Le 10 janvier , la KU Leuven organisait un Metaforum réunissant une série d’experts dont le professeur émérite en médecine générale Jan De Maeseneer et la CEO de la coupole hospitalière Zorgnet-Icuro, Margot Cloet. Le Pr De Maeseneer plaide notamment dans ce cadre pour une obligation d’accepter les nouveaux patients afin de lutter contre les refus de plus en plus fréquents.
L’expert souligne que, dans le contexte de pénurie actuel, l’un des défis à relever sera de parvenir à une plus grande diversité. « C’est vraiment dans ce sens que nous devons évoluer, car c’est ce qui nous permettra d’attirer davantage de personnes vers le secteur des soins. Cela pourrait aussi contribuer à lutter contre le phénomène de plus en plus courant de refus de nouveaux patients – un problème auquel nous devrons aussi nous attaquer, sur le court terme, en mettant en place une responsabilité (« accountability ») pour la prise en charge des patients. Il faut que chaque groupe ou réseau sache exactement quelles sont ses responsabilités vis-à-vis des patients et soit soumis à une obligation de les accepter. Idem en deuxième ligne et dans les réseaux hospitaliers. »
La solution pour répondre au problème de plus en plus marqué des listes d’attente réside, d’après lui, dans un modèle de soins échelonné où c’est la première ligne qui réfère les patients à la seconde. Il est aussi important de réfléchir davantage aux tâches respectives de la première et de la deuxième ligne, « afin que personne ne doive attendre six mois pour voir un gynécologue, comme la presse l’a rapporté il y a quelque temps en région anversoise ».
Jan De Maeseneer est aussi revenu sur son plaidoyer bien connu en faveur d’un « retournement » du système pyramidal des soins de santé tel qu’il existe en Belgique (avec la première ligne en-dessous, la deuxième ligne juste au-dessus et la troisième ligne au sommet).
L’ancien professeur gantois voit aussi dans le BIHR (Belgian Integrated Health Record) un certain nombre de possibilités pour évoluer vers des soins plus intégrés. « C’est vraiment la clé vers une foule de changements. » Il est aussi, on le sait, un fervent défenseur du transfert des tâches et du partage des compétences. « Il est vraiment temps de mettre ces principes en pratique. »
Mea culpa
Le Pr De Maeseneer a également fait son mea culpa et plus largement celui du monde académique dans le cadre de la réforme de l’enseignement supérieur intervenue il y a quelques années en Flandre. « Nous avons vraiment fait un beau gâchis de la réforme des bacheliers et masters. Le choix de supprimer le bachelier en kinésithérapie, notamment, était une erreur : nous formons aujourd’hui énormément de masters dans ce secteur, mais les offres d’emploi dans les maisons de repos et de soins, les maisons médicales, etc. peinent à trouver preneur. Des professions comme la kinésithérapie, la logopédie, l’audiologie ou l’ergothérapie ont besoin aussi bien de masters que de bacheliers qui travaillent ensemble au sein d’une équipe. Les hautes écoles doivent réintroduire les formations de bachelier. »
Il se décrit par ailleurs comme « un pessimiste de l’enseignement ». « Si le système de soins lui-même ne change pas, toute modification au niveau des formations est vouée à l’échec. »
Il s’est également arrêté un instant sur la question de la fuite des cerveaux et de la mobilité professionnelle. « On assiste aujourd’hui à de véritables drames. La Roumanie, par exemple, est actuellement le pays d’Europe qui forme le plus grand nombre de médecins par rapport à sa population totale, mais ces professionnels se retrouvent en masse à travailler comme infirmiers dans les hôpitaux des grandes villes d’Europe occidentale. Cette fuite internationale des cerveaux est absolument inacceptable. »
Remettre en question le libre choix du prestataire
