En sa séance du 23 mars 2024, le Conseil national de l’Ordre des médecins rappelle les conditions de la doctrine du secret professionnel partagé. Le champ d’application de cet avis se limite à l’échange d’informations entre professionnels des soins de santé.
Le secret professionnel partagé est une théorie juridique répondant au contexte actuel des soins de santé, où les soins et l’assistance sont fournis par de multiples professionnels des soins de santé et pour lequel le partage des données est nécessaire dans l’optique de fournir des soins efficaces et de qualité.
L’application du secret professionnel partagé entre professionnels des soins de santé est soumis aux conditions suivantes :
- Le partage des données ne peut être réalisé qu’entre professionnels des soins de santé ou autres prestataires de soins tenus au secret professionnel ;
- Les professionnels des soins de santé exercent dans un même contexte de soins et visent la même finalité ;
- Les professionnels des soins de santé partagent les données uniquement dans l’intérêt du patient ;
- Le partage des données se limite aux informations nécessaires au bon déroulement de la mission des professionnels de la santé ;
- Le patient est informé de quelles données sont partagées, avec qui et pour quelle finalité ;
- Le patient ne s’oppose pas au partage des données.
Dans la pratique, la plupart des problèmes sont liés à la possibilité pour le patient de s’opposer au partage de ses données. Si le patient exerce son droit d’opposition, mais que le médecin estime nécessaire que d’autres professionnels des soins de santé soient informés des antécédents médicaux du patient, il est déontologiquement approprié de procéder comme suit :
- Le médecin interroge le patient sur les raisons pour lesquelles il s’oppose au partage de ses données. Il arrive que le patient ne souhaite exclure qu’un seul professionnel des soins de santé, ou qu’il soit réticent à l’idée de partager une donnée en particulier. En étant à l’écoute du patient, le médecin peut tenir compte des souhaits du patient tout en partageant avec d’autres professionnels des soins de santé certaines données vis-à-vis desquelles le patient n’a pas marqué son opposition ;
- Le médecin informe le patient de l’utilité et de la nécessité du partage des données et précise quelles données seront partagées, avec qui et pour quelle finalité. Le partage des informations peut contribuer à améliorer la qualité et la continuité des soins ainsi que la sécurité des patients ;
- Le médecin rappelle également au patient ses responsabilités dans la relation de soins et entame un dialogue avec le patient concernant la manière dont ce dernier entend respecter ses responsabilités ;
- Le médecin informe le patient des risques auxquels il pourrait s’exposer s’il refuse de partager ses données ;
- Enfin, le médecin explique au patient qu’une relation de soins est indissociable d’une relation de confiance réciproque difficile à établir si des informations pertinentes sur la santé du patient sont volontairement dissimulées.
Le médecin qui, après avoir effectué suffisamment de tentatives pour inciter le patient à partager ses données de santé, constate que l’opposition du patient rend de facto la dispensation de soins impossible, peut mettre fin à la relation thérapeutique, dans le respect des règles énoncées à l’article 32 du Code de déontologie médicale.
Si le médecin estime que l’opposition du patient de partager ses données avec un (ou plusieurs) professionnel(s) des soins de santé présente un danger grave et aigu pour l’intégrité du patient ou d’un tiers, l’information peut être partagée sur base de l’état de nécessité.