Le Comité consultatif de bioéthique de Belgique recommande, dans un avis présenté mercredi, d'encadrer légalement la gestation pour autrui afin de garantir, autant que possible, les droits des parties concernées.
Vingt ans après son premier avis sur la question, le comité a été saisi par le ministre fédéral Frank Vandenbroucke pour juger si des modifications devaient être apportées au texte paru en juillet 2004. L'organe indépendant a estimé, dans un nouvel avis paru le 17 avril dernier, qu'une actualisation était effectivement nécessaire au vu de l'évolution du contexte sociétal et des connaissances sur le sujet.
Garantir les droits de chacun et chacune viendra réduire l'incertitude qui plane encore actuellement sur la gestation pour autrui, relève ainsi le Comité consultatif de bioéthique. La Belgique a en effet adopté un positionnement tolérant en n'interdisant pas la pratique, comme c'est le cas par exemple en France, en Allemagne ou en Espagne. Toutefois, l'absence de loi ne permet pas de spécifier le cadre dans lequel la gestation peut s'épanouir, ce qu'ont choisi de définir d'autres pays comme le Royaume-Uni, la Grèce ou la Russie.
L'objectif est dès lors, notamment, de formaliser l'accord entre les parents d'intention et la femme gestatrice. Entre un désir d'enfant devenu crucial pour les parents d'intention, leurs valeurs personnelles et le respect de toute femme à disposer de son corps (la gestatrice pouvant par exemple refuser des tests ou interventions qu'elle ne souhaite pas), l'équilibre est délicat. Un accord éclairé ne peut donc être atteint que si les parties sont correctement informées de tous les risques médicaux et psychologiques possibles pour la femme gestatrice et de leurs responsabilités respectives. Ainsi, les futurs parents ne peuvent pas changer d'avis en cours de grossesse. L'accompagnement préalable et tout au long de la grossesse revêt donc une importance capitale pour conscientiser toutes les parties, insiste le comité.
L'avis entend aussi entériner le lien de filiation entre les parents d'intention et le futur enfant. Le lien génétique ne doit donc pas nécessairement prévaloir, souligne le comité. Dans son premier avis, l'organe jugeait que la gestation pour autrui devait être réglementée par la législation sur l'adoption. Avec cette actualisation, il revient toutefois sur cette position. Une demande d'adoption ne peut en effet être introduite qu'au plus tôt deux mois après la naissance de l'enfant et est suivie d'une procédure qui peut durer plusieurs mois. Son issue est en outre toujours incertaine car elle dépend de l'appréciation d'un juge. Cette lourdeur administrative "excessive&quo t; plonge les parties dans l'insécurité. Dans cette optique, les droits des parents d'intention doivent primer, défend le comité.
"En Belgique, nous n'avons encore jamais eu vent d'un cas où la gestatrice aurait voulu garder l'enfant dans le cadre d'une procréation encadrée par une clinique de fertilité", a toutefois relevé la co-présidente de la commission restreinte qui a rédigé l'avis, Cathy Herbrand.
Un texte de loi devrait également garantir un accès équitable à la pratique: seuls des critères psycho-médicaux devraient être retenus pour évaluer une demande, pointe le comité interdisciplinaire. Le sexe, l'orientation sexuelle, la situation familiale ou encore la capacité financière ne peuvent donc entrer en compte. L'accord a en outre une visée altruiste, sans finalité commerciale, souligne le comité.
Actuellement, en l'absence d'encadrement légal, les centres de procréation médicalement assistée ont chacun mis au point leur propre protocole et défini leurs conditions d'accès. Ces dernières sont relativement similaires en ce qui concerne l'approche médicale et psychologique, note le comité, mais divergent parfois quant à l'âge, la situation relationnelle ou encore la nationalité des parents d'intention comme de la femme gestatrice.
L'organe considère par ailleurs que les demandes de gestation pour autrui doivent toujours être adressées à des centres de fécondation reconnus, car ils sont les mieux placés pour accompagner toutes les parties. Enfin, les gestations pour autrui qui ne nécessitent pas d'intervention médico-technique (comme une fécondation in vitro) devraient aussi bénéficier d'une sécurité juridique, note le comité.
Cet appel lancé au monde politique a-t-il une chance d'aboutir sous cette législature, à un an des élections? "Nous sentons une ouverture sur le sujet" et la "volonté d'offrir un cadre sécurisant aux familles concernées", a répondu avec optimisme Cathy Herbrand.
En Belgique, entre 30 et 40 gestations pour autrui sont accompagnées chaque année dans cinq hôpitaux du pays (les centres de fertilité de la Citadelle à Liège, du CHU Saint-Pierre à Bruxelles, des hôpitaux universitaires de Gand, Anvers ainsi que de l'UZ Brussel). Si le nombre de demandes est bien plus élevé, "le processus est très long et seule une fraction est retenue après les différentes évaluations", explique Mme Herbrand. Ainsi, 230 demandes ont par exemple été soumises au CHU Saint-Pierre depuis 1997. Parmi celles-ci, un tiers (33%) ont été acceptées. Les autres ont été soit abandonnées (45%), soit refusées (21%) pour des raisons médicales, psychologiques ou "faute d'un projet parental estimé suffisamment solide".
La majorité des cas de gestation pour autrui concerne des couples hétérosexuels stériles ou des femmes pour qui une grossesse classique représenterait un risque sévère pour leur santé.