Margot Cloet, la CEO de la coupole Zorgnet-Icuro, a aussi un certain nombre de critiques à formuler vis-à-vis des structures de formation. « Nous devons mener une réflexion plus large. Ce n’est tout de même pas possible que, dès qu’une université lance une nouvelle formation, les autres suivent comme des moutons. » Face au constat que le shopping médical est un phénomène de plus en plus courant, elle se demande aussi s’il n’est pas temps de remettre en question le libre choix du prestataire. Dans un contexte où il y a tant de postes à pourvoir dans le secteur des soins, ce « gaspillage » n’est en effet plus admissible. « Cette situation appelle un débat sociétal. »
La CEO de Zorgnet-Icuro a également soulevé un certain nombre de questions concernant notre modèle extrêmement complexe de concertation sociale et de politique d’emploi. « Ce n’est pas forcément une mauvaise chose en soi, mais cela se solde aussi par une tendance à adopter une position défensive et par un excès de réunions. Pas évident d’innover dans ces conditions ! On pourrait déjà commencer par réfléchir à la concertation sociale, et je ne parle même pas ici de ce qui se passe à l’Inami. »
Risque de commercialisation
Parmi les grandes menaces pour les soins de santé et pour le patronat, Margot Cloet épingle encore la commercialisation. « J’ai par exemple vu passer une annonce d’un bureau d'interim qui promettait un voyage à New York à la personne qui lui fournirait le plus de travailleurs. »
Elle a encore lancé quelques suggestions concrètes, comme par exemple de mettre de côté le corporatisme au profit d’une attitude empreinte de réalisme. En ce qui concerne la loi sur l’exercice de l’art de guérir, elle souligne que « les personnes qualifiées doivent être celles qui sont compétentes. C’est ce principe que nous devons prendre pour point de départ, plutôt que d’attribuer à quelqu’un une compétence qui lui permet automatiquement de se lancer dans la pratique ». Et encore : « Plus une profession est bien protégée, plus elle a des réflexes corporatistes. Nous devons déléguer davantage. »
À l’occasion de ce Metaforum un texte de vision (en nl) sur les professions de soins et professions de santé du futur a été présenté.
Lire aussi:
> Enquête exclusive : 60% des généralistes francophones refusent de nouveaux patients
> A quelles conditions un généraliste peut -il refuser de nouveaux patients ? (Ordre)
La reconnaissance « des beaux gâchis » antérieurs et le mea culpa à ce sujet devrait logiquement apporter un peu d’humilité quant à la situation actuelle et les solutions à apporter plutôt que les péremptoires « c’est vraiment vers cela qu’il faut aller » non?
— Dr Thomas Orban - L’Union fait la Force (@OrbanDoc) January 16, 2023
Un petit gif vaut mieux qu’un long discours…! pic.twitter.com/KKEgYvIEkg
— scarlettbobo (@DrMagheS) January 16, 2023
Alors qu'un nombre croissant de MG sont en burn out @JanDeMaeseneer dévoile un sujet évoqué au GT New Deal pour résoudre la pénurie : le travail obligatoire
— David SIMON (@Freedoc_be) January 16, 2023
Pour @absymtweets c'est définitivement NON !
Nous défendons la liberté pour le MG de fixer les limites de sa patientèle !
Faisons la même chose avec les autres métiers : 2000 maisons par chauffagiste, et obligation d'intervenir dans les 24h. Virons combien de temps ça va tenir..
— Docteur C - Capsule Médicale ⚕️ (@MedicaleLa) January 16, 2023
N'importe quoi KUL. J'appliquerai une restriction géographique quoi qu'on m'exige. Car cest impossible de gérer une fièvre puerpérale à Pepinster-Cornesse en même temps que Covid grave à Spa-Creppe et épidémie gale de 15p à LaReid.
— Dr Robin Déboitement de la Mâchoire (@dokteurdarticho) January 16, 2023
+les 20p qui attendaient au cab. Fini 1h du mat.
Ça me laisse sans voix … sincèrement …
— depuydt caroline (@DepuydtCaroline) January 16, 2023
C'est le modèle NHS, ou celui que j'ai vu en Italie. Patients viennent sans RV à l'ouverture des portes, 8 ou 9h. Prennent un numéro. Fermeture à midi, réouverture à 14 h.Fermeture à 17 ou 18h. Ceux qui n'ont pas vu de médecin reviennent le lendemain. Simple pcq méd salariés
— jacques de Toeuf (@j_detoeuf) January 16, 2023
Derniers commentaires
Charles KARIGER
18 janvier 2023Mais non ! Ce savant a raison. Son excellente solution, l' OBLIGATION, sera assurément efficace et suffisante. Il suffit de constater son succès à FEDASIL.
