Coût des cadres hospitaliers : faut-il revoir les structures de management ?

La hausse des coûts de gestion dans le secteur hospitalier pousse les institutions de santé à rechercher des solutions pour optimiser les dépenses. En Belgique, cette réalité économique pourrait contraindre les hôpitaux à revoir leur structure de management. Cette tendance est observée aussi au Canada où, ces cinq dernières années, le nombre de cadres en santé a considérablement augmenté, leur salaire combiné franchissant le cap du milliard de dollars.

Le coût des cadres dans les institutions de santé est en constante augmentation, pour répondre notamment aux normes, aux enjeux technologiques, à l’encadrement, au recrutement de soignants et aux défis de la cybersécurité. Au Canada, le nombre de cadres en santé augmente sans cesse depuis 5 ans et leur salaire combiné dépasse maintenant le milliard de dollars pour garder ou attirer les meilleurs profils comme le démontre une enquête récente du journal de Montréal. À titre d’exemple, 164 de ces gestionnaires, qui ne soignent pas directement des patients, gagnent plus de 200 000 $.

Selon le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), pas moins de 13 050 cadres évoluaient dans le réseau en 2023-2024, alors qu’ils étaient 9 555 en 2019-2020, tout au début de la pandémie.

Cette réalité de terrain s’impose doucement aussi en Belgique. Les salaires sont-ils aussi exposés alors que de nouvelles obligations arrivent au niveau européen avec la mise en place de la directive NIS2 en 2024 ou encore le GDPR qui impose l’engagement d’un DPO dans chaque hôpital ? Sans oublier qu’au niveau bruxellois, les nouvelles normes, ainsi qu'indirectement les implications liées à la directive CSRD, imposent aux hôpitaux la mise en place d’un plan de durabilité.

Une réaction urgente est demandée.

Cette situation ne surprend pas Yves Smeets, directeur général de Santhéa : « Je le dis depuis 25 ans. » Il donne un exemple concret : « Trouver des informaticiens de grande qualité aujourd’hui compétents en cybersécurité et en gestion des réseaux est très compliqué quand nous devons lutter face aux salaires proposés par d’autres sociétés. C’est la même chose quand on veut recruter des personnes au niveau des RH, dans la gestion ou l’analyse des données. »

La raréfaction des médecins met également une pression sur les coûts. « Nous avons dans les institutions de plus en plus de spécialités médicales dont les rémunérations sont déconnectées des honoraires. Certaines spécialités coûtent plus cher que les revenus qu’elles génèrent. » « Nous ne recevons pas les moyens pour nous permettre de payer les personnes dont nous avons besoin pour que les institutions fonctionnent dans les meilleures conditions. »

Évaluer le rapport coût-bénéfice des normes.

Mais quelle solution ? Pour lui, une simplification administrative et des normes est urgente. « Le temps que l’on passe à remplir des rapports et à participer à des réunions qui n’ont pas un impact direct sur les soins n’est pas normal. Le coût du système ne dépasse-t-il pas le bénéfice que l’on peut en tirer ? » Le rapport du KCE sur « la nécessité d’évaluer soigneusement le rapport coût-bénéfice de la collecte des données sur le temps d’attente » en est un exemple. Les conclusions sont claires : cela ne sert à rien de mettre en place un système de mesure s’il coûte plus cher que ce qu’il peut rapporter.

Le travail en réseau des institutions ne va pas tout résoudre : « Tout n’est pas mutualisable. »

L'hôpital n'est pas financièrement attractif.

