Le Conseil médical (CM) est l’organe représentant les médecins hospitaliers par lequel ceux-ci sont associés à la prise de décisions à l’hôpital. Depuis 1987, cette disposition figure dans la Loi sur les hôpitaux. Force est de constater que la réalité de l’association à la prise de décisions varie fortement entre les hôpitaux. Et c’est peu de le dire.
Pour certains gestionnaires, une information détaillée transmise au CM est en soi cette participation à la décision, surtout si les informations sont discutées. Mais point de décision formelle, la procédure d’avis simple (décrite dans l’article 137 de la même loi) étouffant dans l’œuf toute tentative du CM de donner corps à ses projets. Pour d’autres, l’information porte sur la décision projetée, sans livrer trop de données: une réponse est sollicitée, et la caravane poursuit son chemin.
Toutes les décisions concernant l’activité médicale au sens large, donc pas seulement celles du partage des honoraires, sont soumises à l’avis du CM, avis qui n’est contraignant que dans 5 situations énumérées dans l’article 139 de la loi (avis renforcé), essentiellement à propos des aspects financiers.
L’ABSyM a de tout temps plaidé pour une implication forte du CM dans la gestion hospitalière, stratégique et opérationnelle. Les tensions existent depuis le début du système, maintenues sous l’éteignoir par le prescrit de la loi. Des dérives sont inéluctablement survenues, les honoraires servant de plus en plus à compléter le financement structurellement insuffisant de l’hôpital. L’augmentation de l’activité des médecins hospitaliers s’est souvent traduite par l’augmentation des prélèvements sur honoraires, le summum survenant dans des institutions qui se sont attribué l’entièreté des suppléments d’honoraires, il est vrai avec l’assentiment du CM, lui-même placé le couteau de la survie de l’institution sur la gorge.
Trop souvent, le déséquilibre dans la relation CM-gestionnaire conduit au découragement, au décrochage des médecins de l’institution. Trop souvent, le gestionnaire, confronté à une opposition du CM, réagi en patron caricatural: harcèlement, licenciement de ceux qui ont osé s’opposer. Trop souvent, la délégation par le CM d’une partie de ses prérogatives à des groupes de travail ad hoc se traduit par sa mise à l’écart des décisions.
Le débat sur la répartition de l’avance de trésorerie de 1 milliard d’euros dans les hôpitaux est illustratif de la confusion qui règne. 70% de cette avance est destinée au secteur des honoraires (médecins et autres prestataires). Le premier servi sera le gestionnaire: couverture des frais générés par l’activité médicale, en temps normal assurée par le prélèvement sur honoraires. Déjà pour ce calcul, le modèle existant sera appliqué même s’il comporte des prélèvements «extralégaux». Le solde ira aux prestataires, soit l’équivalent d’un honoraire «pur».
Comment le répartir? La circulaire dit sans ambiguïté que ce sera l’organe légalement compétent, en concertation avec le gestionnaire. Ce n’est pas, et c’est une première, une décision du gestionnaire en concertation avec le CM. Je pense que peu nombreux sont ceux à avoir saisi la nuance, qui est de taille: pour la première fois c’est bien le CM qui a la main, élabore lui-même son modèle de répartition, et ensuite consulte le gestionnaire. Parce que l’organe compétent, c’est le CM, malgré les multiples tentatives du banc gestionnaire de faire prévaloir le CPC ou la commission financière.
Les gestionnaires ont vite compris, et demandé que ce soit le Comité Permanent de Concertation (CPC) ou la Commission Financière qui décide. De leur part, c’est logique, ces organes étant mixtes CM-gestion. Ce qui a été soigneusement passé sous silence, c’est que ces 2 organes n’ont en réalité aucun pouvoir de décision (articles 142 et 143 de la loi hôpitaux).
Le CPC, organe non obligatoire, composé de 2 délégations CM et gestion, essaie d’arriver à un consensus que chaque délégation défendra devant son mandant, CM ou gestion. En l’absence de consensus, on recourt à la procédure de résolution habituelle des conflits: rencontre avec le CM, et ensuite arbitres.
La Commission financière est obligatoire dans chaque hôpital et composée paritairement CM-gestion. Ici encore, aucun pouvoir de décision ne lui est reconnu. La loi permet que le CPC, là où il existe, reprenne le rôle de la Commission financière. Une lecture, même superficielle, de l’arrêté royal du 18 décembre 2001 (Informations financières obligatoirement communiquées au CM et pas à la Commission financière) permettra aisément de conclure que, trop souvent, le CM ne reçoit pas toutes les informations légalement prescrites.
J’encourage vivement les CM à saisir l’opportunité d’affirmer leur nouveau rôle avec vigueur. Les honoraires à répartir sont destinés par priorité à ceux qui ont travaillé sans nomenclature dans les postes Covid, aux candidats spécialistes (rémunération de base et heures supplémentaires), et enfin à ceux qui se sont trouvés sans ressources suite au lockdown. Beaucoup n’ont pu recourir aux téléconsultations, n’ont pas bénéficié des crédits passerelles, et n’ont pas eu accès aux indemnités pour indépendants. Bien sûr, ces montants sont des avances récupérables, mais qui peut sérieusement prétendre que les budgets octroyés pour 2020 seront dépassés, quand on connaît les pertes astronomiques des trois mois de lockdown?
J’incite vivement le CM à ne pas se laisser déposséder de sa capacité de décision, quels que soient les motifs invoqués ou les commissions suggérées. Le CM est le seul représentant des médecins hospitaliers, il a à la fois le pouvoir de décision, et la responsabilité entière.
Je souligne aussi que ce modèle inédit s’inscrit dans une procédure spécifique, en dehors des textes réglementaires. Il définit le CM comme celui qui décide. Saisissez-vous de cet enjeu, de ce défi!
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