Grâce à l’obligation de les loger, TOUS les demandeurs d’asile sont… À LA RUE !
Vive la coercition!
Francois Planchon
18 janvier 2023Surréaliste et inadmissible !
Et il ne met même pas en cause le numerus clausus qui est la première cause de ce problème, ni les 30 % d'étudiants étrangers dans nos facultés (essentiellement des français) alors que pour des pays comme la France, ce n'est pas à la Belgique de palier le manque de places dans les facultés en France, ni la trop grande sévérité du processus de sélection de "Parcoursup" ! Il ne souligne pas que +/- 1/3 des nos inami sont attribués chaque année (sans limite) à des médecins européens (dont beaucoup de Roumains)... alors que les entrées des études en médecine sont limitées c'est une véritable injure à nos jeunes motivés... !
1) les médecins Roumains (diplômés), en Belgique, travaillent comme médecins... et pas comme infirmiers... Un diplôme de médecine européen est valide dans tous les pays (arrêtez-moi si je me trompe).
2) un prestataire doit toujours avoir le droit de dire "je ne prends pas de nouveaux patients" quand il est saturé... Si il est en burnout, il coûtera plus cher à la sécurité sociale et ses patients devront aller ailleurs...
3) les maisons médicales refusent des patients dès qu'elle ont le quota qu'elle se sont fixé...
Pire : elles se partagent des territoires et refusent de prendre un patient d'une autre zone, même si en réalité il est géographiquement plus proche ...
Thierry Devigth
17 janvier 2023Le Prof. Dr. Jan De Maeseneer, MD, PhD comme l'indique si modestement sa page LinkedIn a fait toute sa carrière en maison médicale.
Comme tout le monde le sait, les maisons médicales ne refusent aucun patient, aucune garde, ni aucune visite à domicile. Voici comment le centre de médecine communautaire dans lequel il exerce son art envisage sa disponibilité pour les patients: "Als je ziek wordt ’s nachts, in het weekend of op een feestdag en je hebt dringend een arts nodig, kan je terecht op bovenstaande nummers van de Huisartsenwachtpost Gent." Mais lui veut rendre obligatoire l'esclavage de ses confrères. Vu son discours, il doit être le 3ème larron aux mêmes idées progressistes que vdb et Van Ranst: les médecins solos sont des cons, il faut les faire renter dans le rang à coups de taxes, d'obligations et d'interdictions venant de qui sait ce qui est bon pour eux.
Margot Cloet est licenciée es sciences pédagogiques. Elle a très vite quitté l'enseignement (après 3 ans) pour se vautrer en politique selon son profil. Voici son CV sur cumuleo: https://www.cumuleo.be/mandataire/12403-margot-cloet.php.
Voici donc quelles sont ces deux belles personnes qui prétendent régenter notre métier de médecin. Un médecin au profil rêvé par nos dirigeants et une prof d'école. Et qui s'étonnera encore de l'attrait de la médecine? Encore une suggestion pour que le tableau soit complet: interdire, comme en Italie, les médecins de prendre leur pension. Meilleurs vœux quand même.
Philippe-Charles BUSARD
17 janvier 2023Donc , si je comprends bien et arrêtez-moi si je ne me trompe:
-trop de boulot (utile ou pas, on ne le sait que lorsque le patient sort du cabinet)
-"pas assez de médecins donc.
-fuite de cerveaux...
EST-CE QUE DANS CE CONTEXTE QUELQU'UN(E) PEUT ME RAPPELER LE RATIONNEL DU NUMERUS CLAUSUS??????????????????????????
(que je combats depuis 1995)
Catherine WARNOTTE
17 janvier 2023Bien heureuse de voir qu'il n'y a pas que moi qui suis choquée. Alors qu'un généraliste sur 3 est près à stopper sa pratique et qu'ils déclarent, à juste titre, que le Covid les a plongés dans une situation catastrophique.
