Depuis le 1er juin, Caroline Franckx, 38 ans, a remplacé Dirk Thielens, Directeur général ad interim, au CHU Brugmann. Pour elle " un hôpital, cela part d’un projet médical fort. Le développement médical est une priorité absolue et les médecins seront au centre de la relance de l’hôpital"
Ingénieure de gestion de formation avec un master en soins de santé à la Harvard Business School, Caroline Franckx est la première femme nommée au poste de Directrice générale du CHU Brugmann (Horta, Brien, Reine Astrid) . Elle va gérer au quotidien près de 600 médecins et 3000 membres du personnel.
Le secteur de la santé ne lui est pas totalement étranger : « Mes parents sont tous les deux médecins : mon papa, généraliste, et ma maman, pédopsychiatre. Je suis vraiment passionnée par ce secteur, cela doit être inscrit quelque part dans mes gênes. ». Son parcours l’a amené à cette passion après avoir réalisé des missions dans le secteur bancaire et brassicole. « En 2008, j’ai travaillé sur un projet d’optimisation logistique à Alost à l'hôpital Onze-Lieve-Vrouw.
J’ai aussi travaillé sur des projets de consultance à l’UZ à Gand et à ZNA à Anvers. Je souhaitais ensuite vraiment travailler au cœur de l’hôpital, sur le terrain. J’ai alors postulé pour la fonction d’Adjointe à la Direction Médicale aux Cliniques de l’Europe, un poste où la qualification de médecin n’était pas obligatoire, ce qui était rare à ce moment-là. Je suis ensuite devenue Directrice Stratégie et Transformation. »
L’innovation sera un volet important de votre politique ?
« J’y tiens beaucoup. La première transplantation cardiaque en Belgique a eu lieu au CHU Brugmann. Cet hôpital a toujours été innovant, à la pointe de la médecine. Nous avons aujourd’hui à la Direction médicale le Dr Olivier Vermylen, médecin-chef passionné par l’innovation,. Que ce soit pour l’intelligence artificielle ou pour la télémédecine. Nous avons par exemple un grand projet de télémédecine avec les maisons de repos qui est en cours. Par ailleurs nous avons un projet d’aide au diagnostic via l’intelligence artificielle ( AI ) aux urgences. Notre souhait est aussi de s’appuyer sur la recherche , source énorme d’innovation.
Pour l’AI, avez-vous déjà parlé (ou allez-vous parler) avec l’un de vos médecins, le Dr Giovanni Briganti, Psychiatre au CHU Brugmann, qui dirige le groupe Santé au sein de la plate-forme AI 4 Belgium ?
Le Dr Briganti est en effet une personne clé de référence à Brugmann pour tout ce qui concerne l’Intelligence Artificielle. La Direction médicale est en contact étroit avec lui, notamment dans le cadre de ce projet aux urgences. Je vais le rencontrer prochainement.
Vous tenez à être une Directrice qui va sur le terrain ?
« J’ai débuté ma carrière professionnelle dans une société de consultance. Dans chaque mission nous allions sur le terrain, comprendre les processus, voir comment cela se passait concrètement. J’ai également fait pas mal de missions dans le secteur hospitalier ce qui m’a permis de voir de nombreux services et secteurs de soins, et comprendre ainsi les différents métiers.. Quand je parle avec les équipes, mon premier réflexe est toujours de dire « montrez-le moi, expliquez-moi votre job, le processus. » J’ai besoin de visualiser la vie et les problèmes de l’hôpital. »
Vous avez un plan de relance de votre institution ?
J’ai défini récemment un plan de travail à 18 mois, qui comprend 3 priorités stratégiques. Ce plan est le fruit d’une réflexion après toute une série de rencontres. J’ai en effet, rencontré la présidente de notre Conseil d’Administration, tous les membres du Comité de Direction, les membres du Conseil Médical, les chefs des départements médicaux, les managers de soins et les partenaires sociaux. J’ai aussi été saluer toutes nos équipes sur chacun de nos 3 sites hospitaliers. Cela m’a permis d’échanger avec nos collaborateurs, d’entendre certains de leurs besoins J’ai été frappée par cette forte culture "brugmannienne" qui vit sur le terrain : des gens passionnés par leur métier, de la bienveillance dans un travail à vraie taille humaine. Il y a une réelle fierté de travailler au sein un hôpital public. Et puis il y a une fierté du lieu, le site de Horta étant par exemple un des rares hôpitaux à structure pavillonnaire en Europe au sein d’un parc arboré de 18 hectares. Ces 3 priorités émanent vraiment des besoins du terrain.
Quelles sont ces 3 priorités ?
« La première priorité a pour objectif de remettre le collaborateur au centre de nos attentions. Cela répond au besoin de revalorisation du métier de soignant, de médecin, de brancardier,...Dès septembre prochain, toutes les semaines, avec le Comité de direction, nous passerons deux heures dans une unité de soins ou dans une équipe pour vraiment créer un moment d’échange et de dialogue avec le terrain.
La deuxième priorité concerne l’accessibilité à l’offre de soins pour tous. Trop souvent, aujourd’hui, nos patients se buttent contre des problèmes de téléphonie, de parking, ...). Nous devons y travailler prioritairement.
Enfin, le développement médical de notre institution sera notre troisième priorité. Nous avons des médecins et des soignants ultra-compétents, mais nous constatons une activité en déclin, et nous devons la redynamiser. »
Certains secteurs sont plus touchés ?
