Une plainte collective pour exercice illégal de la médecine et escroquerie notamment, a été déposée par dix anciens patients contre Complexus Care, un centre de santé holistique situé près d'Aix-en-Provence proposant un suivi thérapeutique 100% à distance, a-t-on appris vendredi de source judiciaire. L'établissement travaille en "synergie" avec des médecins en Belgique.
La plainte a été déposée auprès du parquet de Marseille pour "abus de confiance et de faiblesse", "escroquerie" et "exercice illégal de la médecine", des faits passibles de jusqu'à cinq ans de prison et 750.000 euros d'amende, a indiqu&ea cute; Me Maya Lahloul, l'avocate portant cette plainte.
"Mes clients se sentent honteux de ce qu'il s'est passé et ne comprennent pas comment ils ont pu se faire avoir par quelqu'un qui se présentait comme médecin, qui leur prescrivait des traitements lourds sans étude précise de leurs pathologies", explique-t-elle.
Complexus Care, fondé par Hocine Sekkiou, un influenceur adepte des médecines non conventionnelles, emploie des nutritionnistes et des naturopathes, officiellement en "synergie" avec des médecins en Belgique. Sans jamais avoir rencontré leurs patients, ces derniers prescrivaient pourtant de lourds traitements médicamenteux, traitements parfois très controversés, comme l'avait initialement révélé fin avril le journal La Provence.
Attirés principalement par le charisme d'Hocine Sekkiou, connu pour ses vidéos sur Instagram concernant des questions de santé, des milliers de malades du monde entier ont fait appel depuis 2021 à ce centre de santé "holistique", supposé prendre en compte chaque patient dans sa globalité, "biologie, vécu et environnement". Avec la promesse d'une prise en charge pluridisciplinaire et individualisée.
Or, selon de nombreux témoignages recueillis par l'AFP, le suivi médical proposé était identique ou presque pour tous les patients, quelles que soient leurs pathologies: problèmes de thyroïde, infertilité ou Covid long. Le tout pour un coût exorbitant non couvert par la sécurité sociale.
"Hocine (Sekkiou) se vantait d'être docteur en biochimie et de répondre à l'errance médicale. J'ai bu ses paroles, avec lui j'avais l'impression d'être enfin écoutée", a confié une ex-patiente à l'AFP. Elle fait partie du groupe Facebook "Hocinegate", qui compte plus de 860 membres, où d'ex-patients témoignent de leurs mésaventures.
Après s'être vu prescrire des compléments alimentaires -voire de la DHEA, une hormone naturelle qui selon certains pourrait retarder le vieillissement-, elle reçoit une ordonnance d'un médecin belge pour un traitement de six mois au Medrol, un anti-inflammatoire stéroïdien normalement recommandé sur courte durée. Au risque d'affaiblir le système immunitaire, selon la base de données publiques des médicaments.
"En voyant ces prescriptions, ma pharmacienne était effarée !", explique cette patiente souffrant d'un dérèglement thyroïdien. Après avoir déboursé 2.000 euros sur trois ans, notamment pour des analyses facturées 400 euros par un laboratoire belge, elle a déposé plainte début mars contre Hocine Sekkiou, pour "exercice illégal de la médecine", à Clermont-Ferrand.
Saisi donc d'une plainte collective, le parquet de Marseille avait été alerté dès le 4 mai, par un signalement de l'Agence régionale de santé Provence-Alpes-Côte-d'Azur. De son côté l'ordre des médecins a été saisi pour exercice illégal de la médecine.
Quant à la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), elle a précisé à l'AFP avoir effectué un signalement auprès du parquet d'Aix-en-Provence. "M. Sekkiou dénigre les médecins classiques et se présente comme l'unique solution. On peut commencer à envisager une dérive sectaire", plaide Me Lahloul.
Outre ses méthodes sanitaires controversées, M. Sekkiou est accusé de pressions voire de harcèlement par d'ex-salariés, poussés notamment à interpréter des analyses dépassant leurs compétences: "Il fallait faire du chiffre en prenant un maximum de rendez-vous, jusqu'à huit par demi-journée", explique Charly, une ex-thérapeute de Complexus Care, qui emploie une vingtaine de salariés, principalement des femmes, payés entre 1.500 et 1.700 euros par mois.
Plusieurs ex-salariés préparent une plainte, soutenus par leur syndicat.
"Nous n'avons forcé personne à rejoindre le centre", se défend Abdnour Sekkiou, "membre de la famille proche" d'Hocine (NDLR: qui n'a jamais voulu s'exprimer auprès de l'AFP), qui se présente comme DRH du centre: "Si les personnes n'étaient pas contentes, elles n'avaient qu'à arrêter" le traitement.
"Tous les praticiens (de Complexus Care) sont professionnels et reconnus dans leur profession", assure-t-il, précisant faire "entièrement confiance à la justice".