Le Dr Caroline Depuydt , psychiatre, cheffe de service à la clinique Fond'Roy à Uccle, pointe l’attitude du ministre fédéral de la Santé en cette fin d’année: «Il n’est pas bon de prendre, comme le ministre le fait, des décisions unilatérales. C’est un passage en force qui est, pour les médecins, peu respectueux de leur investissement. En 2024, les autorités doivent arrêter de mépriser les médecins de cette manière et entendre l’état plus que préoccupant des hôpitaux. »
Avec cette fin d’année, les médecins passent aussi par des moments très compliqués : «Suppression des suppléments d’honoraires pour la radiologie, pour les BIM… tout cela a un impact sur les médecins. Leur liberté d’honoraire est un droit. Je comprends qu’il faille protéger les patients BIM et limiter les coûts et les surcoûts, mais ce qui s’est passé au cours des 6 derniers mois est très inquiétant. Cela met à mal l’équilibre des finances des hôpitaux et des personnes qui y travaillent comme les médecins. Pour rappel, plus de 90% des hôpitaux sont en déficit ou dégagent une marge très faible. Ce n’est pas de bon augure. Par ailleurs, les indexations sont, en partie, prises sur les fonds propres. Les institutions font face à une augmentation des charges énergétiques, patronales, alimentaires… Tout cela fait que les hôpitaux sont dans une grande difficulté. Les généralistes et spécialistes extra-hospitaliers sont aussi impactés par ces mesures coercitives. Pour certains, cela induit une précarité inquiétante.»
La psychiatre insiste sur un point central: «En 2024, les autorités doivent arrêter de mépriser les médecins de cette manière et entendre l’état plus que préoccupant des hôpitaux. Quand certains acteurs disent que les hôpitaux bruxellois demandent beaucoup de suppléments d’honoraires, il faut savoir qu’à Bruxelles, le nombre de BIM est beaucoup plus important qu’ailleurs puisqu’il s’agit d’un grand centre urbain. Si on supprime les suppléments d’honoraires pour les BIM, on punit donc deux fois les grands centres urbains… D’autant plus que Bruxelles reçoit 30% de population qui ne vient pas de Bruxelles. Il y a un risque de colère et d’écroulement.»
Le Dr Depuydt pointe l’attitude du ministre fédéral de la Santé en cette fin d’année: «Il n’est pas bon de prendre, comme le ministre le fait, des décisions unilatérales. C’est un passage en force qui est, pour les médecins, peu respectueux de leur investissement. En outre, il faut aussi mieux revaloriser les actes intellectuels.»
La syndicaliste médical (ABSyM Bruxelles – Union des médecins) aborde aussi une question importante: le risque de pénurie. De nombreux médecins étrangers arrivent dans les institutions parce qu’ils répondent à un manque.
Par ailleurs, selon elle, il convient de trouver la réponse adéquate avec les sous-quotas. «Aujourd’hui, en Belgique francophone, il y a une demande d’atteindre 43% de généralistes pour répondre à la pénurie. On crée, à présent, une pénurie chez les spécialistes. Cela va toucher les spécialités les moins attractives pour les jeunes: psychiatrie, pédopsychiatrie… Je ne dis pas que le transfert n’est pas nécessaire, mais il convient de le faire sans toucher au nombre de spécialistes.»
Pour que l’hôpital et les médecins puissent travailler dans les meilleures conditions, ils doivent pouvoir compter sur les infirmiers: «On souffre parce qu’on ne peut plus répondre aux normes légales d’encadrement des patients.». Elle revient sur un autre problème, peut-être moins connu: «Nous constatons aussi une pénurie d’assistants sociaux. Cela a un impact sur les patients et sur le suivi des soins notamment en santé mentale. Dans certains endroits, une bonne moitié des postes d’assistants sociaux sont ouverts mais non remplis.»
Santé mentale: il faut structurer les projets lancés
Enfin, à son niveau, la Dr Caroline Depuydt, psychiatre, cheffe de service à la clinique Fond'Roy à Uccle, rappelle que depuis la pandémie de Covid, les autorités dégagent plus de moyens pour le secteur de la santé mentale. Toutefois, le moment est venu d’avoir une ligne de conduite un peu plus claire: «Il faut structurer les projets lancés en 2022 et 2023 (et même avant): 200 millions pour les soins psychologiques de première ligne, 11 millions pour les troubles du comportement alimentaire, 35 millions pour les ados… Ce sont des projets pilotes très intéressants. Ces initiatives doivent être poursuivies. Il faut à présent les formaliser, les implémenter sur la durée, les confronter à la réalité du terrain.»
La psychiatre estime qu’un autre aspect est fondamental: l’accessibilité. «Comment l’usager peut-il s’y retrouver avec toutes ces mesures? Il y a un effort à faire dans l’accessibilité des soins de santé mentale, d’autant plus qu’ils s’adressent à une population très fragilisée à ce niveau-là. Des gens qui souffrent de phobie, qui sont délirants… ont des difficultés à formuler une demande adéquate de soins. C’est très bien que des budgets aient été dégagés. Il faut le dire. Mais il faut améliorer la structure globale et à long terme.»
Elle insiste aussi sur «la précarité d’emploi qu’amènent ces mesures qui se renouvellent chaque année. Les salariés ne savent que le 31 décembre s’ils sont réengagés ou pas. Il faut apaiser le secteur dans la mesure des moyens.»
Derniers commentaires
Marie-Eve Bousmar
11 janvier 2024Très bien dit ! Merci pour ce bel article !
Igne PARMENTIER
09 janvier 2024Mr VDB est occupé à créer une pénurie médicale inquiétante ! Son attitude méprisante vis à vis du corps médical va décourager une population pourtant enthousiaste au départ. Le médecin généraliste est amené à remplir un rôle de médecin interniste , l'infirmière et le pharmacien à jouer au médecin , l'aide soignante à remplacer l'infirmière ...
Et les médecins étrangers à combler les vides ! Tout cela pour faire des économies qui , à long terme, détruiront la qualité des soins et donc couteront très cher. Igne Parmentier
Sammie SOETAERT
08 janvier 2024N'est-ce pas l'Absym qui a poussé à l'époque pour le numerus clausus ?