Du côté d’Unessa, le directeur général, le Dr Philippe Devos, abonde dans ce sens : « Nous devons faire face à une complexité inappropriée. En Belgique, nous avons plusieurs niveaux de pouvoirs de santé et plusieurs ministres. Les régulations sont parfois contradictoires. Les directeurs d’hôpitaux préféreraient mettre plus d’argent dans les soins et au chevet du malade. »

Financièrement, les hôpitaux manquent d'attractivité : « Trouver des personnes qui veulent travailler dans la santé est d’autant plus difficile que les commissions paritaires dans lesquelles nous sommes font que nous ne sommes jamais financièrement attractifs pour recruter un informaticien ou un directeur informatique. L’hôpital ne va jamais proposer le meilleur salaire. Les coûts vont aller croissants... sans garantie de gains d’efficience équivalents. »

Il existe peut-être une autre piste temporaire : « Certains hôpitaux réfléchissent à une réduction du middle management et du management de proximité pour réduire le nombre de personnes qui ne sont pas au chevet du malade en travaillant sur les couches intermédiaires pour diminuer les coûts. Peut-être qu’à terme les hôpitaux ne garderont que des « hyperspécialistes » dans le top management. »

Stabilisation des cadres à Bruxelles

Le secteur hospitalier est l’un des plus régulés, que ce soit au niveau bruxellois, belge ou européen. « À Bruxelles, malgré l’augmentation des obligations et la complexité grandissante du secteur, la tendance observée est plutôt une stabilisation du nombre de cadres dans les institutions de soins », selon Karel Van De Sompel, directeur général de GIBBIS qui demande aux autorités de financer le personnel nécessaire pour répondre à ces nouvelles obligations et d’investir dans le personnel soignant. « Les gestionnaires d’hôpitaux font face à de nombreux défis de manière responsable avec les ressources disponibles et collaborent étroitement avec le corps médical pour répondre aux besoins et assurer les missions de leur institution. »

En Belgique, le secteur cherche donc la solution idéale en fonction de ses moyens...

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Derniers commentaires

  • Jean-Marie RAKIC

    09 juillet 2024

    Les structures administratives croissantes ne sont que la conséquence de ces directives en tout genre dont notre région est spécialiste, mais pas que, au delà il y a le fédéral, l'iNAMI, l'EU...
    Chaque niveau de pouvoir créant quelques couches, le résultat est ce que nous voyons aujourd'hui, et le pire, c'est que nous sommes loin d'être au bout...

  • Francois Planchon

    09 juillet 2024

    Une bonne gestion des infrastructures fait gagner de l'argent... et un bon gestionnaire, quand tous les services rendus sont efficaces, mérite sa rémunération... mais encore faut-il que tout tourne bien !
    Quelques exemples concrets :

    - ma mère a vécu en home et a subi plusieurs hospitalisations successives s'étalant sur 2 ans, avant son décès, dans le même gros hôpital du Brabant Wallon. Je gérais ses finances.
    A la première hospitalisation, je signale que les factures doivent m'être envoyées, et PAS à son domicile au home car soit elle les perd, soit le home les garde dans un tiroir et les joint à la facture mensuelle avec 1 ou 2 mois de retard...
    Simple ? Et bien NON, à chaque nouvelle entrée l'hôpital me dit que l'information est à re-donner à l'admission, où je ne suis pas présent vu que j'habite à 100 km...
    Je me renseigne et constate alors que leur banque de donnée "patient" ne comporte PAS un champ permanent où une adresse de facturation différente du domicile du patient est possible...
    Surréaliste mais bien réel : d'où des heures perdues en coup de tél. et rectifications, à répétition, tant de ma part que de celle de la comptabilité de l'hôpital !!!! Et ce n'est pas le seul hôpital à avoir ce problème qui ne devrait pas en être un... et qui leur coûte pourtant trop cher...
    - CHU Liège : chaque gros service a SA banque de donnée "médecins"... Il n'y a PAS de signalétique commun pour tout le CHU et hôpitaux fusionnés...
    Résultat : je connais un médecin qui a déménagé il y a +/- 10 ans, à qui de temps en temps des résultats "patients" sont envoyés à l'ancienne adresse, selon les services qui expédient le courrier...
    Et on paye des "gestionnaires" très cher pour un résultat aussi pitoyable, alors qu'éviter des fichiers en double est l'ABC d'une bonne informatisation ?
    - Quand des communes créent des "intercommunales" pour leur déléguer une partie de leurs missions obligatoires ou facultatives comme les hôpitaux, des mandats sont distribués aux élus pour siéger dans ces intercommunales...
    La somme des rémunérations des élus à charge de la commune ne change pas, et il la collectivité doit payer une seconde fois ces mêmes élus pour siéger aux CA des entités auxquelles une partie de leur travail initial a été délégué...
    Est-ce normal que la collectivité payer deux fois pour une même mission ???
    La surveillance des intercommunales à qui on a délégué une partie des missions communales fait pourtant partie du package initial global des rémunérations des élus communaux...
    Quand il s'agit du pool des salariés, je n'ai jamais vu une entreprise qui payait deux fois pour une même mission : pourquoi le fait-on assez régulièrement pour le pool des mandataires ?

