La Fondation Roi Baudouin (FRB), associée à des instituts de sondage internationaux, a mené une enquête auprès de 30.000 Européens, dont 1.000 Belges: comment conçoivent-ils l’utilisation des données de leur génome? Dans la foulée, elle a tenu un forum citoyen dans notre pays. Les rôles des soignants semblent appelés à évoluer, de nouvelles fonctions à émerger.
Principaux enseignements chiffrés l’enquête : une majorité d’Européens (73%) et de Belges (68%) veulent tout savoir sur leur génome. Ils sont prêts à partager ces informations avec leur famille (respectivement 76% et 69%) ainsi qu’avec des chercheurs universitaires (58% dans les deux cas). Ils apparaissent plus réticents à confier ces données à l’industrie pharma (40% et 41%).
On le sait, l’introduction de la médecine génomique va conférer un caractère plus prédictif - et donc plus préventif - aux soins. Elle est de nature à changer le statut et les droits du patient (de fait, un «pré-patient»…). Les tests génomiques soulèvent de nombreuses questions auxquelles les généticiens ne peuvent pas répondre seuls, ont estimé la FRB et Sciensano. D’où l’initiative de tenir, fin 2018, un forum citoyen réunissant une trentaine de non-experts.
Ces participants sont déclarés prêts à partager les données de leur génome pour la recherche scientifique, si elle bénéficie à la société. lls exigent toutefois de la transparence quant à l’usage fait de leurs données. Les analyses génomiques doivent être financièrement accessibles à tous ceux à qui elles peuvent être utiles. Elles devront être précédées d’un consentement écrit. Avant, pendant et après, le patient doit bénéficier d’un accompagnement sur mesure et multi-facettes: médical, spirituel, relationnel, social et familial. En outre, les résultats ne peuvent servir à une quelconque discrimination ou exclusion. Il faut donc un cadre légal, que le panel citoyen souhaite flexible (pour suivre les avancées scientifiques) et une politique cohérente et globalisante, les secteurs concernés étant multiples: médical, scientifique, éthique, juridique, organisationnel…
Et les médecins dans tout ça ?
Le forum voit le médecin, de famille ou spécialiste, comme un premier «gardien» qui détermine si un test génomique est pertinent pour un individu, en s’appuyant sur les critères de bonne utilisation fixés par un (futur) «comité d’experts». Un MG ou le spécialiste concerné pourraient prescrire des tests génomiques standard, par exemple le NIPT ou le test de Guthrie. En revanche, les participants sont d’avis que pour des tests plus rares ou plus complexes, les médecins devraient passer le relais à un «généticien clinique» ou un «conseiller génétique». Ce qui suppose de s’atteler à la formation et la reconnaissance de ces nouvelles fonctions. Il faudrait également reconnaitre officiellement les métiers (existants) de généticien de laboratoire médical et de bio-informaticien.
Le DMG est le meilleur endroit pour conserver des données génomiques personnelles, estiment encore les citoyens. Pour les aider à y voir clair dans «le ‘nuage’ de données de santé qui entourera bientôt le citoyen/patient/pré-patient», les médecins arrivent en tête. Mais certains participants imaginent aussi des «coaches en santé» - voire des «interprètes de données» - qui les guideraient dans la façon de gérer ces infos et leur impact dans la vie courante.
A noter que d’autres trouvent que le MG, l’interlocuteur de confiance, «continuera à jouer un rôle d’information et de coordination», moyennant l’appui d’un réseau d’intervenants spécialisés. Pour que cette option prenne corps, il doit alors y avoir «assez de MG qui peuvent consacrer du temps à cela et qui devraient en outre suivre une formation complémentaire en génétique et génomique.»