« Nous avons toujours nos pôles d’excellence réputés à Bruxelles : le pôle mère-enfants qui se porte toujours très bien ainsi que des départements tels que la psychiatrie , la revalidation et la gériatrie. Certaines disciplines en chirurgie ont aussi été redynamisées, notamment l’urologie, la chirurgie digestive, vasculaire, la gynécologie. Mais nous devons poursuivre ce travail car nous avons vraiment des plateaux techniques de haute qualité. Nous devons mieux nous faire connaître, surtout le faire savoir chez nos partenaires dela première ligne. Les bassins de soins de chacun de nos sites sont spécifiques et offrent un potentiel énorme. »
Les généralistes seront un atout pour vous ?
«Le site de Brien est un hôpital de proximité où le lien avec les médecins généralistes est très bon. Je souhaite la même proximité avec les généralistes pour notre site d’Horta et de Reine Astrid en organisant notamment un événement annuel les associant, en éditant des newsflash plus adaptées afin qu’ils connaissent nos compétences et puissent visualiser nos infrastructures. Je souhaite que l’on développe un numéro de téléphone spécifique ou un site web pour faciliter la vie des généralistes dans la prise de rendez-vous pour leurs patients à l’hôpital. »
Sur le terrain comment cela va se passer ?
« Les 3 priorités de travail sont définies au niveau de l’institution. Il faut maintenant décanter cela en une feuille de route spécifique par chaque direction. Nous allons définir notre stratégie médicale et voir les priorités de développement à envisager, service par service. Il faut en effet, viser une croissance par spécifique par service médical. Le secteur hospitalier à Bruxelles connaît en moyenne une croissance de 5% par an en terme de chiffre d’affaires. Nous devons avoir le même taux de croissance surtout que nous avons des infrastructures modernes et des équipes ultra-compétentes. »
Le médecin sera-t-il au centre de cette croissance ?
« Oui, il doit s’investir pour faire évoluer l’hôpital. J’ai rencontré le Conseil Médical dès mon arrivée. A partir de septembre, je vais relancer des réunions avec tous les médecins chefs de département et chefs de service pour favoriser l’échange et les tenir informés sur les projets et les nécessités budgétaires. Nous devrons définir notre projet médical ensemble. »
Comment le débat sur les réseaux va avancer à Bruxelles ?
« Pour le moment, le projet de notre futur réseau locorégional au sens de la loi est encore sur la table. Chaque hôpital de ce possible réseau doit se prononcer au niveau de son Conseil d’Administration et de son Conseil Médical. Ce réseau locorégional a pour objectif de permettre un trajet de soins plus complet pour le patient, avec un accès à plus de qualité. A court terme, nous aurons une collaboration plus particulière avec le CHU Saint-Pierre . Des collaborations existent déjà aujourd’hui notamment dans les domaines de la néphrologie, la pneumologie, la chirurgie cardiaque et cardiologie, la dermatologie, l’ophtalmologie,.... La définition de la suite de cette collaboration est un travail qui se fera de concert avec nos conseils médicaux et nos directeurs médicaux respectifs. Je tiens aussi beaucoup à la collaboration avec les directeurs généraux des autres hôpitaux publics Nous partageons les mêmes visions dans la dynamique managériale que nous souhaitons inculquer et la vision des soins de santé pour les années à venir. »
Et le projet du GHUB (Grand hôpital de Bruxelles) à 5 ?
« Là, les deux Conseils Médicaux du CHU Saint-Pierre et du CHU Brugmann se sont prononcés contre. Ce projet n’est plus sur la table car il s’agissait d’une réelle fusion des 5 hôpitaux. Il y aura par contre un GHUB à trois (Erasme, Bordet et Huderf. ) qui sera implémenté dans les mois à venir.
Que va devenir Osiris alors ?
« Le groupement OSIRIS, groupement entre les sites hospitaliers du CHU Brugmann et de l’ HUDERF (hôpital des enfants) ne va pas changer., il continuera à exister Les liens entre l’HUDERF et nous sont forts, et il y a beaucoup d’organisation et de synergies communes (par exemple la logistique, le département, IT, la pharmacie, la stérilisation, ....). Tant le Directeur général de l’Huderf, Dirk Thielens, que moi, nous voulons continuer à travailler ensemble. »
Quel avenir pour l’hôpital avec le Covid ?
« Nous allons structurellement installer un service dit « accordéon ». Il s’agit d’une unité de soins qui s’adaptera en fonction du nombre de cas covid à hospitaliser. Nous aurons la capacité d’augmenter ou de diminuer des lits d’hospitalisation au sein de la même et unique unité de soins. Cela permettra au reste de l’hôpital de fonctionner à nouveau « normalement ». Cette unité « accordéon » sera mise en place après l’été avec une signalisation, un protocole et une logistique très précise. C’est le même modèle qui est implémenté dans d’autres hôpitaux. »
Un peu de repos pour le personnel pendant les vacances ?
« C’est le message que j’ai adressé à l’ensemble du personnel la semaine dernière. Prenez vos congés, profitez du temps en famille et avec vous amis ». Nous avons tou(te)s besoin de récupérer pour être frais à la rentrée. »
Vous êtes satisfaits de la vaccination du personnel ?
« Nous sommes à 77% de vaccination. Nous avons finalisé la campagne de vaccination récemment. Toutefois un collaborateur qui souhaiterait encore être vacciné peut s’adresser à la médecine du travail. Nous sommes satisfaits, mais nous continuons à informer et à sensibiliser nos collaborateurs et nos patients. Et puis surtout nous continuons à rappeler l’importance des gestes barrières. »