Le Dr Philippe Devos , directeur général d’Unessa, était l’invité de La Première sur la RTBF mercredi matin. Il met en garde contre les coupes budgétaires dans le secteur de la santé avant la mise en place d'une politique de prévention efficace. Il souligne l'importance de maintenir une norme de croissance des coûts de santé pour répondre aux besoins croissants dus au vieillissement de la population et aux innovations médicales.
Lorsqu'on voit la différence entre le programme des deux partis en matière de santé, comment un accord entre le MR et Les Engagés peut-il se traduire dans un programme de gouvernement au niveau wallon et, dans une moindre mesure (suivant les partenaires autour de la table), au niveau fédéral ? Le Dr Philippe Devos, directeur général d’Unessa, était l’invité de La Première sur la RTBF ce matin. Il y a notamment évoqué la norme de croissance : « En Belgique, les coûts des soins de santé augmentent chaque année à cause de deux éléments : le vieillissement de la population et les coûts de l’innovation. Tout cela fait qu’il y a un coût annuel plus élevé et, à politique constante, ce coût est estimé à 3,5 % par an. Cette année, cette norme de croissance a été rabotée à 2 % pour des raisons budgétaires. Elle était à 2,5 % depuis le covid. Cela fait de nombreuses années qu’elle n’a plus atteint les 3,5 % calculés par le Bureau du Plan. Inévitablement, cela a un impact sur l’innovation et les nouvelles technologies qui sont rabotées chaque année. »
Faire des choix
Le respect de cette norme de croissance est essentiel selon lui : « Les Belges ne vont pas diminuer leur besoin en soins de santé immédiatement. Nous allons donc devoir faire face aux mêmes besoins avec moins d’argent pour y répondre. Dans la réalité, soit on augmente le coût pour les patients, soit on réduit les soins que l’on offre, soit on réduit les rémunérations. »
Gérer avec moins d’argent ?
Selon certains, le MR pense qu’il est possible de mieux gérer les soins de santé en dépensant moins d’argent qu'actuellement : « Nous sommes depuis cinq ans concentrés, avec les médecins et les hôpitaux, sur un travail d’optimisation de notre gestion. Toutefois, il faut réformer la manière dont on finance les choses et réformer les missions des médecins et des hôpitaux. Tout cela est en cours et devrait aboutir entre 2028 et 2029. À ce moment-là, il pourrait être raisonnable d’atteindre une norme de croissance équivalente au PIB, d’autant plus si l’on met aussi en place de nouveaux modes de prévention. Je rappelle que la prévention, c’est la vraie solution. Toutefois, une telle démarche prend du temps et il faut éduquer les gens. Les résultats ne suivront que quelques années plus tard. »
Ne pas couper trop vite
Pour lui, « il ne faut donc pas couper dans les moyens aujourd’hui parce qu’il n’y aura pas d’argent pour la prévention. Nous serions piégés, et une économie à court terme amènerait des dépenses à long terme. »
Face à ce constat, des contacts ont été pris avec les deux partis. « Le MR espère une forte montée du PIB et espère garder une norme de croissance de 2 à 2,5 %. Le message du MR est donc plus rassurant quand on les contacte que quand on lit leur programme. »
Quelles économies ?
En attendant, il reste la question des économies. Où pourrait-on en faire ? Sur les honoraires des médecins ? Dans le remboursement de certains médicaments ? « Les remboursements de médicaments, je laisse le ministre faire les négociations. Je dirai juste qu’à chaque fois que l’on a diminué le prix des médicaments par rapport à l’étranger, on a eu des pénuries de médicaments en Belgique. Il existe donc un risque d’augmenter les pénuries. Par ailleurs, au niveau des honoraires des médecins, un travail est en cours pour avoir des rémunérations plus équitables. »
Rassuré ou pas ?
À ce stade des négociations, le Dr Philippe Devos reste donc prudent : « Je serai vraiment rassuré quand je verrai la note de politique générale. Je rappelle que si l’on désinvestit dans la santé, il existe un risque d’avoir plus de malades de longue durée, plus d’absences au travail et une augmentation des délais d’attente pour les consultations et les examens. Il y aurait inévitablement donc une augmentation des coûts pour le budget des soins de santé. »