Ne sacrifions pas les médecins étrangers pour faire face au coronavirus ( CIMACS )

Le Comité interuniversitaire des médecins assistants candidats spécialistes (CIMACS), syndicat des médecins en formation (MACS) francophones, a appris que le Centre Démocrate Humaniste introduira une proposition d’amendement aux changements introduits le 22 avril 2020 à la loi du 10 mai 2015 concernant la dispense spéciale accordée aux médecins provenant d’un pays hors l’Union Européenne pour exercer la médecine. Environ 70 médecins seraient concernés par la mesure en question. 

Pour rappel, les médecins reçoivent ces dispenses pour pratiquer temporairement la médecine pendant 1 ou 2 deux ans et ainsi se former en Belgique pour acquérir des compétences particulières à exporter dans leur pays d’origine. Le 22 avril dernier, des changements à la loi de 2015 ont été apportés afin d’exclure pendant 1 an l’arrivée des médecins hors UE. Ces modifications prennent tout leur sens à une période où la formation des médecins exerçant déjà en Belgique est fortement compromise par le remaniement des services hospitaliers et l’extrême diminution d’activités cliniques non-COVID. 

"À l’heure actuelle, nous ne savons pas comment le Plan d’Urgence Hospitalier et la pandémie COVID-19 vont affecter à moyen terme le nombre de place de stage pour les médecins formés en Belgique."  s'interroge Giovanni Briganti, Président du CIMACS. " Pourtant, le cdH veut permettre à environ 70 médecins hors UE de venir travailler sur le sol belge pendant cette crise sans précédent." 

Dans un communiqué le CIMACS souhaite réagir à cette proposition : 

Premièrement, cette proposition semble découler d’un ressenti politique de manque de force de travail parmi les professionnels de la santé pendant la pandémie COVID-19 : il nous semble inacceptable de priver à notre tour les pays hors-UE de médecins (alors que ces pays sont souvent en pénurie), sans oublier que les médecins étrangers sont souvent sous-payés pour effectuer les mêmes taches que les médecins ressortissants d’une université belge. Cette proposition bien-pensante ne tient pas compte de la situation que ces médecins étrangers vivront une fois sur le territoire belge : manque d’encadrement, surcharge de travail, manque de moyens de protection personnelle ; "nous ne devons pas sacrifier les médecins étrangers pour faire face à notre combat contre la pandémie" exhorte le Dr Briganti.

Prendre de la hauteur

Il faut surtout rappeler que, même s’il est vrai que la charge de travail des professionnels de la santé pourrait être soulagée pendant cette période, c’est surtout la problématique plus grande du financement de lits supplémentaires et, en prenant de la hauteur, de tout le secteur des soins de santé qui doit être taclée en urgence par les politiques dans le cadre de la pandémie et la construction de meilleures bases sociétales pour l’après-pandémie.

Report des stages

Le principe même de stage en Belgique pour acquérir des compétences spécifiques n’est plus applicable en période de pandémie, au vu des remaniements dans les différents milieux de soins. 

Au vu de ces arguments, le CIMACS souhaite soutenir la perspective d’un report de ces stages spéciaux à un moment où il sera possible pour les médecins étrangers d’apprendre dans des meilleures conditions.

"Nous espérons que nos élus puissent en ce moment de crise prendre de la hauteur et ne pas mener des combats pour redorer le blason de leurs partis respectifs. Le temps viendra, après cette crise, de relancer les débats importants concernant la planification de la force de travail médicale." conclu le président du CIMACS

