La récente modification législative annonce un nouveau tour de vis. Le médecin devra désormais informer très précisément le patient du prix de chacune de ses prestations, en mentionnant obligatoirement, le montant de l’intervention de l’assurance, la quote-part personnelle à charge du patient (ticket modérateur), le cas échéant, le montant maximal des éventuels suppléments.
Cette évolution est certes garante d’une protection et d’une sécurité juridique accrues pour le patient, mais elle ouvre malheureusement aussi la porte à encore plus de discussions et de contestations autour des suppléments portés en compte, en particulier depuis la dernière modification législative en date (intervenue le 27 octobre 2021), qui doit à présent être implémentée dans les différentes branches du secteur des soins.
C’est la conclusion de maître Sylvie Tack (Sanalex) au terme d’une analyse publiée dans le dernier numéro de la Revue de Droit de la Santé (1). Jusqu’ici, les prestataires étaient uniquement tenus de communiquer aux patients leur statut de conventionnement. La loi ne mentionnait par contre aucun devoir d’information sur les tarifs proprement dits, la question étant laissée à l’appréciation des juges.
À la veille du récent changement législatif, le 6 septembre de l’année dernière, la Cour de Cassation s’était toutefois déjà prononcée sur ce devoir d’information, estimant qu’il incombait aux prestataires et établissements de soins d’informer de leur propre initiative les patients de leur statut de (dé)conventionnement et de leurs éventuels suppléments. Pour la Cour, ce devoir va très loin, puisqu’il ne suffit pas de fournir au patient une brochure ou autre document, aussi clair et lisible soit-il : cette approche suppose en effet encore de la part de l’intéressé un effort actif pour accéder à l’information.
Cet avis rendu récemment par la Cour de Cassation dans le cadre d’une situation concrète a eu pour conséquence que le spécialiste concerné n’a pas pu percevoir ses suppléments d’honoraires faute d’avoir satisfait à son devoir d’information… et qu’il a donc dû se satisfaire des tarifs de la convention, évidemment beaucoup plus faibles.
Un nouveau tour de vis
La récente modification législative annonce à présent un nouveau tour de vis, dont les effets se feront sentir dans toutes les branches du secteur des soins. Le médecin devra désormais (tout comme les autres dispensateurs de soins) informer très précisément le patient du prix de chacune de ses prestations, en mentionnant obligatoirement :
- le montant de l’intervention de l’assurance
- la quote-part personnelle à charge du patient (ticket modérateur)
- le cas échéant, le montant maximal des éventuels suppléments
Ces informations doivent être clairement affichées au cabinet du prestataire et éventuellement en ligne, des modalités plus détaillées pouvant être définies par chaque secteur. Pour les médecins et dentistes, c’est l’Inami qui se chargera de cette tâche. Les nouvelles dispositions entreront en vigueur dès que ce cadre aura été finalisé et publié au Moniteur.
Quelles répercussions juridiques?
Quant à savoir quelles répercussions ces nouvelles dispositions pourraient avoir sur le plan juridique, maître Tack constate que, si les juges ont bien un pouvoir de contrôle sur les honoraires des médecins, la jurisprudence est assez divisée. Une partie des jugements rejettent en effet en bloc les suppléments en chambre simple au motif que ces montants ne correspondent à aucune prestation médicale, tandis que d’autres admettent le principe des suppléments d’honoraires (puisque la loi prévoit cette possibilité) et se bornent à se prononcer sur leur montant. « Un supplément de 100 % sur une intervention de courte durée et/ou banale sera parfois considéré comme excessif et risque donc d’être « raboté » par le juge », précise la spécialiste… et cet ajustement dépendra souvent au moins en partie de l’information que le patient a – ou non – reçue au préalable.
Quoi qu’il en soit, la nouvelle réglementation va bien au-delà d’un simple « écrémage » des suppléments par le juge : bientôt, celui-ci devra rejeter purement et simplement l’intégralité du supplément d’honoraire s’il s’avère que le patient n’a pas ou pas suffisamment été informé par le biais d’un affichage clair et lisible au cabinet (ou en ligne le cas échéant), conclut maître Tack.
Précisons au passage qu’une proposition de loi avait déjà été déposée antérieurement par Karin Jiroflée et Jan Bertels (sp.a/Vooruit) afin de porter de 125 à 1.000 euros l’amende en cas d’entorse au devoir d’information sur le statut de conventionnement et les tarifs appliqués.
(1) Tijdschrift voor Gezondheidsrecht/Revue de Droit de la Santé 21/22 (4), « Financiële informatieplicht over ereloontarieven wordt alweer wat strenger », 263-265.