Selon un travail récemment publié dans Circulation, les réseaux neuronaux profonds seraient capables de prédire l'apparition de la fibrillation auriculaire à partir de l'ECG à 12 dérivations et d’aider à identifier les personnes à risque d'accident vasculaire cérébral lié à la fibrillation auriculaire.
La fibrillation auriculaire (FA) est un trouble du rythme cardiaque courant associé à plusieurs conséquences péjoratives telles les accidents vasculaires cérébraux (AVC) et l'insuffisance cardiaque. Chez les patients souffrant de FA et présentant des facteurs de risque de thromboembolie, l'anticoagulation précoce est efficace pour prévenir les AVC. Malheureusement, la FA est souvent méconnue et non traitée car elle est souvent pas ou peu symptomatique, d’où l’utilité potentielle de méthodes de dépistage de la FA non détectée.
Le dépistage de la FA dans la population est difficile pour 2 raisons principales: 1) la faible incidence annuelle de la FA dans la population générale (<10 pour 1000 années-personnes de < de 70 ans), 2) la FA est souvent paroxystique, avec de nombreux épisodes qui durent <24h. Actuellement, la stratégie de dépistage la plus courante est la palpation opportuniste du pouls, parfois associée à un ECG à 12 dérivations lors des visites médicales de routine. Cette stratégie s'est avérée rentable dans certaines populations et est préconisée par plusieurs sociétés savantes. Cependant, des études sur les dispositifs cardiaques implantables suggèrent que cette stratégie passe à côté de nombreux cas de FA.
De nombreux dispositifs de surveillance continue sont désormais disponibles pour détecter les FA paroxystiques et asymptomatiques (« moniteurs patches », enregistreurs à boucle implantable et moniteurs portables tels que l'Apple Watch13). Ceux-ci surmontent le problème de la FA paroxystique, mais doivent encore faire face à la faible incidence globale de la FA nouvellement apparue, tandis que leur coût et leur commodité limitent leur utilisation pour un dépistage généralisé.
Les auteurs de ce travail ont émis l'hypothèse qu'un réseau neuronal profond pourrait prédire l'apparition d'une FA à partir d’un ECG 12 dérivations au repos et que cette prédiction pourrait aider à identifier les personnes à risque d'AVC lié à la FA.
L’équipe s’est appuyé sur 1,6 million de tracés ECG provenant de 430.000 patients enregistrés entre 1984 et 2019. Des réseaux neuronaux profonds ont ensuite été entraînés pour prédire l'apparition d'une nouvelle FA (dans un délai d'un an) chez les patients sans antécédents de FA.
Dans un scénario de déploiement simulé, le modèle a prédit l'apparition d'une FA à un an avec une sensibilité de 69% et une spécificité de 81%. Le nombre de personnes à dépister pour trouver un nouveau cas de FA était de 9. Ce modèle a permis de prédire les patients à haut risque d'apparition d'une FA chez 62% de tous les patients qui ont subi un AVC lié à la FA dans les 3 ans suivant l'ECG de référence.
Sans surprise, les auteurs en ont conclu que l'apprentissage profond peut effectivement prédire l'apparition d'une FA à partir de l'ECG à 12 dérivations chez des patients sans antécédents de FA.Dans le même numéro de Circulation, on trouve un autre travail ayant évalué la possibilité de détecter un allongement de QT à l’aide d’un smartphone pourvu d’électrodes et animé par un algorithme dédié ainsi qu’un éditorial . Dans ce dernier, Michael Rosenberg se dit très impressionné par les résultats obtenus, mais exprime une réserve majeure: « nous n'avons aucune idée de ce que le modèle utilise pour faire ces prédictions. » « Il n'est en effet pas acquis que nous devons accepter que les modèles d'apprentissage profond soient d’impénétrables boîtes noires… ». Il conclut d’ailleurs par ceci « avant de pouvoir entrer dans ce nouveau monde courageux de l'intelligence artificielle, nous devons trouver des moyens d'interpréter, de comprendre et de faire confiance à la magie qui se cache derrière ces algorithmes de prédiction incroyablement précis et efficaces. À cet égard, nous n'en sommes encore qu'au tout début ».