Dans une interview exclusive avec Le Spécialiste Frank Vandenbroucke évoque le budget des hôpitaux, les MSF, le stress du personnel soignant, les décisions de la médico-mut... Il rappelle son désir de rempiler en tant que ministre de la Santé « pour poursuivre les réformes en cours.»
Alors que la députée fédérale Catherine Fonck (Les Engagés) a déclaré dans nos colonnes qu’il avait un plan caché de fermeture des hôpitaux, le ministre réagit fermement : « Mme Fonck dit que j’ai un plan caché et que je veux réduire le nombre de médecins spécialistes parce que cela coûte trop d’argent. C’est de la paranoïa. Cela n’a aucun sens. J’ai plaidé pour une expansion de l’offre et une augmentation des quotas. J’ai réalisé un accord historique sur tout le mécanisme des quotas. Les étudiants sont à présent rassurés sur le fait que, quand ils entrent dans la formation de médecin ou de dentiste, ils auront leur numéro Inami à la sortie. Les quotas sont en expansion. Par ailleurs, je dis qu’il faut soutenir les médecins, par exemple par la création du métier d’assistant de pratique. Tout cela montre que je ne veux pas rationaliser, mais bien créer une plus grande capacité de soins.»
De l’argent en plus pour les hôpitaux
Que faire pour les hôpitaux qui sont en difficulté financière ? «Contrairement à ce que j’ai lu, je ne fais pas d’économie dans le remboursement global pour l’imagerie médicale ou en dialyse. Au niveau de l’hôpital de jour, on a significativement augmenté le nombre d’interventions chirurgicales qui peuvent être réalisées, mais leur financement a été amélioré. Ce n’est pas une économie, bien au contraire. De plus, d'ici fin décembre 2024, j’investirai 400 millions structurels supplémentaires en santé mentale.
Je rappelle que le budget des moyens financiers des hôpitaux était de 7,5 milliards d’euros en 2019. Aujourd’hui, ce budget dépasse les 11 milliards. Evidemment, il y a eu l’inflation, mais cela reste une augmentation en terme réel de 16% du budget de base des hôpitaux. Dans la même période, le produit national brut a augmenté de 6%.»
Le ministre est évidemment conscient qu’il y a un stress financier, organisationnel et humain au niveau du personnel soignant et des hôpitaux. «Le financement des hôpitaux repose principalement sur le budget des moyens financiers et la rétrocession des honoraires. Le budget des moyens financiers est indexé de manière correcte. Les honoraires via les rétrocessions sont aussi indexés, mais avec un retard considérable. Ainsi, quand il y une accélération de l’inflation, l’indexation n’est pas immédiate, et il y a un manque de financement temporaire. Ensuite, quand il y a une stabilisation de l’inflation voire une décélération, il y a un gain... mais après deux ans. Concrètement : pour les médecins, une masse d’index permet d’indexer de manière linéaire tous les honoraires en 2024 de 6,05%, c’est plus que l’inflation. Mais c’est un gain qui est, en partie, une récupération de la perte qu’il y a eu en 2023 et 2022. Pour les hôpitaux, ce financement dual implique l’instabilité de leur financement dans des contextes de chocs externes. C’est pour cela que j’introduis les réformes nécessaires. Mais j’ai quand même aussi pris des mesures compensatoires suite au choc en 2022 et 2023 grâce à un allègement des coûts patronaux et une compensation pour la facture énergétique. Globalement, en 2023, ces mesures ponctuelles s’élèvent à 262 millions d’euros pour les hôpitaux, en plus de l’augmentation importante du BMF. Je dis cela sans complaisance. Il faudra bien sûr continuer à investir dans les hôpitaux. Mais il faudra aussi oser les réformer. »
Assumer les décisions
Parfois, le ministre socialiste a pris des décisions sans l’aval de la médico-mut. Il s’en explique. « Je veux des réformes et je crois qu’il y a dans le chef de tous les acteurs la conscience qu’il faut changer des choses. Dans l’accord de décembre, il y a de nombreuses avancées spécifiques importantes tant pour les généralistes que les spécialistes, mais il y a aussi des accords pour travailler sur une série de pistes de réformes comme celle du financement de l’imagerie lourde, de la nomenclature... Donc, je cherche vraiment le consensus. Mais de temps en temps, il faut prendre une décision, même s’il reste des divergences de points de vue», explique le ministre.
De belles avancées pour les MSF
Le ministre fédéral de la santé est aussi heureux des avancées obtenues pour les médecins spécialistes en formation. «C’est un enjeu qui va au-delà de l’impératif de l’amélioration des conditions de travail, de la transparence sur les heures supplémentaires, de la qualité de cette formation...Un jeune qui commence à travailler dans un hôpital doit être éduqué et formé dans une culture de coopération, d’entraide et de respect mutuel. Si un jeune médecin dans un hôpital se sent exploité, quel sera le message pour le reste de sa vie ? Que l’on peut exploiter un jeune collègue ? Que c’est normal ? C’est un mauvais message. Aujourd’hui, je fais pression sur les gestionnaires des hôpitaux pour que l’accord soit respecté. Je ne veux pas que cela reste juste un accord sur papier. Cet accord doit être respecté et je soutiens les médecins en formation. On peut demander des efforts aux jeunes médecins, mais dans l’équité. »
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