«Ce qui m’a le plus frappé dans le discours du ministre Vandenbroucke c’est qu’il a déclaré qu’il avait entrepris il y a vingt ans la réforme de la nomenclature, sans succès, et que la réforme actuelle - celle de la nomenclature, du financement des hôpitaux et de la structuration des soins - doit passer maintenant parce que dans le cas contraire, on risque de perdre à nouveau de nombreuses années», commente Jean-Luc Demeere, président du Groupement belge des spécialistes (GBS).
«C’est interpellant! Le message du ministre est clair: si vous voulez avoir un avenir, suivez-moi. Si vous vous opposez à moi, vous en paierez les conséquences», commente le Dr Jean-Luc Demeere.
Lors de son exposé, qui a introduit le symposium du GBS consacré à la réforme de la nomenclature et de l’organisation de soins, le Dr Demeere a présenté, non sans humour, l’évolution de la première ligne et le rôle de plus en plus important des non-médecins, par exemple des pharmaciens et des infirmières de pratique avancée ou de soins généraux… qui pourraient réaliser des actes et prescrire des examens, des soins, voire des médicaments. «Une évolution pour le moins révolutionnaire», estime l’anesthésiste. «Avec des risques de pratiques autonomes de la part, des infirmières de pratiques avancées et des assistants de pratique en médecine générale qui peuvent réaliser des prises de sang. Dans cette évolution, comment situer le travail de l’infirmière et de la secrétaire médicale, deux professions qui existent déjà?» Trois termes disparaissent de la première ligne, la pratique en solo, le médecin spécialiste et la médecine spécialisée dite de «villas». Le ministre a rejeté cette «caricature» de la médecine de première ligne.
Selon Jean-Luc Demeere le ministre de la Santé publique s’est avancé lors de son discours (lire en page 4) sur une rémunération équitable et motivante des médecins et une répartition plus juste des gardes. «Il a également déclaré qu’il faudra revoir les revenus des médecins afin de dégager de l’argent pour refinancer les soins de santé.»
Quid de la médecine extrahospitalière?
Lors du symposium, Frank Vandenbroucke a prôné la bonne collaboration entre les première et deuxième lignes sans défendre, selon Jean-Luc Demeere, la place de la médecine extra-hospitalière. «Il n’a pas exclu cette pratique, mais il veut maintenir un contrôle sur la profession libérale du médecin spécialiste qui exerceextramuros», estime le président du GBS.
Quant aux suppléments d’honoraires, le ministre a reconnu que le sujet est épineux, entre autres parce qu’ils représentent une source de financement de l’hôpital. Il a précisé qu’un groupe de travail essaye de dégager des solutions.
Donald Claeys, secrétaire général du GBS, a expliqué que la modification des listes A et B ne profitent pas directement aux médecins, mais bien aux gestionnaires hospitaliers. «L’hôpital de jour est passé d’un prix de journée de 0,81% à un prix de journée de 0,95%. Les gestionnaires hospitaliers ont été aidés par les médecins spécialistes pour développer la médecine ambulatoire», analyse le Dr Demeere. «Le Dr Claeys a montré que la notion d’hospitalisation de jour recouvre des réalités très différentes, entre au niveau des moyens utilisés. La lourdeur des investissements diffère fort en fonction des spécialités»
Financement spécifique de la pédiatrie spécialisée
Le Dr Marianne Michel a rappelé lors du symposium combien les pédiatres sont présents au sein des hôpitaux et qu’il n’y pas que de la «pédiatrie de villa». Le quotidien du pédiatre est mixte. Il travaille souvent à la fois dans son cabinet et à l’hôpital, ce qui lui permet de recruter des patients et d’assurer ses revenus. «Le Dr MIchel a fait part de la détresse de la médecine pédiatrique spécialisée qui n’est pas spécifiquement financée. Le fait que la nouvelle nomenclature soit réalisée en fonction des adultes pose problème aux pédiatres parce qu’il faut une approche, une expertise et des équipements différents pour les enfants. La possibilité d’effectuer une tarification majorée de 20% pour les enfants a été avancée par Pol Leclercq (Ecole de santé publique de l’ULB)», explique Jean-Luc Demeere.
