Six personnalités du secteur hospitalier ont fait, lors d’une table ronde organisée par Le Spécialiste, et soutenue par MSD, un bilan de l’avancement des réseaux hospitaliers. Au cœur de ce débat: le dossier patient informatisé (DPI)
Serait-il sensé que l’Etat investisse dans un dossier patient informatisé (DPI) que tous les hôpitaux du pays utiliseraient?
Francis de Drée (directeur général adjoint de l’Hôpital universitaire de Bruxelles): Au niveau théorique, de façon intuitive, l’idée est excellente: pouvoir mutualiser les moyens pour pouvoir produire un DPI commun. C’est par exemple la stratégie de Kaiser Permanente aux Etats-Unis dont l’objectif est de consacrer 5 à 10% de son chiffre d’affaires à l’informatique, ce qui représente à leur échelle un investissement de plusieurs milliards de dollars. Par rapport à ces montants, le budget alloué à l’informatique hospitalière en Belgique est très faible. Au niveau de la vie réelle, de l’opérationnel, c’est moins évident de produire un seul DPI. En France, les autorités de certaines régions ont essayé de développer des DPI mutualisés. Mais comment faire pour qu’un DPI corresponde aux attentes de tous les hôpitaux. C’est une chimère. Il faut une gouvernance pour gérer un DPI et la gouvernance opérationnelle se trouve actuellement au niveau des hôpitaux, pas aux niveaux fédéral ou régional.
Benoît Debande (directeur général administratif et financier du Chirec): Le DPI est structurant pour le fonctionnement de l’hôpital. Commençons par essayer d’avoir un même DPI par réseau. J’attends de voir que tous les spécialistes d’une même discipline parviennent à s’entendre pour remplir de la même façon un DPI. C’est cela la vraie vie! Tant les médecins que les infirmières ont été formés à l’autonomie. Un superbe outil informatique ne va pas tout régler.
Pour mettre les réseaux sur pied, ne profiterait-on pas de projets novateurs, par exemple, l’utilisation de l’intelligence artificielle et la problématique de la cybersécurité? Les hôpitaux pourraient se mettre autour de la table parce que la problématique est très similaire partout et qu’elle pourrait être résolue de manière uniforme sans devoir se plonger dans les spécificités de chacun des hôpitaux et l’historique des pratiques. Nous pouvons peut-être sortir par le haut des réseaux en investissant ensemble plutôt qu’en gérant ce qui ne fonctionne pas. Cela permettrait de fédérer les acteurs et de les pousser à se parler.
Attendre le gouvernement et une législation adaptée n'est pas toujours approprié pour prendre des initiatives. Les vastes possibilités de l'intelligence artificielle (IA), par exemple, évoluent à une vitesse fulgurante. Les anticiper pourrait-il permettre de réaliser des gains dans le domaine des soins de santé?
Peter De Jaeger (directeur de l'innovation AZ Delta Roeselare et directeur du centre d'apprentissage et d'innovation RADar): Absolument. À plusieurs niveaux. D’une part, sur le plan qualitatif. Un médecin qui collabore avec l’IA devient un «médecin ++». D’autre part, sur le plan de la planification, vous pouvez inclure l’IA dans la hiérarchisation des priorités en matière d’examens. Pour les pathologies, pour donner un exemple concret, nous avons maintenant un outil de planification que nous avons conçu nous-mêmes. Avant, quelqu’un qui planifiait manuellement se retrouvait parfois avec un planning favorable. Maintenant, l’ordinateur complète le planning tous les soirs à 4 heures du matin, en suivant toujours exactement les mêmes règles. Les «tickets» sont prêts pour tout le monde le matin. Une belle économie réalisée grâce à quelque chose de simple. Au début, cette mesure avait provoqué de nombreuses résistances, personne ne souhaite qu’un ordinateur gère son travail. Mais lorsqu’il y a une panne informatique, je reçois immédiatement un coup de téléphone me demandant où se trouvent les «tickets». Grâce à l’objectivation, l’attitude a complètement basculé vers une bonne acceptation.
Forme-t-on assez le personnel à l’utilisation des outils informatiques?
Stéphan Mercier (administrateur délégué du groupe Jolimont): La problématique de la formation des professionnels est relativement compliquée parce que le temps c’est de l’argent. Or, les hôpitaux en ont peu. Si on pouvait dire à un chirurgien qu’il va gagner autant d’argent en se formant à l’utilisation d’un DPI qu’en remplaçant une prothèse de hanche, le problème de la formation serait résolu. Aujourd’hui, c’est très difficile de pousser les prestataires à se former. C’est aussi générationnel. J’appartiens encore à une génération qui lisait les modes d’emploi des appareils. Ce n’est plus le cas chez les trentenaires qui ont plutôt l’habitude de directement utiliser de façon intuitive les outils technologiques. Ils apprennent par essais et erreurs.