Moi aussi je suis sans voix!
Martine LEGRAND
17 janvier 2023Je serai pensionnée dans 5 mois , je n' ai plus la force d' accepter de nouveaux patients , je continuerai à travailler pour mes anciens , par passion et obligation financière . Dr Legrand Martine
Philippe TASSART
16 janvier 2023Obliger les médecins à accepter tous les patients qui se présentent à leur consultation ? Pourquoi pas, si on leur en donne vraiment les moyens !!! Et les moyens sont : plus d'assistants en MG (et donc un changement radical dans les formations universitaires), plus d'infirmières formées pour être engagées par un MG dans le but de gérer une partie de son travail (et donc réduire la durée de leurs études et concentrer leur formation sur le médical pratique, rendre leurs barèmes plus attractifs), répartir les MG de manière uniforme sur toute la surface du pays pour ne pas asphyxier certains MG trop isolés, favoriser l'activité monodisciplinaire des MG pour éviter des pertes de temps inutiles investies dans des réunions aussi chronophages qu'inutiles en terme de pratique purement médicale.
Alexandre Sarafidis
16 janvier 2023A lire l’article sa ( Jan dm) dernière très bonne idée , ce n’est certainement pas son dernier mes culpa;).
Peut être vu qu il est l’auteur de cette brillante idée , Jan D M pourrait lui même commencer une première phase de 12 mois test avec des consultations toutes la journée où il ne refuserait personne ;) ( rôle de garde y compris le Wk)et il prendraient tous ceux refuser par les autres pour mettre de l’huile dans notre système de santé ;) et donner l’exemple .Merci pour sa participation.
Alexandre Sarafidis
16 janvier 2023Le nouvel esclavagisme ;), merci pour ces belles idées;).
Pourquoi ne pas travailler avec des menottes ?
Certains souhaitent un système de santé ou une société style Empire du Milieu???
Merci pour ces idées originales ;) .
Georges VAN SNICK
16 janvier 2023j'ai 70 ans et je travaille pour le plaisir et parce que aider les gens a du sens.
on a commencé par les gardes obligatoires et maintenant pour le travail obligatoire sans limite.
les patients choisissent leur médecin , les médecin s doivent pouvoir choisir leurs patients.
beaucoup de jeunes médecins arrêtent par burn out, ne les surchargeons pas encore
alain caroli
16 janvier 2023Retraité depuis deux ans, après un départ volontaire à 64 ans, j'assiste à une dégradation accéléré de mon ancien métier,que j'adorais malgré l'accumulation de taches administratives, de vindicte de plus en plus de patients, de tempêtes de la hiérarchie hospitalière, de lois stupides des ministres de la Santé, de grogne du personnel infirmier et administratif...La cerise sur le gâteau a été la gestion hystérique médiatico-politicienne du Covid.
Et maintenant, des professeurs "émérites" voudraient que nos confrères généralistes travaillant de 9h à 22h ne puissent plus refuser de nouveaux patients(en les voyant quand?) en attendant que les spécialistes aussi ne puissent plus les refuser? Et de plus, en supprimant le libre choix du praticien? Avec une obligation trentenaire de garder les dossiers, tout en "oubliant "le vieillissement du patient humain, que le praticien peut prendre sa retraite ou mourir? Sans compter notre responsabilité civile professionnelle gigantesque?
Le politique s'est assez moqué du corps médical, ne laissons plus rien passer maintenant. Même retraité, je me sens de plus en plus solidaire de TOUS mes confrères.
Je signe et en toutes lettres.
Alain Caroli
Alexandre DAILLIET
16 janvier 2023Si on applique ces recettes, au demeurant incompréhensibles, ce sera pire encore. Plus les conseilleurs s'en mêlent, pire est la réalité sur le terrain. Il n'y a plus qu'à demander à McKinsey et l'on est parti pour la catastrophe totale. Burn-out en masse garanti.
Jean-François CHEVALIER
16 janvier 2023facile pour un gars à l'émerisât de venir donner des leçons aux autres... je n'aurais qu'une chose à lui dire : "viens bosser sur le terrain et tu verras si on sait tout prendre..."..