«Le modèle de concertation doit être simplifié et ne peut être facultatif, nous devons avancer dans la direction du quintuple aim. À mes yeux, je suis un fonctionnaire de service et non un lobbyiste. Et je ne compte pas jouer le rôle de la belle-mère avec mon successeur.» Jo De Cock plaide également davantage en faveur de la responsabilité thérapeutique plutôt que la liberté thérapeutique.
«Aujourd’hui, il y a trop de chevauchements et la concertation est trop fragmentée. En outre, le modèle de concertation doit être clair, avec des acteurs qui prennent et portent leurs responsabilités. Sans oublier enfin l’importance de la transparence et du foisonnement d’idées», ajoute un Jo De Cock critique. Il appelle également à une plus grande implication du monde scientifique et des jeunes. «La concertation n’est pas l’apanage des retraités, avec tout le respect que je leur porte. La représentativité est nécessaire, et nécessite des programmes clairs. On ne peut plus se baser sur les principes de 1964, que nous devons recentrer. Je préfère utiliser le terme responsabilité thérapeutique que celui de liberté thérapeutique.»
L’INAMI et la Santé publique comptent chacun un service qualité. Seront-ils maintenus ?
«Nous allons poursuivre leur intégration. CNPQ, service qualité des hôpitaux : nous devons écrire ce chapitre. Mais on ne pourra établir de politique de qualité que lorsque l’on disposera de données à ce sujet. Les preuves se font de plus en plus nombreuses, bien que la qualité ne soit pas toujours facile à mesurer.»
«Prenez l’utilisation d’antibiotiques dans les hôpitaux : une stratégie efficace permettrait d’aborder ces variations. Différences dans les pratiques médicales : des programmes d’action doivent être mis en place. Nous ne pouvons nous contenter de publier des statistiques sur notre site, nous devons intervenir. Nous devons prendre cette responsabilité.»
«Aucun code de nomenclature ne permet d’identifier la solitude»
Jo De Cock fait également référence au principe du « quintuple aim » (modèle des cinq objectifs) pour les soins. Il comprend l’accessibilité des soins, et le problème sous-jacent de la solitude. Une solitude qui, comme l’a récemment prouvé une étude étonnante, est plus marquée chez les jeunes que chez les plus de 65 ans.
La portée du «quintuple aim» va au-delà des seuls soins de santé, mais les soins de santé doivent avoir la capacité de souligner les effets dérivés sur notre société. Aucun code de nomenclature ne permet d’identifier la solitude.»
«Il s’agit évidemment d’un problème qui va au-delà de notre système belge. C’est pourquoi le professeur Mario Monti s’attache à repenser les valeurs du système de santé. Lors de la deuxième vague de coronavirus, nous avons par ailleurs accordé plus d’attention au risque de créer plus de problèmes que d’en résoudre.»
De Cock a également été actif à plusieurs reprises au niveau européen (1), mais n’a plus d’ambitions dans ce sens.
Qu’allez-vous faire maintenant?
«Le 30 juin, je vais donc quitter mon rôle d’administrateur général de l’INAMI. Je continue de siéger dans la commission nationale médico-mutualiste et la commission paritaire nationale médecins-hôpitaux. Je suis un simple fonctionnaire de service, et nullement un lobbyiste.»
Vous avez conseillé à votre successeur de suivre ses convictions. Comment décririez-vous votre conviction personnelle?
«C’est un quadrilemme. Les soins doivent être de qualité, accessibles, abordables et novateurs. Ces quatre éléments sont intrinsèquement liés. Des soins très abordables mais dénués de qualité n’ont que peu de valeur. Et il ne peut avoir de qualité sans innovation. Enfin, l’accessibilité signifie que vous n’oubliez personne, et prenez en compte les inégalités en matière de santé et les obstacles.»
Il faut aller de l’avant tout en gardant un œil sur l’arrière?
«Selon un dicton oriental, qui remue le passé perd un œil. Qui l’oublie perd les deux. Il faut regarder devant soi. Cet important changement social, c’est là que réside ce quadrilemme. Et ce n’est pas simple, comme toute question d’économie: on ne peut payer les soins en pleine crise économique, comme celle de 2008. Cette approche nécessite de joindre nos efforts. Pas de manière ascendante ou descendante. Moins on travaille de manière ascendante, plus on aura une approche descendante. Il est essentiel de ménager les intérêts de l’autre dans la discussion, sans oublier ses propres attentes.»
Vous avez une excellente vue d’ensemble, grâce à votre présence dans la commission médico-mutualiste et celle des médecins-hôpitaux. Une position inégalée pour peser dans les décisions.
«Oui, mais je ne vais pas jouer les belles-mères, je vais plutôt guider certaines personnes. Vous ne me trouverez plus au sein de la commission médico-mutualiste quand j’aurai 80 ans. Je ne compte pas m’éterniser. Fin de l’année, il y aura un nouvel accord, un nouveau directeur général, une transition chez les médecins, une transition du ministre… On m’a demandé de diriger ces commissions, et je vais continuer de le faire. Pour le reste, j’ai donné. Il faut se connaître et savoir prendre soin de soi.»
«Pour résumer ma carrière, je dirais que je n’ai rien perdu de mon approche académique. J’essaie de suivre le domaine de manière aussi large que possible dans les revues médicales et d’être attentif à ce qui se fait à l’étranger. Pour tenir compte de l’aspect politique et de l’administration, un acteur important dans une société. Ce n’est pas un fardeau, mais un facteur indispensable.»
(1) Une première fois en 98, dans le cadre des arrêts Kohll & Decker sur la libre circulation des patients, qui ont abouti à une directive sur la mobilité des patients ; une deuxième fois pour la rédaction un document de base sur l’innovation pharmaceutique et l’accès aux produits pharmaceutiques. Jo De Cock a également travaillé avec Frank Vandenbroucke pour modifier la Directive Bolkestein afin que la commercialisation des soins de santé n’aille pas trop loin.
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