Inge Neven, conseillère au Cabinet Vandenbroucke, estime qu’en théorie il n’y a actuellement pas de pénurie de personnel soignant dans les hôpitaux, mais qu’elle existe bien, en pratique, et qu’elle sera encore plus importante à l’avenir si des mesures structurelles ne sont pas prises rapidement.
L’ancienne responsable de la lutte contre le Covid à la Cocom a présenté le 3 février, lors de la 2e journée du Cycle de perfectionnement en sciences hospitalières de l’UCLouvain, les résultats d’un travail effectué auprès de 30 hôpitaux pour dégager des solutions et évaluer la problématique de la pénurie de personnel.
Inge Neven souligne que les causes de cette pénurie sont multiples : baisse du nombre de diplômés, prolongation des études, diminution de la productivité par ETP lié, entre autres, aux activités de formation et d’encodage, hausse de l’absentéisme et répartition des tâches (40% des infirmières ne sont pas actives comme infirmières).
« De nombreux soignants ont l’impression qu’ils ne peuvent plus délivrer des soins de qualité. Ce sentiment crée une frustration. Des professionnels quittent le secteur de la santé. Ces départs augmentent la pression sur ceux qui restent », analyse Inge Neven. La conseillère du ministre de la Santé publique ajoute également que la recherche d’une certaine qualité de vie a également un impact sur l’organisation du travail.
« Un équivalent temps plein (ETP) de 2023 n’est plus un ETP de 2003 », soutient Inge Neve. « Les soignants ont beaucoup plus de formations et doivent faire preuve de plus de flexibilité aujourd’hui qu’il y a 20 ans. Les 38 heures par semaine ne correspondent plus aux anciennes 38 heures par semaine. » Ces changements expliquent qu’il faut revoir le nombre d’ETP qu’il faudrait pour bien faire tourner les hôpitaux.
La conseillère de Frank Vandenbroucke note également que le travail s’effectue de plus en plus en silo, que les normes d’agrément sont anciennes et inadaptées, que les nouvelles échelles IFIC posent problème et qu’il faudrait mieux aligner les formations avec les besoins des professionnels.
Convaincue qu’il n’y a pas de solutions miracles pour lutter contre cette pénurie de soignants, Inge Neven estime qu’il « faut renforcer l’image positive des soins de santé », fortement altérée par la crise sanitaire. A ce sujet, Sylvie Duroisin, directrice des domaines santé de la Haute école Louvain en Hainaut, préconise d’essayer de sensibiliser et de recruter les futurs étudiants aux métiers de la santé en utilisant les réseaux sociaux adaptés (Tik Tok, Instagram, Facebook…)
Pour Yves Hellendorf, secrétaire national CNE non marchand, il est clair que la charge de travail des soignants s’est intensifiée et complexifiée et que l’encadrement infirmier est actuellement insuffisant dans les hôpitaux. Il propose de prendre des actions à court et moyen termes. Il recommande d’abord de limiter l’offre de soins, d’offrir un soutien logistique, administratif et technique aux soignants, de contrôler l’emploi effectif et de limiter les tâches administratives. Dans un second temps, le syndicaliste conseille d’élargir le nombre des équipes mobiles, de rationnaliser l’offre et de moderniser et améliorer les normes qui existent déjà. « Il faut avoir une rupture par rapport à l’offre de soins que l’on veut fournir dans les hôpitaux en tenant compte du personnel dont on dispose réellement », soutient Yves Hellendorf. Le secrétaire national estime que les autorités n’ont pas de budget pour améliorer la situation des soignants en 2023 et 2024. « Un milliard a été mis sur la table, rien n’a changé », commente sévèrement le syndicaliste qui, analysant la sémantique, souligne que « la rétention du personnel est une vision patronale, ce qui intéresse les travailleurs sur le terrain, c’est la tenabilité par rapport au travail.»