Benoît Debande: Cette attitude me fait très peur, par exemple, pour la prescription informatisée. Heureusement, la pharmacienne et l’infirmière peuvent éviter toute une série d’erreurs, mais le risque existe. Nous avons un problème important au niveau de la formation parce les prestataires n’ont plus le temps ou plus envie de se former. Par ailleurs, saisit-on dans le dossier médical des données qui sont réellement pertinentes? Quand je vois que les infirmières doivent encoder de nombreuses données et que ces données ne servent pas à grand-chose, cela m’inquiète. D’autant plus que, pendant ce temps, elles ne sont pas au chevet du patient. On parle de perte de sens. Or, je me demande si le dossier infirmier n’a pas surtout été créé pour la reconnaissance de cette profession qui voulait disposer d’un outil informatique. Cette volonté de reconnaissance a créé une charge de travail dont je demande à quoi elle sert, si ce n’est au financement. Mais est-ce vraiment raisonnable «tout ça pour ça». À quand la sobriété informationnelle?
Les infirmières sont importantes à l'hôpital, mais ne sommes-nous pas en train d'oublier le patient avec tous ces "gadgets" numériques? Comment votre hôpital aborde-t-il ce problème?
Dirk De Ridder (directeur de la qualité UZ Leuven, cofondateur de FlaQuM (Flanders Quality Model)): Avec un panel d’environ 60 patients qui ont été formés avec nous pour ne pas se concentrer uniquement sur leurs propres anecdotes. C’est là que nous testons des choses et que nous organisons des discussions sur, par exemple, les outils que nous mettons à la disposition des patients par voie électronique. L’important est de ne pas laisser les médecins et les infirmières se débrouiller seuls. En ce qui concerne les patients, nous distinguons clairement deux groupes. L’âge n’est pas tellement un facteur déterminant, mais le niveau d’éducation et les déterminants sociaux le sont. Nous devrions certainement soutenir la population vulnérable, les réfugiés et d’autres personnes en matière de numérisation.
Sarah De Broe (directrice de la pharmacie du ZNA, responsable de la communication de l'Association flamande des pharmaciens hospitaliers): À Anvers, nous avons lancé des Digipunten (points digitaux) pour les «analphabètes informatiques». Il s’agit d’un comptoir situé à la réception de l’hôpital qui accueille les patients s’ils le souhaitent et leur apprend éventuellement à utiliser certaines applications comme Itsme ou à prendre un rendez-vous par voie électronique. Nous avons également une application linguistique pour 12 langues à ce jour. Pour les pathologies courantes, nous avons intégré une foire aux questions (FAQ) dans cette application.
Entendez-vous souvent les médecins dire que la numérisation les incite à rester assis devant leur écran plutôt que d'avoir un contact direct avec leurs patients?
Peter De Jaeger: Cette plainte est souvent justifiée. Comment pouvons-nous utiliser la technologie pour réduire le temps passé devant l’écran? Il existe un certain nombre d’initiatives, comme une start-up, dans ce domaine. Aux Pays-Bas, une forte communauté ouverte de ressources humaines se développe, qui commence à avoir une forte emprise sur le DPI et veut lui donner une orientation hospitalière, plutôt que de partir de l’opérationnel. Il y a donc une certaine évolution dans la recherche de solutions, mais la question est encore loin d’être résolue.
Lire aussi: Les hôpitaux "sans papier" : un objectif encore lointain pour le NHS
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Francois Planchon
10 octobre 2023Une patiente suivie pour un cancer habite une commune à facilités. Son cancer est suivi en Wallonie, mais in fine un traitement spécifique a été décidé puis réalisé en Flandres...
Elle a dû copier/coller son dossier pour l'envoyer aux médecins Flamands qui ne pouvaient y accéder !
Désolé, mais c'est inadmissible : on ne paye pas des impôts pour aboutir à des absurdités aussi flagrantes, désolé.
Seconde remarque : dans les envois de courrier entre médecins, on doit d'abord s'identifier avec sa carte d'identité, ce qui procure à mon sens une sécurité suffisante...
Mais le concepteur du système a ajouté un codage avec un second cryptage à valider...
Si on doit renouveler son cryptage, car le précédent dysfonctionne (ce qui est assez courant...), il devient impossible de relire les anciens messages !
SVP, ne peut-on se contenter de l'accès par la carte d'identité (ou Itsme) et arrêter de tout compliquer avec une seconde couche de cryptage ? C'est franchement inutile : l'accès par la première identification est suffisamment sécurisé !