Chatwin, photographed by Lord Snowdon, in 1982
Dans cet été plein de fureur qui nous laisse en stupeur et sueurs, revenir à un des meilleurs écrivains du voyage du 20ème siècle n’est pas une fantaisie mélancolique mais plutôt un écho de nécessité…Bruce Chatwin (1940-1989) a écrit tant et tant sur la beauté vertigineuse de notre monde et sur ses périls… Praticien du voyage et de la pérégrinations dans notre monde, il écrit avec une distinction, un sens de la vérité, une justesse qui font de chacun de ses livres un moment de bonheur.
Bruce Chatwin avait tout pour faire une carrière d’Expert chez Sotheby’s à Londres, spécialiste de l’impressionnisme, voyages à Bruxelles, Paris, Berlin… soudain se mit à souffrir des yeux, sa vue baissait, il décida alors de suspendre ses activités le temps d’un voyage et comme il le raconte avec sa faconde de conteur gentleman… tous ces maux disparurent dans le taxi qui le conduisait à l’aéroport !
Il décida alors d'entreprendre cette suite de voyages et le premier qu'il nous donna en 1979 aux éditions Grasset fut le fameux et le merveilleux « En Patagonie ». Un émerveillement. De Patagonie, il nous ramena un merveilleux et captivant voyage au fin fond de notre histoire et de notre pensée magique des régions extrêmes où bandits et desperados en fuite des Etats (Billy the Kid,…) avaient trouvé refuge.
Dans une écriture toujours fluide et poétique, de cette poésie qui garde les yeux entrouverts, mais qui cille pour mieux voir, Chatwin fit un chef d’œuvre de la littérature de voyage. « Le chant des pistes » (à propos de la rencontre avec la civilisation aborigène) , c’est une littérature-monde qu’il déploie, et toujours ce sens de la métaphore du conteur. Il était un Chantre de la pensée nomade.
En une dizaine de livres, il a dressé la cartographie de notre époque, qui, peu à peu, perd sa pensée continentale et entre dans un temps de pensée archipélique comme l’écrivit l’immense écrivain antillais Edouard Glissant, créateur de la notion de Tout-Monde, où des archipels se déplient dans la masse continentale.
Mais Bruce Chawin, c’est aussi l’inspirateur du cinéaste allemand, Werner Herzog (Aguirre la colère de Dieu, Fitzcaraldo,…) qui réalisa un documentaire sur les traces de l’écrivain…
Si le tourisme de masse détruit et que des mouvements « anti-touristes » naissent un peu partout dans les régions favorites des déferlantes d’été, le voyage, en tant que éloignement de soi et des lieux communs, est de plus en plus une façon méditative pour les grandes retrouvailles de l’homme avec lui-même.
Enfin, lire Bruce Chatwin est une façon de se projeter dans un monde hors du Grand Récit de la Fin qui rôde tant et tant dans les dystopies de notre siècle.
Chatwin est une boussole de bonheur dans la littérature, et ce n’est pas rien.