Le ministre fédéral de la Santé Franck Vandenbroucke a apporté son soutien à une étude du Centre fédéral d'expertise des soins de santé (KCE). Selon cette étude publiée lundi, de nombreux nouveaux médicaments contre le cancer sont remboursés par l'assurance maladie belge sans toutefois apporter de preuves suffisantes d'une réelle amélioration de la santé du patient ou de sa qualité de vie. Le centre plaide pour une amélioration du système qui permettrait d'utiliser les moyens de l'assurance maladie plus efficacement.
Ces vingt dernières années, beaucoup de nouveaux médicaments contre le cancer ont vu le jour. À la demande de l'In stitut national d'assurance maladie-invalidité (Inami), le KCE a analysé, en collaboration avec le Registre du Cancer, l'effet de plusieurs de ces traitements sur la longévité des patients auxquels ils ont été administrés depuis 2004. Les résultats ont ensuite été comparés aux dépenses de l'assurance maladie, relatives à ces médicaments.
La plupart de ces nouveaux traitements sont utilisés dans des cas de cancers avancés, où la chirurgie et la radiothérapie ne peuvent plus rien. Or, une amélioration liée à l'utilisation d'un nouveau médicament n'est visible que dans six des 12 types de cancers étudiés par le KCE. Dans l'autre moitié des cas, la durée de vie du patient n'est aucunement améliorée.
Une étude de l'Agence européenne du médicament (EMA) portant sur 68 traitements approuvés entre 2009 et 2013 montre des résultats similaire à ceux obtenus par le KCE. Seuls 24 médicaments sur 68 montrent une prolongation de la vie du patient et celle-ci reste limitée (environ 2,7 mois). De plus, une amélioration de la qualité de vie du patient n'est constatée que dans 10% des cas (7 sur 68).
Selon le KCE, le problème se situe au niveau des procédures concernant les médicaments dits prometteurs, mais dont l'efficacité n'est pas encore prouvée. En effet, grâce aux contrats conditionnels appelés "managed entry agreements" (MEA), les laboratoires pharmaceutiques peuvent obtenir un remboursement temporaire de leur produit en attendant de pouvoir prouver son efficacité et ce, afin que les patients puissent bénéficier plus rapidement de ces médicaments. Malheureusement, une fois ce remboursement temporaire accordé, il est très difficile pour les pouvoirs publics de faire marche arrière notamment en raison de la pression de l'opinion publique. Les laboratoires pharmaceutiques ne se pressent donc pas pour apporter les preuves supplémentaires demandées.
"Nous voulons évidemment proposer le plus rapidement possible aux patients des traitements innovants présentant une réelle valeur ajoutée", a réagi le cabinet du ministre fédéral de la Santé. "Nous subissons une pression sociale et éthique pour rembourser ces types de nouveaux médicaments à un stade très précoce. Mais compte tenu de cette arrivée très rapide sur le marché, les nouveaux médicaments n'ont pas encore clairement fait toutes leurs preuves. On observe une possible amélioration clinique, mais souvent cela ne se traduit pas réellement par une durée de vie plus longue ni une meilleure qualité de vie pour le patient&quo t;, admet le cabinet.
Le ministre insiste également sur le fait que "tous les acteurs" sont engagés à fournir les preuves scientifiques. "Ce n'est que sur la base de preuves scientifiques claires que le gouvernement peut prendre une décision définitive de remboursement", explique-t-il. "Il faut gérer correctement le budget des soins de santé. Les thérapies innovantes, qu'il s'agisse de traitements contre le cancer ou autres, doivent être fondées sur des preuves. Les besoins de nos patients et les intérêts de la santé publique sont primordiaux."
Autre anicroche, le secret maintenu autour des prix de ces médicaments. Il rend le système opaque et empêche toute évaluation du rapport coût-efficacité, pourtant essentielle pour accorder un remboursement. En 2019, Les traitements bénéficiant du système MEA représentaient un quart du budget des médicaments en Belgique. Selon le KCE, une démarche législative a été amorcée pour changer le système, celle-ci n'a toutefois pas encore abouti.
En conclusion de son rapport, le Centre fédéral d'expertise des soins de santé recommande aux autorités régulatrices de se montrer plus exigeantes concernant les données scientifiques pour les demandes d'autorisation européenne et pour les demandes de remboursement au niveau national. L'objectif étant d'assurer une mise sur le marché de médicaments réellement efficaces pour le patient et d'optimiser l'utilisation des moyens de l'assurance maladie belge.
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