De nombreux médecins ont tout perdu avec les inondations du mois de juillet dernier. Aujourd’hui, l’heure est à la reconstruction. Dans certains cas, toutefois, il faudra attendre 6 mois à un an pour un retour à la normale. Témoignages ...
Le Dr Luc Herry, médecin généraliste et vice-président de l’ABSyM, dont son espace médical Valcapri à Chaudfontaine a été touchée par les inondations, fait le point : « Aujourd’hui, j’ai été cherché des humidificateurs pour améliorer la situation dans nos salles de consultations et d’examens. Pour rappel, mi-juillet, on a eu 1 m 80 dans notre bâtiment et presque tous les médecins de Vaux et Chaudfontaine (en province de Liège) ont été impactés et inondés. Grâce à une armada de bénévoles, nous avons pu consulter à nouveau trois jours après. Nous avons eu la chance d’avoir du matériel de bureau et des tables d’examens provenant d’autres médecins. »
Il l’avoue cette solidarité fait chaud au coeur: “Avec l’appel de l’ABSyM, nous avons eu 50 à 60 médecins qui ont répondu et qui ont donné du matériel. »
Aujourd’hui, une vingtaine de médecins impactés ont déjà été aidés dans cette zone : “Il y a aussi des médecins touchés ailleurs que nous allons soutenir. Heureusement que nous avons ce matériel de seconde main parce qu’il faut plusieurs semaines avant d’avoir du matériel neuf.» Cette solidarité a été globale: “Nous aidons tant les généralistes que les spécialistes: on a un cardiologue qui a tout perdu , un pédiatre aussi...”
Le temps des assurances
En dehors du matériel médical, pour reprendre une pleine activité, les bâtiments doivent bien sécher: “Aujourd’hui, nous devons encore changer les cloisons qui sont très humides dans la polyclinique. Nous avons même retirer les volets pour améliorer la ventilation.” poursuit le Dr Luc Herry
Les médecins ont pu compter sur des patients solidaires aussi. Maintenant, les soins continuent. “Certains ne savent pas rester chez eux parce que leurs bâtiments sont insalubres. Les visites à domicile vont mieux parce que les routes sont normalisées.”
Évidemment, il reste la question des assurances: “On doit se battre avec les assurances et les experts. Au jour d’aujourd’hui, je ne sais pas comment les assurances vont nous couvrir. C’est très compliqué. Les courtiers et les assureurs sont submergés de travail. Tout traîne. Je donne un exemple: j’ai eu un menuisier pour réparer les portes entre les cabinets pour avoir une certaine intimité avec les patients...il m’a fait un devis le 10 août que j’ai envoyé aux assurances. Je n’ai toujours pas le feu vert...Il m’a dit que quand j’aurai le feu vert, il lui faudrait encore deux mois pour avoir les portes. Je sais donc que je vais devoir être patient.”
Une médecine sans Internet
Évidemment, son travail a été impacté à d’autres niveaux: « Jusqu’hier, on travaillait sans internet et sans téléphone. Nous sommes évidemment loin de la dématérialisation chez nous pour l’instant. » Il n’attend d’ailleurs pas un retour à la vie normale pour tout de suite: « Il faudra attendre entre 6 mois et un an. Les gens, qui n’ont pas vécu cela, ne peuvent pas s'en rendre compte. Il faut être dans la boue qui sent mauvais, qui sent le mazout...pour se rendre compte.”
Cette crise, selon lui, aura montré de nombreuses lacunes à différents niveaux: “A part le niveau communal qui a très bien réagi dans la vallée de la Vesdre, les autres niveaux régionaux et fédéral ont été nuls. Les autorités ne savent pas affronter une catastrophe hors norme: tant pour le covid que pour les inondations, il n’y a pas de plan catastrophe. La Région wallonne n’a rien anticipé dans cette inondation, elle porte une lourde responsabilité.”
Des dégâts très importants
A son niveau, le Dr Guy Delrée, président de la FAGW , un mois après, salue aussi la solidarité des médecins : « 75 médecins-donateurs ont répondu en donnant beaucoup de matériel. Une quinzaine de médecins ont été rééquipés complètement. D’autres vont l'être prochainement. Cela n’a pas pu être fait tout de suite parce que leurs bâtiments avaient subi trop de dégâts. Les médecins ont dû faire de gros travaux pour pouvoir reprendre. Dans certains cas, la Croix Rouge a aussi aidé à transporter le matériel entre le donateur et le médecin sinistré. » Il attire aussi l'attention sur le fait que les blocages ne se situent pas qu'au niveau du matériel médical: “Il y a des problèmes de pénuries pour les portes intérieures des cabinets notamment."
La commune en action
Sur le terrain, le Dr Daniel Bacquelaine, bourgmestre de la Commune de Chaudfontaine et ancien ministre, a vu la détresse des médecins spécialistes et généralistes : « Les médecins ont été fortement impactés. Nous avons stocké du matériel médical à Vaux-sous-Chèvremont. Nous avons aidé les généralistes à pouvoir donner leur consultation en dehors de leur cabinet dans un lieu que la commune a adapté. Suivant les zones, nous avons dégagé quelques pièces ou installé des conteneurs pour mettre en place les cabinets médicaux. Il s’agit évidemment d’une solution temporaire. »
Pour les médecins spécialistes, par exemple, la polyclinique du CHU de Liège au château des Thermes a été fortement touchée aussi. « Ils ne savent plus donner les consultations là-bas. » Tant pour les spécialistes que pour les généralistes, du temps sera indispensable pour retrouver une activité normale explique le bourgmestre : « Il faudra quelques mois pour les rénovations. 6 mois suivant les cas. Nous avons fait tout ce que nous pouvions au niveau communal. Les médecins généralistes ont aussi apporté un soutien aux sinistrés, même quand ils étaient sinistrés eux-mêmes, en faisant des permanences dans les centres d’hébergements et dans les centres d’accueil. »
Nul doute que dans les prochaines semaines, les spécialistes comme les généralistes auront encore besoin de soutien...et pas que matériel. Appeler un confrère pour savoir comment il va, sera, sans doute aussi, utile que de lui envoyer une table d’examen....
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