Fumée blanche au-dessus de l’Inami, hier soir : un accord a été conclu entre médecins, mutuelles et autorités. Premier survol des éléments consignés dans ce texte signé pour un an seulement, dont le fait que les consultations, visites et avis des généralistes et des spécialistes bénéficient d’une pleine indexation (+ 1,01%).
L’accord prévoit une répartition non homogène de la masse d’index qui préserve les actes intellectuels (index complet de 1,01% aux consultations, visites et avis) tandis qu’il y a des indexations sélectives par discipline, par exemple de 0,8% en imagerie et en biologie clinique, 0,84% pour les prestations spéciales des spécialistes et les prestations de gynécologie et de surveillance, 0,9% en chirurgie… L'objectif budgétaire partiel pour les honoraires des médecins pour l'année 2021 est de 8.89 milliards d’euros. Par rapport à l'objectif budgétaire partiel fixé pour l'année 2020 - qui ne tient pas compte de l'impact des dépenses liées à la crise de la COVID-19 - cela représente une croissance de 3,58 %.
Les honoraires relatifs aux prestations effectuées dans le cadre de soins à basse variabilité sont classés dans une rubrique spécifique. Les dépenses correspondantes pour l'année 2021 s'élèvent à 358.279 milliers d'euros.
Le financement de nouvelles initiatives sera rendu possible via un « plan pour des soins efficaces », « réclamant des économies dans certains secteurs, comme l’imagerie et la biologie clinique. On isolera 40 millions - non confisqués par le gouvernement mais recyclés. Il y a notamment 10 millions prévus pour soutenir la protection sociale, dont la constitution de pension, des candidats généralistes et spécialistes », relate Marcel Bauval (GBO). « Tout reste à imaginer, comme modalités. Il faudra trouver des solutions intelligentes pour que les intéressés bénéficient vraiment de la mesure », complète Luc Herry (ABSyM), « peut-être voir s’il n’est pas possible de les assimiler à des salariés en formation en entreprise, avec cotisations sociales allégées. »
C’est aussi via ces économies réaffectées que le DMG sera revalorisé. « Il y a une masse budgétaire de 6,8 millions prévue à cette fin. La façon dont elle sera répartie exactement reste à définir », indique le Dr Herry. D’après le GBO, la revalorisation viendra « d’une part d’une sur-indexation (1,25%) de l’honoraire du DMG simple [ce qui le porte à 32 euros, ndlr] et de l’autre de l’extension ‘vers le haut’ du DMG malades chroniques aux patients jusque 79 ans (au lieu de 75 ans actuellement). » Il est aussi prévu, en 2021, de mettre l’accent sur la qualité du DMG.
D’autres revalorisations sont également au menu grâce à ce « recyclage » de moyens, par exemple avec l’affectation de 5 millions pour les honoraires de surveillance des gériatres, 1,7 million pour l’examen d’un patient admis en hôpital ou de 2 millions pour la consultation des pneumologues.
Au chapitre de l’accessibilité, l’accord estime qu’il devrait y avoir disparition de l’interdiction d’appliquer le tiers payant en consultation et visite, tant pour les MG que pour les spécialistes. A celui de la simplification administrative, « la volonté est de tendre vers un modèle ‘universel’ de certificat d’ITT, à traiter voire à envoyer électroniquement », rapporte le Dr Bauval. Une campagne contre les ‘certificats parapluie’ (aptitude à la détention d’armes, au sport, etc.) est également dans le pipeline.
L’accord 2021 fait le choix d’investir clairement dans la télémédecine, selon les orientations que définira un groupe de travail ad hoc, confirment les deux syndicalistes. Les téléconsultations sont prolongées en l’état, la réflexion portera sur des formules plus structurelles. Les projets de téléexpertise, en ophtalmologie et en dermatologie, déjà inscrits dans l’accord 2020, sont poursuivis, de même que la possibilité de participer à une consultation oncologique multidisciplinaire par vidéoconférence. Début 2021 sera également lancé un projet transversal pour le télé-monitoring de la covid-19.
