Trois coups de crayons et puis s'en vont. C'est parfois à cette image que l'on résume une esquisse. Mais comment ces dessins croqués dans un coin d'atelier sont-ils devenus des tableaux de renommée, voire des œuvres en tant que telles ?
Les Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique (MRBAB) ébauchent un début de réponse avec l'exposition "Drafts, from Rubens to Khnopff". Plus de 130 feuilles volantes, cartons peints ou encore maquettes en terre cuite retracent dès vendredi et jusqu'au 16 février le cheminement créatif de Gustave Courbet, James Ensor et autres grands maîtres de la peinture.
Le parcours s'étire entre 12 salles thématiques et plusieurs siècles de peintu re: du 15e au 19e, avec une incursion dans le 20e. Considérées sans valeur, les esquisses (du grec "schedios", faire à la hâte) n'étaient pas conservées à l'époque des primitifs flamands. Grâce aux technologies récentes déployées dans le musée, il est toutefois possible de retrouver le dessin "sous-jacent", réalisé à même le support avant l'application des couleurs. C'est seulement à partir du 16e siècle qu'en Italie, ces premiers jets revêtiront assez d'importance pour être gardés.
Le public slalome ensuite entre les études dessinées ou peintes à l'huile, celles qui s'attardent sur les compositions (où placer tel personnage, quelle lumière refléter, quel jeu d'ombre appliquer) ou encore celles qui serviront de base à une tapisserie ou à un portrait.
Une salle entière est consacrée à Pierre Paul Rubens, dont les esquisses vives et colorées par touches donnent "un rythme, un sens du drame et du mouvement" inédit, s'émerveille la co-commissaire de l'exposition Véronique Bucken.
Après une bouffée de (peinture en) plein air, l'exposition zoome sur le "Panorama de l'histoire du siècle", un immense tableau d'Alfred Stevens et Henri Gervex présenté lors de l'Exposition universelle de Paris en 1889. Ce gigantesque portrait de groupe rassemble 660 figures historiques grandeur nature. Alors que les artistes n'ont pas pu rencontrer tous les protagonistes, ils sont aidés dans leurs travaux préparatoires par une nouvelle invention: la photographie.
"Drafts" glisse ensuite vers l'art plus abstrait de l'après-guerre. Avec notamment cette question en toile de fond: comment sait-on que le geste est réellement spontané ?
"L'objectif de l'exposition, c'est de regarder une esquisse non comme quelque chose d'inabouti mais comme la première matérialisation d'une idée. Parfois, elle rencontre l'œuvre finale, parfois elle s'en éloigne", relève le nouveau directeur général des MRBAB, Kim Oosterlinck.
"Drafts" s'insère en outre dans la politique de mise en lumière des collections des MRBAB. Tous les deux ans, 10% des œuvres déménageront des réserves aux allées du musée pour permettre au public de (re)découvrir ce patrimoine. Cette grande exposition automnale marque également l'aboutissement d'une vaste campagne de restauration menée pendant deux ans par les équipes du musée. Dans les ateliers de l'institution, une trentaine d'œuvres ont retrouvé leur éclat d'antan. Avec quelques surprises à la clef, comme une empreinte digitale et un peu de sable figés sur une esquisse réalisée en plein air par Alfred Verwée, sur le couvercle d'un e boîte à cigare.