernières années, la majorité des publications de revue sur l’efficacité du dépistage de masse sont en défaveur de celui-ci (vert). [4]


    c. Aux Pays-Bas, où le Mammotest a débuté plus tôt que dans notre pays, et où la prise en charge et le traitement du cancer du sein sont comparables à ceux de notre pays, la baisse attendue de la mortalité par cancer du sein n’a pas été observée. [5]

  3. Dans le projet de la ministre, les patientes de 40 à 44 ans ne pourraient plus bénéficier du remboursement d’une mammographie, or cette tranche d’âge est aussi touchée par le cancer du sein. VRAI
    a.
    En Belgique en 2015, 1 cancer sur 10 a été diagnostiqué entre 40 et 44 ans. [6]
    b. Depuis 2016, nombreuses sont les recommandations internationales en faveur d’une utilisation moins routinière de la mammographie et une approche plus individualisée du dépistage, notamment entre 40 et 49 ans. [7]
    c. Dans la quarantaine, l’utilité significative de l’ajout de l’échographie à la mammographie en dépistage de masse a été démontrée par l’étude randomisée J-START, qui incluait 72 998 patientes âgées entre 40 et 49 ans [8]. En voici les principales conclusions :
    - majoration de la sensibilité du dépistage : +18,3%
    - diminution du taux de cancer d’intervalle : -50%
    - augmentation du nombre de cancer <2cm : +82%
  4. Il n’existe que deux catégories de patientes pour lesquelles le dépistage procure un bénéfice: les patientes asymptomatiques et les patientes à très haut risque. FAUX
    a.
    Le nouvel AR et celui relatif aux hauts risques excluent les patientes de risque intermédiaire. Un exemple éloquent: une patiente âgée de 41 ans, dont les seins sont denses et dont uniquement la mère a présenté un cancer du sein, mais à l’âge de 45 ans, n’aurait pas droit au remboursement.
    b. Cette année, le Collège Américain de Radiologie (ACR), par le biais de sa commission sur l’imagerie du sein, vient précisément de publier des recommandations pour les patientes de risques intermédiaires [9]

  5. Il ne faut pas promouvoir un dépistage individualisé selon le risque. FAUX
    a.
    En France, la «rénovation profonde» du dépistage organisé du cancer du sein est lancée. L’ex-ministre française de la Santé, Marisol Touraine, a publié en avril 2017 un plan en 10 mesures visant à mettre en œuvre un dépistage personnalisé pour toutes les femmes, quel que soit leur risque de cancer du sein et leur âge. Ce nouveau programme s’appuie sur les recommandations émises par l’INCA et la HAS à l’issue d’une concertation citoyenne et scientifique! [10]
    Avec cette rénovation, le ministère de la Santé ne vise pas à supprimer le dépistage organisé. Le plan instaure une consultation de prévention pour toutes les femmes de 25 et 50 ans sans antécédents personnels du cancer du sein connus. 
    b. Notre pays participe à un projet européen (un essai randomisé) de grande envergure qui vient d’être lancé en janvier 2018 et qui durera 8 ans, intitulé My Personnalised Breast Cancer Screening (MyPEBS). Ce projet entend comparer le dépistage standard du cancer du sein dans cinq pays (Belgique, France, Israël, Italie et Royaume-Uni), avec une stratégie de dépistage qui tient compte du risque de cancer du sein chez la femme et l’apport des nouvelles techniques de génétique. Cet essai randomisé entend enrôler 85.000 personnes des cinq pays susmentionnés. [11]

Que veulent les femmes? Ne pas renoncer au dépistage! Sur la base des données de la littérature, le dépistage organisé basé exclusivement sur l'âge devrait évoluer dans les années à venir vers un dépistage plus personnalisé, plus dynamique, qui soit fonction de la combinaison de plusieurs facteurs de risque, cliniques, familiaux, radiologiques et génétiques. (WISDOM Study) [12]

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    1. S. Food and Drug Administration (adapted from a report of the European Commission)
    2. IRSN : Système d’information et d’évaluation par vol de l’exposition au rayonnement cosmique dans les transports aériens
    3. (2001) Lancet, 358  (9290) , pp. 1340-1342.
    4. Systematic Reviews6 (2017): 105. 
    5. BMJ 2011;343 :d4411
    6. Registre Belge du Cancer > choisir C50
    7. 2018;319(17):1814–1815.
    8. The Lancet 2016,  387  (10016) , pp. 341-348.
    9. JACR Volume 14, Issue 9, September 2017, Pages 1137-1143
    10. Institut National du Cancer – France
    11. European Cancer Leagues
    12. NPJ Breast Cancer volume 3, Article number: 34 (2017)

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