Le juge amené à se prononcer sur la plainte d’un patient contre l’AZ Delta (qui était encore à l’époque des faits, en 2009, le Stedelijk Ziekenhuis Roeselare) a estimé que les praticiens et hôpitaux sont responsables du matériel qu’ils utilisent – soit, en l’occurrence, une prothèse défaillante. Un verdict un peu surprenant en ce sens que le fabricant semble être mis hors de cause… mais qui alimente aussi une certaine incertitude dans le chef du patient et de ceux qui le soignent.
L’affaire en quelques mots : en 2009, le patient subit une opération pour remplacer une prothèse de hanche initialement posée en 2007. Peu après, il commence à rencontrer des problèmes avec le dispositif, qu’une révision réalisée en 2012 ne permet pas de résoudre. Le 8 novembre 2018, le patient et l’Alliance Nationale des Mutualités Chrétiennes (partiellement subrogée dans ses droits) demandent par conséquent par exploit d’huissier que l’asbl hospitalière soit condamnée au paiement d’une indemnité provisionnelle et qu’un médecin-expert soit désigné pour examiner le patient.
Responsabilité et sécurité
Il est donc question ici d’une action en responsabilité à la fois en raison de vices cachés et parce que l’hôpital a failli à son obligation de sécurité vis-à-vis du patient. Dans la foulée, l’établissement a mis en demeure le fabricant de la prothèse.
La plainte basée sur l’obligation de sécurité qui existe dans le chef de l’hôpital – qui recouvre notamment l’obligation d’utiliser du matériel adéquat et sûr – a été déclarée recevable. Le juge a en effet estimé que le patient avait subi des dommages en raison du placement d’une prothèse défectueuse, l’obligation de sécurité faisant, à son sens, partie intégrante de l’obligation de résultat.
Les auteurs d’une analyse publiée dans le Tijdschrift voor Gezondheidsrecht (1) estiment que le fait de considérer l’obligation de sécurité comme un élément de l’obligation de résultat renforce la position juridique du patient lésé vis-à-vis du médecin et de l’hôpital. Même en l’absence de toute faute ou négligence de leur part, les prestataires de soins peuvent en effet être tenus pour responsables des dommages découlant d’un manque de sécurité du matériel et doivent donc être très attentifs à la qualité de celui-ci.
Responsabilité du fait des produits
Les prestataires conservent en principe la possibilité de se retourner contre le fabricant du dispositif défectueux… pour autant du moins que la responsabilité du fait des produits ne soit pas déjà prescrite parce que la personne qui a encouru le dommage a attendu trop longtemps pour s’adresser aux tribunaux.
En l’occurrence, c’est justement pour cela que la demande basée sur la responsabilité du fabricant de la prothèse pour les éventuels vices cachés a été déclarée non recevable : le dossier n’avait été ouvert que plus de six ans après remplacement de la prothèse défectueuse, soit beaucoup trop tard.
On ne peut toutefois que déplorer l’incertitude que génère, dans le chef du patient et du médecin, le manque de réel consensus dans la jurisprudence dont ce jugement offre un exemple parmi bien d’autres.
(1) T.Gez. 2022-2023, afL 1, 66-75.
Derniers commentaires
Francois Planchon
21 octobre 2022Surréaliste : donc, quand on laisse passer les délais de prescription contre un fabricant de prothèses, faute de pouvoir se retourner contre lui, la justice se retournera alors d'office contre l'hôpital et le médecin ?
A quoi on joue ? Si la justice crée trop d'insécurité juridique vis à vis des prestataires de soins, même de bonne foi, plus personne ne voudra s'engager dans les professions de soins, et le coût des assurances RC explosera le coût des soins..