Lors d’un cours de chirurgie qui a commencé comme tous les autres cours, le professeur faisant défiler les diapositives portant sur le bilan et la prise en charge des polytraumatisés, accompagné d’un cas clinique pour illustrer la théorie devant un auditoire silencieux même somnolent pour certains. Le patient décrit dans le cas est une victime de l’attentat du 22 mars 2016 à Maelbeek. J’analyse avec intérêts les opérations et les soins dus aux terribles blessures que cet homme a subies.
Et voilà la surprise : à la fin de la présentation du cas clinique, le professeur présente un homme au premier rang qui se lève et s’avance timidement devant l’auditoire : il s’agit du patient de la présentation !
Dans l’échange qui a suivi, nous avons très peu parlé de médecine comme on pourrait s’y attendre avec un auditoire rempli de carabins, mais surtout de son ressenti, de ses craintes à différents stades de sa convalescence et ce qu’il aurait aimé changer dans sa prise en charge (comme l’absence de suivi psychologique pour les victimes), en résumé, il nous a raconté son histoire.
Ce moment m’a marqué au fer rouge, un cas clinique qui prend vie, si j’avais croisé cet homme dans la rue, rien n’aurait pu montrer les ravages que la barbarie lui a fait, nous avons pu mettre un visage sur ce corps meurtri en salle d’opération, qui était là debout le sourire aux lèvres. Son visage restera inscrit longtemps dans ma mémoire, et ce cours aura marqué nombre d’esprits.
Quelle place devrait avoir le patient expert ou non dans la formation des médecins ?
Suite à ce cours, plusieurs questions et réflexions me sont venues, beaucoup de mes camarades se sont posé les mêmes, durant cette longue formation censée faire de nous des « bons » médecins, où sont les patients ? Où est l’humain ?
L’académique met toute sa force dans le traditionnel apprentissage scientifique, en pratique clinique c’est semblable, ce sont les connaissances scientifiques qui permettent de se démarquer, mais où le ressenti du patient passe au second plan.
Ce cours a bien montré l’importance de la vision humaniste de la médecine, que tout ne se résume pas à des données concrètes mais aussi de ce que le patient vit et ressent. Comment suis je censé être un bon soignant sans un apprentissage à l’intelligence émotionnelle, et sans drill à la pratique humaine de la médecine. Je veux cela dans mes études.
Et quelle meilleure façon de faire qu’en invitant des personnes qui ont vécu ou vivent avec ces maladies que l’on nous prépare à soigner, et je pense que le patient expert a toute l’expérience pour remplir ce rôle.
L’humanisation des futurs soignants devient d’autant plus nécessaire avec la présence des innovations technologiques médicales qui risque de changer certains aspects du processus de soin. Je pense que cela doit encore plus pousser notre formation vers l’humain, car même la meilleure machine du monde ne peut remplacer une relation soigné-soignant.
La présence d’un patient en cours devrait être la règle et non pas l’exception, et ça devrait être le cas très tôt dans la formation pour que les étudiants s’imprègnent de ce côté humain. L’absence des malades a fait que, devant mes bouquins, j’ai parfois oublié pourquoi je voulais faire ce métier ; ce cours m’a bien rappelé pourquoi la médecine reste au final le plus beau métier du monde.
Derniers commentaires
Thérèse RICHE
21 octobre 2019Bonjour,
j'ai 75 ans et, jusqu'il y a peu, hormis l'attitude peu humaine des Professeurs qui amenaient des patients au cours (il y a plus de 50 ans) j'avais souvent trouvé, chez les médecins une empathie très réelle. Est-ce mon âge avancé (qui ne mérite plus beaucoup d'attention?).. J'ai ressenti un net recul de l'écoute, de la qualité et de la pratique Médicale et paramédicale.....Est-ce vraiment la façon d'enseigner la médecine ou est-ce l'avant étude, l'environnement....qui nous ferme les yeux???,.? En tout cas, j'ai appris l'Humanité en cycle secondaire, par des stages d'aide aux familles défavorisées les mercredi PM. et en regardant autour de moi, Et jamais à l'université. Il me semble que l'on est attiré vers les sciences médicales dans le but d'aider les personnes en difficulté....Ne serait-ce plus le cas???? Au point de devoir montrer la misère dans les auditoires alors qu'elle est présente à tous les coins de rue, à la TV , sur Internet....etc.???????
Thierry-Georges PONTUS
18 octobre 2019Nos cliniques du matin se faisaient avec la présence du patient , des critiques ont fusé , alors que cette participation se faisait toujours avec l’accord des patients , mais j’ai le souvenir net des réponses des patients. Et du patron qui disait en montrant l’auditoire , ne craignez rien ce sont tous des docteurs !