L’augmentation des coûts de l’énergie et des salaires frappent de plein fouet les sept hôpitaux académiques. Selon les premières estimations citées par le Dr Pierre Gillet, le déficit cumulé s’élèverait à entre 100 et 200 millions d’euros pour 2023.

 La tendance est connue depuis des mois, mais les premières estimations livrées par le Dr Pierre Gillet, président de la Conférence des hôpitaux académiques de Belgique, sont inquiétantes. Les trois hôpitaux académiques francophones affichent pour 2023 des déficits (encore provisoire) de 30 millions pour le HUB, 25 millions pour le CHU de Liège, de 22 millions pour Saint-Luc. Les hôpitaux académiques flamands présentent aussi des difficultés.

Ils n’en avaient plus eu depuis 1997. «Au CHU de Liège, depuis 1993, je n’avais jamais connu une année en déficit. C’était le cas en 2022 avec 5 à 6 millions et en 2023 avec une estimation de près de 25 millions», explique le Pr Gillet, directeur médical. «Nous allons essayer de réduire ces déficits en prenant des plans de restructuration et en diminuant nos coûts, par exemple, dans les services d’appui. A Liège, nous avons d’ailleurs décidé de réunir le CHU et la Citadelle pour justement gagner plusieurs millions d’euros en mutualisant certaines activités.»   

Le gouvernement fédéral a libéré 80 millions d’euros pour le premier semestre de cette année afin d’aider l’ensemble des hôpitaux du pays à faire face à l’augmentation des prix de l’énergie et l’augmentation des salaires. «Rappelons que dans les hôpitaux académiques, 70% des médecins doivent être salariés. Vu la charge liée à l’indexation de ces salaires et le décalage avec l’indexation des honoraires Inami, le gouvernement semble avoir entendu notre demande de compenser le delta de 25 millions d’euros. Sans compter les charges structurelles spécifiques liées au statut de salariat. Elles coûtent près de 115 millions à nos hôpitaux», précise le Pr Gillet.       

Sœur Anne, ne vois-tu rien venir 
Dans le budget des moyens financiers (BMF), la sous-partie B7 finance les activités spécifiques des hôpitaux académiques : la recherche, l’innovation et l’enseignement. Depuis des années, la CHAB réclame une augmentation de ce financement spécifique. «Nous disons au gouvernement que ces missions sont un investissement, plutôt qu’une charge. Dans le cadre de l’eHealth et des Value Based Outcomes, les universités doivent jouer un rôle fédérateur. Pour garder la recherche clinique en Belgique et joindre la recherche clinique et l’innovation, il faut augmenter le financement de ces missions. Depuis le premier mandat de Frank Vandenbroucke, ce financement ne représente que 4,4% de notre chiffre d’affaires. Il est de 9% en France et 16% aux Pays-Bas. Nous ne demandons pas la lune. En 2002, le ministre a déclaré que cette aide représentait un tiers de l’effort. Il reste encore deux tiers d’effort à faire.»   

Le Pr Gillet estime que les hôpitaux académiques pourraient également être financés de manière spécifique pour la prise en charge des maladies rares et complexes. Il souligne que le ministre de la Santé a supprimé dans sa réforme sur les réseaux hospitaliers les missions particulières qui auraient pu être accordées uniquement aux hôpitaux académiques. «Dans la réforme initiée par Maggie De Block, les missions de soins étaient réparties en trois colonnes: le régional, le suprarégional et l’universitaire. Pourquoi n’y en a-t-il plus que deux? Par ailleurs, les hôpitaux académiques ne peuvent pas être concurrentiels avec les hôpitaux généraux qui peuvent programmer de la chirurgie élective et prennent en charge les cas moins lourds. Les hôpitaux académiques sont favorables à un autre modèle de financement, comme cela se fait aux Pays-Bas ou en Allemagne, dans lesquels la priorité n’est pas de réaliser des actes nomenclaturés, mais de prendre en charge des cas complexes.» 

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