Le débat des sous-quotas (nombre prédéterminé de médecins à accorder aux différentes disciplines médicales) est relancé en Flandre avec une concrétisation communautaire de ces derniers en vue. Il est attendu que ce débat s’étende, tôt ou tard, en communauté française, poussé d’une part par une pénurie de médecins dans certaines spécialisations (par exemple, la médecine générale et la psychiatrie), et d’autre part par le débat trans-communautaire sur le dogme de la pléthore du côté francophone (que je combats vigoureusement).
Deux camps se distinguent pour la plupart des intervenants.
D’un côté, les acteurs revendiquant les sous-quotas par la nécessité : certains spécialisations sont reconnues comme pléthoriques en Flandre, comme la radiologie ou la gynécologie; d’autres sont en pénurie, comme la médecine générale.
D’autres acteurs sont contre des sous-quotas « forcés » de part un aspect professionnel : en effet, en forçant un jeune médecin dans un métier qu’il n’a pas choisi, on risque d’avoir des professionnels démotivés à long terme. On sait tous que les conditions de travail des médecins ne sont pas les meilleures, mais si en plus on n’aime pas le métier qu’on fait, cela pourrait en effet devenir insoutenable.
Un point qui semble rejoindre les deux écoles de pensée est la valorisation salariale des spécialisations en pénurie : il est très invraisemblable qu’en 2019 des écarts aussi importants existent entre certaines spécialisations, ce qui est remarqué par la plupart des étudiants; ceci est évidemment un facteur majeur pris en compte par ces derniers lors du choix de la spécialisation.
Un aspect sur lequel peu de personnes insistent est celui de la valorisation académique des spécialisations en pénurie.
En effet, les vieux médecins ou les décideurs politiques l’ont peut être oublié, mais un des facteurs les plus importants qui attire les futurs candidats vers une discipline particulière est « l’inspiration » par un de nos professeurs d’université.
Premièrement, il est important de constater que, à cause d’une part de la persistance du modèle d’enseignement ex-cathedra et cloisonné en pathologies par spécialisation, et de l’autre d’un manque évident du financement de l’enseignement médical, la médecine générale en tant que discipline académique se retrouve avec des poussières pédagogiques négligeables. Peu de médecins généralistes sont des figures proéminentes dans nos facultés, et ceci est un facteur aggravant de la pénurie de médecins généralistes.
Le modèle britannique est une belle alternative à ce problème: les pathologies sont souvent présentées aux futurs médecins et les médecins en formation comme «GP», c’est à dire du ressort du médecin généraliste, et ce qui est du ressort du spécialiste. Ceci dépend évidemment de l’organisation économique de la santé, mais on reconnaît au Royaume-Uni un statut académique privilégié pour le médecin généraliste, qu’il soit en formation que non.
Comme la médecine générale, aussi la psychiatrie se retrouve bien souvent peu valorisée; un stage obligatoire est retrouvé de moins en moins fréquemment dans les programmes facultaires, ce qui s’est traduit par une baisse des candidats dans cette discipline pourtant en pénurie.
Aussi, le manque de sensibilisation et la pauvreté du travail interdisciplinaire et le manque de considération de la place du généraliste comme coordinateur de soins favorisent l’apparition de bashing de la part de spécialistes vers les généralistes. Dans d’autres pays, comme le Royaume Uni ou les pays scandinaves peuvent nous apprendre énormément à cet égard.
Dans tous les cas, il ne faut pas nier l’importance socioprofessionnelle du «prestige académique» d’une spécialisation en pénurie dans la recherche d’une solution. La revalorisation académique des spécialisations en pénurie est une étape à reconsidérer abondamment lors de l’abord de cette question importante: il en va du futur de la formation de nos médecins, et de celui de notre système de soins de santé.