En médecine générale plus spécifiquement, « le budget des postes de garde connaitra une hausse 4,9 % avec l’objectif de continuer à couvrir toute la Belgique, la poursuite de la garde de semaine sera analysée, et 750.000 euros affectés aux coopérations fonctionnelles, qui doivent apparaitre à partir du 1er juillet 2021 », indique le Dr Bauval. « L’accord stipule qu’on ne perdra pas la masse d’argent récupérée de par la baisse du nombre d’honoraires de disponibilité distribués. Il y aura réaffectation, selon des modalités à préciser », ajoute Luc Herry.
La prime de pratique intégrée n'est pas indexée et ses conditions resteront inchangées en 2021. Mais pour 2022, les modalités d’octroi seront retravaillées pour introduire davantage de critères liés à de bonnes pratiques médicales parmi les actuels critères, très administratifs. « On est toujours dans cette logique de ‘soins efficaces’ », commente le Dr Herry en signalant encore que « l’accord prévoit la fin de l’attestation de visites multiples en MRS, au profit de visites simples ».
Dans le dossier de l’accréditation, l’idée est de gommer les disparités entre disciplines en termes d’avantage apporté par le fait d’être accrédité et qui proviennent de différences dans le volume d’actes prestés, en envisageant une part forfaitaire. Il est aussi question de lier une partie de l’avantage au respect de critères de qualité.
Cette réforme de l’accréditation est corrélée à un autre grand chantier confirmé par l’accord : la révision de la nomenclature. Elle devrait d’une part passer à la vitesse supérieure en 2021 et de l’autre s’atteler à bien distinguer la valeur de la prestation médicale en elle-même, qui est fonction de la durée, la complexité, le risque etc., par rapport au coût de fonctionnement, lié à l’appareillage, aux consommables, au personnel…, recontextualise Luc Herry. « Si le coût de fonctionnement est assumé par l’hôpital, le financement va à l’hôpital ; s’il est assumé par le médecin, il va au médecin. Mais la valeur de la prestation va au seul médecin. Cela permet d’éviter les rétrocessions arbitraires imposées aux médecins. C’est donc une avancée très importante inscrite dans l’accord, qui doit mener à leur disparition », se félicite le Dr Herry. Son syndicat, dit-il, chiffre à 400 à 500 millions annuels les rétrocessions des spécialistes vers l’hôpital.
"Dans cette année qui sera encore difficile, mutuelles et administration ont compris qu'il était nécessaire de soutenir l'art médical. J'espère que cela marquera l'arrêt de l'ère du bashing de la profession médicale et qu'on pourra démarrer une discussion sereine sur la juste valeur du médecin dans la société", a souligné le Docteur Philippe Devos, président de l'Absym.
Prochaines étapes qui attendent l’accord: l’examen en commission de contrôle budgétaire et la soumission au comité de l’assurance et au conseil général, lundi 21, avant la signature par le ministre de la santé et la publication au Moniteur.
« Le modèle de concertation fonctionne toujours »
Frank Vandenbroucke s’est réjoui de l’approbation à l’unanimité de l’accord 2021. C’est, dit-il dans un communiqué, « la preuve que le modèle de concertation fonctionne toujours ». L’accord est d’après lui un « ciment autour de la solidarité dont on a besoin » dans le difficile contexte du covid. Saluant au passage les qualités de négociateur de Jo De Cock, le ministre, comme ses prédécesseurs avant lui, se félicite de la garantie tarifaire assurée aux citoyens. Il considère aussi que le texte « concrétise des points importants de l’accord du gouvernement pour les prestataires et les organismes assureurs ».
Frank Vandenbroucke cite entre autres, dans ce qui lui tient à cœur, « des lignes directrices importantes pour les groupes vulnérables, pour un ancrage des soins intégrés, pour un renforcement du DMG, ainsi que la volonté d’une accélération de la réforme de la nomenclature, d’une maîtrise des suppléments, une attention particulière aux médecins en formation, ou encore des balises en vue d’un usage rationnel des médicaments, sans oublier la qualité comme maître-mot. »