"Qu'il s'agisse de santé mentale, physique ou sexuelle, les femmes et les minorités LGBTQIA+ subissent, depuis de longues années, les effets néfastes d'un modèle de pensée capitaliste, patriarcal et hétéronormé", déplorent les Femmes prévoyantes socialistes (FPS) et leur fédération des centres de planning familial (FCPF-FPS). Elles appellent, à l'occasion de la Journée internationale de lutte pour les droits des femmes ce mardi, à prendre en compte le genre et le sexe dans la santé "pour atteindre une meilleure égalité entre les femmes et les hommes".
"Nos systèmes de soins de santé sont en crise", estiment les FP S et FCPF-FPS. Un changement de paradigme est nécessaire et c'est l'occasion d'initier une réflexion "autour des pratiques médicales actuelles, porteuses d'inégalités de genre, dans un secteur pourtant majoritairement féminisé", plaident-elles. "Invisibilisées, négligées ou encore assimilées à une norme masculine trop restreinte", les femmes et les groupes minorisés LGBTQIA+ "ne disposent pas d'un accès aux soins de santé équitable et garanti".
Première entrave à l'accès à des soins de santé de qualité: la précarité financière. Selon l'Institut pour l'égalité des femmes et des hommes, l'écart salarial, avec correction de la durée de travail, s'élève en Belgique à 9,1% au détriment des femmes. Lorsqu'on prend en compte le salaire annuel, l'écart atteint 22,7%. Cette différence s'explique par le fait que les femmes sont plus nombreuses à travailler à temps partiel: en 2020, 42,5% des femmes salariées travaillaient à temps partiel, contre 11,8% des hommes salariés, selon les dernières données de Statbel.
Les femmes disposant de moins de ressources financières, elles renoncent davantage à des soins de santé. Selon une étude de la mutualité socialiste Solidaris en 2019, 46% des femmes en Fédération Wallonie-Bruxelles avaient renoncé à au moins un soin de santé pour des raisons financières, contre 33% des hommes. Pour les familles monoparentales, majoritairement dirigées par une femme, ce pourcentage approche les 60%.
Au-delà de la précarité financière, les femmes et minorités de genre subissent aussi les conséquences d'une approche non genrée de la santé, soulignent les Femmes prévoyantes socialistes et leur fédération de centres de planning familial, ce qui aboutit à "des prises en charge inadaptées, teintées de stéréotypes et/ou de méconnaissances de la part du monde médical".
Même s'il est difficile de mesurer l'impact précis des inégalités de genre, étant donné que plusieurs critères peuvent entrer en jeu, les stéréotypes ont un impact sur la santé des femmes. "Des études ont notamment prouvé qu'à affection égale, les femmes recevaient aux urgences moins d'antalgiques que les hommes, plus tardivement qu'eux ou même pas du tout", explique Sandrine Detandt, professeure en psychologie, psychopathologie et en sexualité à l'Université libre de Bruxelles. "Se joue ici un biais de genre selon lequel la femme serait plus sensible à la douleur et l'exprimerait davantage, ce qui rendrait ses plaintes moins sérieuses , moins objectives", poursuit-elle.
La communauté LGBTQIA+ (qui regroupe les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transexuelles, queer, intersexes, asexuelles et autres) souffre également de ces inégalités. "En chirurgie bariatrique par exemple", destinée à la patientèle atteinte d'obésité, "on voit que les personnes identifiées comme LGBTQIA+ ont un moins bon suivi que celles hétérosexuelles et souffrent de davantage de comorbidités. C'est lié notamment au fait que ces personnes sont souvent plus seules et ont donc un moins bon encadrement", expose la professeure Detandt.
Un manque de connaissances sur sa propre santé peut aussi jouer, avec par exemple de fausses croyances parmi les lesbiennes qui risqueraient moins d'attraper une maladie sexuelle transmissible ou un cancer du col de l'utérus. "C'est aussi lié aux stéréotypes de certains gynécologues qui estiment que les lesbiennes ont moins de pratiques sexuelles, courent donc moins de risques, et doivent être moins dépistées", souligne Sandrine Detandt. Une autre étude sur les urgences psychiatriques met aussi en lumière les stéréotypes genrés, "avec par exemple une crise de tétanie qualifiée de crise d'hystérie ou le récit d'une fille avec un trouble alimentaire sérieux mis en doute".
"Un ensemble de conditions externes et objectivables permet de dire que les femmes et minorités sexuelles ne sont pas soignées de la même manière", insiste la professeure Detandt. "Le fait d'être une femme a un effet qui peut se mesurer."