Le président du Service public fédéral (SPF) Santé publique, Tom Auwers, a reconnu vendredi que la destruction d'un stock de millions de masques buccaux, stockés dans un dépôt de l'armée à Belgrade (Namur), décidée en 2015 et 2018 par le cabinet de la ministre de la Santé de l'époque, Maggie De Block, était "une erreur avec le recul".
"Mais, à l'époque, certaines décisions étaient déjà intervenues, prises par mon prédécesseur (Christiaan Decoster, admis à la retraite en 2016) ainsi que par le service PHE (Public Health Emergencies, ndlr)", a affirmé ce haut fonctionnaire devant la commission spéciale Covid de la Chambre.
En 2006, le gouvernement de l'époque, dirigé par Guy Verhofstadt, avait constitué, au nom de son plan de lutte anti-pandémie, une réserve stratégique de dizaines de millions de masques pour faire face à l'épidémie de grippe H1N1 (la grippe aviaire) et au Syndrôme aigu respiratoire sévère (SRAS). Mais il avait disparu au moment du déclenchement de la crise du coronavirus au printemps dernier.
Fin 2015, Mme De Block (Opn Vld) avait décidé de détruire une première partie de la réserve. Cinq millions de masques FFP2 périmés ont été ainsi incinérés.
Les 22 millions de masques chirurgicaux restants ont été conservés dans des hangars non chauffés du quartier de la Plaine à Belgrade (Namur), jusqu'à la fin 2018. Mais, comme le domaine devait être vendu, le cabinet De Block a finalement opté pour une destruction complète des masques buccaux.
"De concert avec le cabinet, il a été décidé de détruire ce stock plutôt que de le déménager", a expliqué vendredi M. Auwers aux députés, en invoquant le coût du déplacement vers une autre caserne.
"J'étais en fonction depuis peu. Nul n'aurait pu s'attendre à quel point c'était essentiel", a dit le haut fonctionnaire.
"Hélas, la crise nous a rattrapés", a-t-il admis. Il a ajouté qu'il existait un projet d'achat d'un nouveau stock stratégique de dispositifs médicaux et de masques buccaux, venant du cabinet (de la ministre). "Mais lorsque ce plan a été présenté, (le) corona(virus) nous avait rattrapés", a dit le président du SPF Santé publique, Sécurité de la Chaîne alimentaire et Environnement.
Il a assuré qu'entre-temps "un stock stratégique de dispositifs médicaux personnels est disponible en Belgique", sans en préciser la composition. "J'ai dû le reconstituer", a insisté M. Auwers.
Il a par ailleurs souligné que des "stress tests" (tests de résistance) des systèmes médicaux resteraient nécessaires à l'avenir, même après la fin de la crise sanitaire du coronavirus.
M. Auwers a fait la comparaison avec la crise financière de 2008. "Personne n'aurait alors pu présumer que l'effondrement de (la banque américaine) Lehmann Brothers conduirait à la reprise de Fortis par BNP Paribas. C'est ce que nous avons également vécu ici", a-t-il souligné, en plaidant pour le maintien de "stress tests" dans le domaine médical - à l'image de ceux imposés au secteur bancaire.
Ancien fonctionnaire au sein de l'administration flamande, passé par plusieurs cabinets ministériels, M. Auwers a défendu la Belgique fédérale devant les députés alors que beaucoup s'interrogent sur la complexité des structures de l'Etat belge et sa capacité à affronter une telle crise sanitaire. "Nous avons remarqué que la Belgique fédérale fonctionne, malgré la profusion de réunions. La conférence interministérielle (Santé) se réunit chaque semaine avec huit ministres et cela fonctionne, selon mon sentiment", a-t-il déclaré.
Il a aussi assuré que la relation entre lui-même, en tant que président du SPF, et le cabinet de Mme De Block était bonne. "J'ai toujours eu une ligne WhatsApp ouverte avec le ministre. Elle était disponible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 et a été très activement impliquée dans cette crise. Mais, bien sûr, elle était dans un système en cascade avec le Premier ministre", a-t-il indiqué.