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Derniers commentaires

  • Elie Cogan

    12 mai 2020

    Cher Monsieur Briganti,
    Votre méconnaissance du dossier est affligeante et votre analyse à courte vue tellement réductrice. Un message de style populiste vis-à-vis de "vos troupes" qui s'écarte tellement des valeurs que nous avons tenté de vous transmettre lors de vos années d'étudiant dans notre maison.
    Les termes "corvéables à merci" , "exploités" et "sous payés"! Le programme de formation des boursiers FOSFOM prévoit depuis le début de cette coopération une bourse dont le montant final est équivalent à la rémunération de nos candidats spécialistes. Et c'est pareil en ce qui concerne les autres universités. Les faire passer pour des esclaves "corvéables à merci" est assez scandaleux. La qualité de la formation est précisément qu'ils occupent des fonctions équivalentes aux autres candidats spécialistes et font réellement partie des équipes en y étant parfaitement intégrés. Renseignez-vous et ne faites pas de la désinformation. Les boursiers actuellement en stage chez nous ont pu précisément profiter de la qualité de la prise en charge des patients COVID et ramèneront dans leur pays l'expertise qu'ils ont pu acquérir dans ce domaine, ceci constituant l'enrichissement des systèmes de santé des pays partenaires, complémentairement aux aspects spécifiques de leur spécialité. C'est bien cela le sens de la coopération. Dans le cas présent, le fait d'avoir pu participer à la prise en charge des patients COVID constituera une valeur ajoutée lors de leur retour au pays. Il en sera de même des boursiers 2020-2021 en cours de sélection dans les différentes spécialités. Vous agitez le spectre du nombre de places disponibles dans les services de stage dans le cadre de la pandémie et la menace que les 70 médecins hors UE constitueraient pour nos étudiants. Brandir le spectre de l'ennemi extérieur est une méthode classique des grands rassembleurs. Les "syndicats" étudiants ont depuis le début été opposés à cette coopération. Je vous engage à aller sur le terrain et vous constaterez que dans la toute grande majorité des situations, ces médecins sont non seulement intégrés mais enrichissent nos propres services. Et puis, soyons sérieux. Les dernières restrictions de la loi publiée l'année passée concernant les art 146 ont limité les possibilités de coopération à 1 boursier par maître de stage avec des conditions strictes de sélection. De plus, les boursiers ne sont pas comptabilisés dans le quota ministériel attribué à chaque maître de stage et il est incorrect de faire croire qu'ils entrent en concurrence pour des places de stage. Enfin je vous engage à calculer ce que représente dans l'absolu le nombre de boursiers par rapport au total des candidats spécialistes dans nos services de stages. De l'ordre de 1%? Vous sortiriez grandi en faisant une courbe rentrante par rapport à votre déclaration. Et avant de me répondre trop rapidement, je vous engage à réfléchir à la locution latine "Errare humanum est, perseverare diabolicum" Prof. Elie Cogan (Professeur Emérite; ULB)

  • Bernard LE POLAIN DE WAROUX

    11 mai 2020

    On peut très bien comprendre l'inquiétude des assistants pour leur formation future; les activités normales des hôpitaux ont été suspendues, leur travail et donc leur formation clinique réduits actuellement. Nous pouvons espérer que progressivement l'activité clinique reprendra à un rythme sans doute différent (et peut-être chaotique à certains moments). Il faudra s'habituer à gérer l'aspect infectieux en plus de l'aspect clinique et de formation.

    Cependant, l'amendement apporté par Madame Catherine Fonck ne vise pas du tout à faire venir aujourd'hui des mercenaires sous payés pour servir dans les services face au coronavirus et suppléer à la main d'oeuvre locale.
    Il vise à permettre le maintien de formations dans le cadre de coopérations très appréciées et souvent de longue date de nos services avec des services ou universités des pays à faibles ressources.
    Cette formation est essentielle pour l'avenir de leur pays mais aussi des nôtres: les pays du sud comme les nôtres ont besoin de spécialistes de haut niveau qui seront les décideurs de demain.

    Les médecins boursiers dont il est question, viennent bénéficier d'une formation complémentaire dans leur curriculum de spécialité ou en début d'activité de spécialiste. Ils sont le lien pour le futur.
    Ils ont été sélectionnés en début d'année sur base de leur CV, de la qualité de leur service et de projet de service et de coopération Cette année de formation entre dans le cadre de leur curriculum qui se verrait amputé d'une année si ne pouvions les accueillir.
    Ces médecins boursiers sont un maillon essentiel dans la transmission des savoirs vis à vis de leurs plus jeunes collègues en formation localement.
    Il faut savoir que les démarches prennent 3 à 4 mois pour obtenir la dérogation 146 sur l'art de guérir. Ils sont donc en train de compléter leur dossier pour pouvoir arriver au mois d'octobre et leur dossier doit arriver au ministère dans les prochaines semaines pour être débloqué pour leur arrivée.
    Ils bénéficient d'une 'bourse' ,rémunération comparable aux assistants de chez nous, (+/- 1800 euros/mois) à laquelle se rajoutent les frais d'avion. Pour l'UCL, ces bourses dépendent du budget de coopération de l'Université.

    Bien entendu, la formation ne sera pas totalement comparable à celle des années précédentes: elle devra comprendre outre les éléments de la spécialité, des éléments sur le coronavirus, comme pour les assistants belges.

    Il faudra aussi prévoir test de dépistage et quarantaine et tout dépendra bien entendu de la réouverture partielle des frontières et du trafic aérien. Chaque maître de stage agréé sera consulté sur la pertinence du maintien de la formation dans le contexte futur proche.

    Il est donc important que l'amendement soit ratifié!

    Seule la solidarité internationale nous permettra de progresser face à l'épidémie actuelle mais aussi face aux futures épidémies! Le repli sur soi serait la pire option pour l'avenir!


    Dr Bernard le Polain de Waroux

    Consultant émérite en anesthésiologie
    Collaborateur coopération, coordinateur CD3S ( commission de développement du Secteur des Sciences de la Santé, UCL)
    Cliniques Universitaires Saint-Luc
    Avenue Hippocrate, 10
    1200 Bruxelles Belgique