Belfius a présenté mercredi un survol de la situation financière des hôpitaux en 2019. Et s’est livrée, pour la 1ère fois, à une simulation pour 2020. Pour Jacques de Toeuf, qui a suivi pour Le Spécialiste la présentation du rapport Maha, il faudra refinancer les hôpitaux. "Il existe depuis plus de 10 ans un sous-financement structurel évalué de 300 à 400 millions d’euros par an."
Pour 2019, il n’y a pas de grand changement par rapport aux années précédentes. On retiendra l’augmentation des admissions (+1,3%), la diminution des journées (-0,8%) et un encadrement de soignants stables (2 ETP soignants / 100 admissions), donc une lourdeur accrue du travail.
Les comptes de résultats montrent un résultat d’exploitation à 0,6% du chiffres d’affaire, celui-ci augmentant de 5%. Contribuent à cette augmentation le BMF (+1,4%), les honoraires (+4,4%), la Pharmacie (+11,4%). Les salaires sont maîtrisés (+2,5%).
Les services d’hospitalisation et de consultation sont structurellement en déficit ; les marges positives se retrouvent dans la Pharmacie et les actes médico-techniques.
Le résultat courant est à + 76 millions, avec 30 hôpitaux en négatif. Cela représente 0,48% du chiffre d’affaires. Le cash-flow est inchangé, mais celui de 16 hôpitaux est insuffisant pour couvrir les dettes arrivant à échéance. La solvabilité est inchangée.
Les conclusions sont évidentes : seuls les honoraires et la Pharmacie maintiennent les hôpitaux en vie, et les résultats montrent que les hôpitaux sont incapables de survivre à des imprévus majeurs.
La simulation 2020, effectuée hors mesures de compensation, sur un échantillon de 60 hôpitaux, le montre à suffisance.
Rappelons que l’impact de la COVID frappe les hôpitaux depuis le 15 mars. Le Plan d’urgence hospitalier ayant mis les activités programmées à l’arrêt depuis le mois d’avril, 60% d’admissions et 43 % de consultations sont enregistrées. Les durées de séjour sont très longues. Le gel de lits depuis l’été prolonge ces effets négatifs. Pour la simulation, les effets financiers du 1er semestre sont extrapolés au 2ème semestre, avec 2 hypothèses.
L’hypothèse basse (1er semestre 2020 * 2) décrit les surcoûts d’investissement, la réduction de l’activité normale (honoraires, achats de Pharmacie et nourriture, etc.), des suppléments, et des recettes de parking. Il en résulte une diminution du chiffre d’affaires de -8,1%, une diminution de -16,7% des honoraires, et une diminution de -7,2% des recettes Pharma ; la recette BMF est inchangée. Le résultat courant est en négatif à -5,6%.
L’hypothèse high Risk (2ème vague pire que la 1ère) montre un effondrement du chiffre d’affaires de -10,4%, et un résultat courant négatif à -11,2% du chiffre d’affaire. Le chiffre d’affaires global des hôpitaux tourne autour de 20 milliards. Un résultat courant négatif à -11,2% représente donc un déficit de plus de 2 milliards. En conclusion, les hôpitaux sont en faillite comptable en 2020.
Le Gouvernement a pris plusieurs mesures :
Une avance de trésorerie de 2 milliards (dont 1,850 milliards aux hôpitaux généraux), qui a déjà fait couler beaucoup d’encre, pour que les hôpitaux puissent honorer leurs factures et les salaires. Mais il s’agit d’une avance, qui doit être régularisée plus tard.
Des forfaits (mesures hors budget), pour couvrir des surcoûts exceptionnel d’infrastructure et de moyens de protection individuelle.
Le « Fonds Blouses blanches » est une mesure neutre : il s’agit de recettes nouvelles pour des dépenses nouvelles.
En conclusion, le financement hospitalier est insuffisant pour subir le défi COVID. Sa dépendance de plus en plus marquée aux honoraires et à la Pharmacie est intenable. Il faut donc un nouveau modèle de financement hospitalier, et revoir l’organisation des soins.
Commentaire
Indubitablement, il faudra refinancer les hôpitaux. Il existe depuis plus de 10 ans un sous-financement structurel évalué de 300 à 400 millions d’euros par an, dû à la non-couverture partielle par l’état de charges qu’il a lui-même imposées aux hôpitaux. Par exemple les augmentations barémiques, le B4, le B6, etc.
Une partie de ce sous-financement est mis à charge des honoraires médicaux et de la Pharmacie, qui sont dans un état déplorable, peinant à garantir la qualité (ralentissement des investissements, manque de personnel de support, etc.)
Les honoraires hospitaliers sont sous pression depuis plus de 10 ans, leur évolution est inférieure à celle des charges qu’on leur impose en toute opacité.
La responsabilisation des acteurs doit aller de pair avec l’étanchéité des budgets des différents secteurs. Les recettes doivent servir à couvrir les dépenses propres, pas à compenser les insuffisances des autres secteurs de l’hôpital (honoraires des soignants, BMF, Pharmacie.)
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