    A travers ces 3 exemple, non exhaustifs, je désigne des pistes pour sélectionner des vrais gestionnaires... et faire la chasse aux gaspillages d'heures de travail payées...
    Pour réflexion !

  • Taniyel Dikranian

    08 juillet 2024

    Le coût exorbitant des administratifs est évident et n’a cessé d’augmenter ces 15-20 dernières années, On serait plus inspiré de mieux payer les soignants afin d’éviter l’hémorragie dans les hôpitaux et cliniques.

  • Harry Dorchy

    08 juillet 2024

    ÉCONOMIES ET QUALITÉ DES SOINS NE SONT PAS INCOMPATIBLES
    MAIS IL FAUT SUPPRIMER LES COUCHES INUTILES ET ONÉREUSES
    DE LA LASAGNE ADMINISTRATIVE ET MÉDICALE

    Pour faire des économies dans l'hôpital, sans nuire à la qualité des soins, il faut d'abord séparer les pouvoirs. Les politiciens et les hospitalo-administratifs (de plus en plus nombreux, souvent très coûteux, à charge des honoraires médicaux, nommés politiquement et pas obligatoirement avec les diplômes ad hoc) sont de plus en plus influents dans les coupoles hospitalières. Ils ne devraient pas s'immiscer dans les conclusions d'experts médicaux réellement indépendants.

    Ensuite, dans certains hôpitaux, on multiplie aussi la lasagne médicale, souvent de façon inutile, dispendieuse, par copinage, affiliation politique, etc. En plus, certains responsables médicaux sont plus administratifs que médecins...

    Si on arrête ces pratiques, des économies justifiées seront réalisées, sans pénaliser la qualité, et feront que les pensions des statutaires, objectivement sélectionnés, ne menaceront plus la viabilité des hôpitaux publics.

    Pour améliorer la surveillance des hôpitaux et l'efficacité des soins, l'INAMI s'est associé au SPF Santé publique et à l'Agence fédérale des médicaments et des produits de santé (AFMPS) pour surveiller les hôpitaux de façon plus efficace et plus transparente.
    https://www.inami.fgov.be/fr/themes/qualite-soins/Pages/ameliorer-surveillance-hopitaux-efficacite-soins.aspx)
    Les buts sont :
    ◦ Créer une valeur ajoutée pour les patients, les hôpitaux et les pouvoirs publics
    ◦ Optimiser l'utilisation des moyens fédéraux disponibles, prévus pour les soins de santé.
    Malheureusement ces audits ne concernent pas certains directeurs administratifs ou médecins superfétatoires, coûteux, voire incompétents, à cause de l'influence politique partisane des mandataires publics.

  • Frédéric BOSSART

    08 juillet 2024

    Dans les hôpitaux, il y a hélas de plus en plus d’improductifs que productifs ( équipes soignantes)… du coup, les productifs sont de plus en plus privés d’une grosse partie de leur revenu !!! Ne cherchons pas pourquoi ils s’en vont !!!

  • Philippe DUFRANE

    08 juillet 2024

    Trop de cadres intermédiaires.
    Plus de chefs que d’indiens ...

  • Hervé Godiscal

    08 juillet 2024

    c'est comme c'était dans l'armée Zapata ,il y a plus de chefs que de soldats !