Les médecins généralistes sous pression face à un contrôle accru des certificats d’incapacité

L’augmentation du nombre d’incapacités de travail et la pression croissante sur le système des certificats médicaux ont conduit à un renforcement des contrôles effectués par les médecins-conseils, rapporte De Tijd samedi dernier sur base de sa propre enquête. Des voix s’élèvent pour une réforme plus approfondie du système.

Depuis début 2024, les patients en incapacité de travail sont soumis à des évaluations obligatoires par le médecin-conseil de leur mutuelle lors de leur quatrième, septième et onzième mois d’incapacité. Cette mesure a été systématisée fin 2023 par le ministre de la Santé publique, Frank Vandenbroucke (Vooruit).

Selon l’enquête de De Tijd, l’an dernier, les médecins-conseils de la Mutualité chrétienne ont mis fin à l’incapacité de travail dans 5,5 % des 150 000 contacts physiques qu’ils ont eus avec leurs affiliés malades. À la Mutualité socialiste Solidaris, les médecins-conseils ont contesté l’attestation du médecin traitant dans 12,3 % des cas en 2023. Au sein des Mutualités libres, qui incluent Helan, ce taux atteint en moyenne 10 %.

Ainsi, dans 10 à 12 % des cas, l’incapacité de travail est levée, ce qui signifie que des dizaines de milliers de patients perdent leur indemnité de maladie et doivent reprendre le travail.

Une position délicate pour les généralistes

Le phénomène est bien connu : les médecins généralistes se retrouvent dans une position délicate. Ils doivent évaluer correctement la maladie et la durée de récupération, alors qu’ils ont souvent peu de visibilité sur les conditions de travail de leurs patients. Cette difficulté est particulièrement marquée pour les troubles psychologiques, certains patients ne cherchant pas de traitement mais demandant néanmoins un certificat. De plus, les médecins constatent un manque de coopération de la part des employeurs en matière d’adaptation du travail, ce qui complique le retour à l’emploi. Alors que le généraliste se concentre sur l’état de santé du patient, le médecin-conseil juge de sa capacité à travailler.

Vers un contrôle accru des IT ?

En 2023, près d’un demi-million de Belges ont été en incapacité de travail pendant moins d’un an. Cependant, le nombre de personnes toujours en arrêt après un an atteint un niveau record de 526 000. Ensemble, ces groupes ont perçu 11,7 milliards d’euros d’allocations en 2023.

Frank Vandenbroucke plaide pour un contrôle plus strict des prescriptions des médecins et envisage des sanctions financières en cas d’abus. L’expert en médecine du travail Lode Godderis, cité par De Tijd, propose une réforme dans laquelle les généralistes ne seraient plus les "gardiens primaires" du système. Il évoque les modèles scandinaves et néerlandais, où des équipes pluridisciplinaires et des médecins du travail accompagnent la reprise professionnelle.

L’indignation des médecins généralistes

Un médecin généraliste, souhaitant rester anonyme, exprime son indignation dans De Tijd : "L’accord de gouvernement regorge de sanctions et de responsabilisation pour les prescripteurs. Mais le gouvernement sait-il seulement à quel point notre tâche est difficile ?" Il décrit la pression constante des patients réclamant des certificats pour des périodes prolongées. "Nous devons estimer combien de temps quelqu’un doit rester chez lui, que ce soit pour une dépression ou un genou douloureux. Souvent, je me sens démuni face à de telles décisions. Dans bien des cas, l’aménagement du travail semble rejeté par l’employeur, même quand le médecin du travail est impliqué."

À l’inverse, un médecin-conseil affirme que 20 % des certificats médicaux qu’elle examine sont injustifiés. Elle plaide pour une redéfinition des rôles entre généralistes et médecins-conseils, afin que les généralistes se concentrent sur les soins et la récupération, tandis que l’évaluation du retour au travail serait confiée à des spécialistes.

Selon Xavier Brenez, CEO des Mutualités libres, certains médecins-conseils font l’objet de menaces, un problème particulièrement présent en province du Limbourg, à Bruxelles et à Charleroi.

Le débat sur l’avenir du système des certificats médicaux est loin d’être clos. Les organisations médicales appellent à un dialogue constructif avec les autorités afin d’élaborer une réforme scientifiquement fondée et applicable.

L’INAMI semble d’ores et déjà se diriger vers une adaptation du système, la surveillance, la sensibilisation et la responsabilisation des prescripteurs étant une priorité pour le nouveau gouvernement.

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Derniers commentaires

  • Charles KARIGER

    03 mars 2025

    Monsieur le ministre ou les PDG des mutualités ou la direction de l’INAMI ou la Conférence des présidents des Facultés de médecine ou l’Académie royale de médecine, quelqu’un pourrait-il trancher le problème suivant : devons-nous établir la période pendant laquelle un malade, une accouchée ou un accidenté est absolument incapable de toute activité ou, au contraire recommander la période de repos la plus favorable à sa guérison ?
    Il me semble évident que le rôle du médecin ou chirurgien traitant est de SOIGNER.
    Le reste, le flicage assurantiel ne nous appartient pas.

  • Charles KARIGER

    03 mars 2025

    Monsieur le ministre ou les PDG des mutualités ou la direction de l’INAMI ou la Conférence des présidents des Facultés de médecine ou l’Académie royale de médecine, quelqu’un pourrait-il trancher le problème suivant : devons-nous établir la période pendant laquelle un malade, une accouchée ou un accidenté est absolument incapable de toute activité ou, au contraire recommander la période de repos la plus favorable à sa guérison ?
    Il me semble évident que le rôle du médecin ou chirurgien traitant est de SOIGNER.
    Le reste, le flicage assurantiel ne nous appartient pas.