L'IA soulage-t-elle vraiment les radiologues ?

Face à une charge de travail croissante, l’intelligence artificielle (IA) promet d’alléger le quotidien des radiologues en automatisant certaines tâches. Pourtant, son impact réel sur l’épuisement professionnel reste incertain. Une étude récente, publiée dans le JAMA, suggère que l’utilisation de l’IA pourrait, paradoxalement, exacerber le burnout chez ces praticiens.

L’intelligence artificielle (IA) s’impose dans le domaine de la radiologie, portée par une hausse des volumes d’examens d’imagerie et une augmentation rapide des outils approuvés par les autorités de santé, notamment aux États-Unis. Plus de 75 % des modèles validés par la FDA concernent la radiologie. Ces outils, qu’ils soient dédiés à l’interprétation (détection, diagnostic, pronostic) ou à des tâches annexes (rédaction de rapports, gestion des protocoles, planification), promettent une assistance précieuse pour les radiologues. Pourtant, une étude récente menée par Liu et al., publiée dans le JAMA, soulève une interrogation majeure : l’IA soulage-t-elle vraiment les praticiens ou accentue-t-elle leur épuisement professionnel ?

Un épuisement déjà marqué

Le burnout touche durement les radiologues, confrontés à une surcharge de travail et à une pression constante. Ce syndrome se caractérise par une fatigue chronique, un détachement psychologique vis-à-vis du métier et un sentiment d’inefficacité. Selon une enquête menée sur 6726 radiologues issus de 1143 hôpitaux en Chine, l’utilisation régulière de l’IA serait associée à un risque accru d’épuisement. Les chercheurs ont stratifié les participants en deux groupes : utilisateurs réguliers d’IA (3017 personnes) et utilisateurs occasionnels ou non-utilisateurs (3709 personnes).

L’étude révèle une relation dose-réponse : plus l’usage de l’IA est intensif, plus le risque de burnout augmente. Cependant, la méthodologie transversale limite l’interprétation causale. L’IA est-elle à l’origine de ce phénomène, ou les radiologues déjà épuisés ont-ils recours à ces outils pour alléger leur charge mentale ?

Un outil complexe à maîtriser

L’analyse des chercheurs met en lumière plusieurs facteurs qui pourraient expliquer cette association. Tout d’abord, l’acceptation limitée de l’IA joue un rôle déterminant. Certains radiologues, classés dans la catégorie à faible acceptation, manquent de connaissances sur ces technologies, adoptent une attitude négative à leur égard et hésitent à les intégrer dans leur pratique. Cette réticence, combinée à une mauvaise maîtrise des outils, peut ajouter une charge mentale supplémentaire.

En parallèle, l’interaction humain-machine (Human-Machine Interaction, HMI) reste encore à ses balbutiements. Selon les auteurs, l’incapacité à intégrer efficacement l’IA dans les flux de travail aggrave les frustrations des utilisateurs et empêche de maximiser les bénéfices attendus. Cette difficulté pourrait être perçue comme une source de stress additionnel, plutôt qu’un soulagement.

Un profil de vulnérabilité spécifique

L’étude identifie également des profils plus exposés à ce phénomène. Les femmes radiologues présentent un risque accru de burnout par rapport à leurs collègues masculins. De plus, les praticiens de moins de 40 ans semblent particulièrement vulnérables, tout comme ceux exerçant dans des environnements à forte charge de travail, mesurée par des heures prolongées d’interprétation d’images et un volume important d’examens. Enfin, les radiologues ayant une faible acceptation de l’IA — c’est-à-dire une connaissance limitée des outils, une intention faible de les utiliser et une attitude négative — sont parmi les plus touchés.

Un équilibre à trouver

Ces observations mettent en évidence les défis liés à l’adoption de l’IA dans la radiologie comme certainement dans d'autres spécialités. Bien que ces technologies soient conçues pour alléger la charge de travail, leur intégration mal maîtrisée peut exacerber les tensions existantes. Il est essentiel de mieux former les utilisateurs et de repenser les interactions homme-machine pour éviter que l’IA ne devienne une source supplémentaire de stress.

En définitive, ces résultats rappellent que l’IA, bien qu’indispensable, n’est pas une panacée. Une approche plus adaptée, combinée à des études longitudinales et des essais cliniques randomisés, permettra de mieux comprendre et exploiter son potentiel tout en préservant le bien-être des radiologues.

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