Le monde de la santé est en pleine mutation, notamment en ce qui concerne la gestion des accès aux données de santé. Le "Paradigme Shift" est au cœur de ce changement, suscitant des débats intenses entre les différents acteurs du secteur. Certains plaident pour une ouverture plus large des accès, tandis que d'autres, principalement les médecins, insistent sur le caractère sacré du secret médical pour garantir une qualité de soins optimale. Derrière ce débat, il y a aussi la crainte que les dossiers médicaux ne contiennent plus les éléments essentiels de la santé du patient...si ce dernier et son médecin savent que tout le monde pourra le consulter. Le point avec Thibaut Duvillier, administrateur général adjoint de la plateforme e-Health.
L’accès et la sécurisation des données de santé sont au centre de toutes les attentions actuellement au niveau fédéral, mais aussi dans les entités fédérées. Suite au protocole d’accord entre tous les ministres de la santé, la plateforme eHealth organise la concertation autour d’un nouveau modèle (notamment la question du « Paradigme Shift ») qui devrait rendre les accès encadrés selon les documents/données de santé et les soignants.
Ce «nouveau paradigme» serait l’ouverture d’accès de l’ensemble du dossier du patient aux seuls prestataires de soins , tenus au secret professionnel, définis dans la Loi sur l’Exercice des Professions de Santé du 10/5/2015.
Ce ne sera pas l’option par défaut mais la volonté expresse du patient. Les verrous actuels demeurent : le consentement du patient ( aujourd’hui, on est à 10,7 millions presque la totalité de la population belge), la relation thérapeutique, et la possibilité d’exclusion par le patient d’un ou plusieurs prestataires de soins du partage.
Thibaut Duvillier, administrateur général adjoint de la plateforme e-Health, souligne : « Un travail est mené actuellement sur un accord de coopération qui doit passer par les Conseils de ministres et les Parlements et avant juin 2024. Le ministre fédéral de la santé souhaite que le texte soit finalisé pour la fin octobre pour qu’ils puissent passer au Conseil d’Etat, à l’APD pour la protection des données, et au Parlement. »
L'Opt In : le pouvoir au patient
Les ministres de la santé ont réaffirmé le principe de l'"opt in", nécessitant le consentement éclairé du patient. Il serait également possible pour le patient d'exclure une catégorie entière de prestataires, renforçant ainsi son pouvoir de décision sur qui peut accéder à ses données.
Thibaut Duvillier précise : « Sans doute qu’une très grande majorité de la population n’a pas l’intention d’intervenir directement via le portail pour gérer elle-même ses accès, mais les ministres ont souhaité que l’opportunité leur soit néanmoins offerte. L’idée du protocole est de donner plus de poids au patient. Nous discutons avec les partenaires autour de la table, tous les prestataires et bien sûr, les médecins, tant les spécialistes que les généralistes. »
La place des pharmaciens
Avec l'élargissement des rôles des pharmaciens, notamment dans la vaccination, la question de leur accès aux données est revenue sur la table. Des voix s'élèvent pour limiter cet accès, soulignant l'importance de la proportionnalité entre les données accessibles et la plus-value pour la qualité des soins.
La relation thérapeutique : une balise essentielle
Quelle que soit la décision concernant l'ouverture des accès, la présence d'une relation thérapeutique demeure cruciale. Thibaut Duvillier ajoute : « Mais quoi qu’il arrive, quelle que soit la décision sur les ouvertures d’accès, l’existence d’une relation thérapeutique est indispensable. La matrice d’accès ne fait que déterminer un cadre général de qui a , potentiellement, accès à une partie du Sumehr du généraliste ou au schéma de médication, ou au résultat de labo, ou à des résultats d’imagerie médicale, etc.. »
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