Johan Blanckaert, président de l’Absym, a démontré que la sécurité opératoire en ophtalmologie en ambulatoire est équivalente à celle réalisée à l’hôpital. «Les ophtalmologues effectuent eux-mêmes de contrôles des différentes pratiques et surveillent la sécurité. Ils mettent en avant l’avantage d’avoir des structures adaptées et de ne pas devoir supporter la lourdeur du système hospitalier. Johan Blanckaert a rappelé que durant la pandémie les structures extrahospitalières en ophtalmologie ont joué un rôle important au niveau de la santé publique et que la médecine extramurale doit garder sa place dans le paysage hospitalier de demain.»
Maintenir le lien
Le Dr Olivia Cools, présidente de l’association professionnelle de psychiatrie, a aboli lors de son exposé le clivage que l’on fait souvent entre le psychiatre et le psychologue en précisant qu’ils travaillent ensemble. «Elle a montré l’importance de la psychiatrie dans les soins ambulatoires en précisant que les structures hospitalières ne sont souvent pas adaptées à la prise en charge. Et qu’il faut donc maintenir absolument la psychiatrie extra-hospitalière en gardant le lien avec l’hôpital», a précisé Jean-Luc Demeere.
Le Dr Katelijne Valgaeren a soutenu que la gastroentérologie a également sa place en ambulatoire tout en ayant une activité technique plus importante en intramuros, entre autres pour les colonoscopies qui nécessitent une infrastructure lourde pour les examens et leurs suivis et dont les coûts de stérilisation tombent sous la responsabilité du pharmacien hospitalier, bien que parfois mis à charge du gastro-entérologue dans certaines institutions.
En conclusion de ce symposium très riche - qui a fait salle comble - le Pr Constantinus Politis a déclaré qu’il faut rapidement trouver un modus vivendi entre la médecine hospitalière, la médecine extrahospitalière et la médecine de première ligne.
Les servitudes de la gynécologie
Lors de sa présentation, le Dr Guy Verhulst a démontré que la gynécologie est très appréciée de la population. «Il a très bien expliqué que bannir les consultations extrahospitalières libérales en gynécologie est une aberration en termes de santé publique», avance le Dr Demeere. «Et de pointer les actes que les sages-femmes peuvent prester et leur financement en comparaison avec les actes que le gynécologue peut prester. Il a montré que les suppléments sont importants en dermatologie, encore plus importants en ophtalmologie, en stomatologie et en orthopédie. On considère souvent que le gynécologue exerce la médecine privée pour se remplir les poches. Or, il a souvent un honoraire de consultation qui est ridiculement bas et ne figure pas dans le top des spécialistes qui demandent le plus de suppléments. Le Dr Verhulst a rappelé toutes les servitudes auxquelles les gynécologues et, encore plus, les obstétriciens doivent supporter pour des honoraires relativement faibles.» L’orateur a également souligné la sous-spécialisation accrue de la gynécologie-obstétrique qui a donné naissance à différentes pratiques médicales.
Derniers commentaires
Francois Planchon
07 février 2023Il serait temps qu'il y ait un partage "public" des intentions...
C'est le manque de dialogue qui est stupéfiant : on ne peut pas viser au remaniement de la vie professionnelle de dizaines de milliers de prestataires sans un dialogue "démocratique" préalable sur les objectifs poursuivis...
Prenons par exemple le "numerus clausus" qui est maintenu comme un dogme, alors que fusent de partout des constats de pénurie de personnel...
La crise du Covid a été un excellent stress-test (dont on se serait bien passé..) qui amis en évidence, des évidences...
Terminons par un petit exemple récent : une prise de rendez-vous avec un gastro-entérologue par téléphone la semaine dernière et un rendez-vous en.... novembre... (Hôpital de la Citadelle à Liège).
Et puis on s'étonnera de la saturation des "urgences"..., devenues le seul moyen d'avoir un diagnostic rapide. LA question est de savoir si de tels délais ne coûtent pas une fortune à la sécurité sociale, par la détection tardive de pathologies (pouvant être graves) qu'on aurait pu traiter à moindre coût (vu que c'est devenu le nerf de la guerre...) dès l'apparition des premières gênes...
Devant de tels constats, que j'imagine nous faisons tous chacun de notre côté, maintenir un numerus clausus inférieur aux besoins (augmenté d'une marge de sécurité), est criminel, n'ayons pas peur des mots.
Alors, donner la priorité à une réforme de la nomenclature sans mettre en question les limitations du nombre de prestataires, toutes causes confondues, c'est déroutant, à moins qu'il y ait un débat préalable avec les unions professionnelles sur la tactique adoptée, suivi d'un consensus...
Jacques MAIRESSE
06 février 2023Le bordel en médecine c’est le numerus clausus! Une politique de caste!