Le nombre de formations à la robotique proposées aux chirurgiens n'a cessé d'augmenter. Ne risquons-nous pas, aujourd’hui, de nous retrouver avec une pléthore de chirurgiens? Rencontre avec Geert Vandenbroucke, cofondateur de l’Orsi, à l’occasion de l’European Image-Guided Surgery Congress qui commence ce vendredi à Melle.
L’Orsi (acronyme de ‘OLV Robotic Surgery Institute’) – a vu le jour fin 2010 sous l’impulsion des Drs Mottrie et Vandenbroucke et, depuis, le nombre de formations proposées n’a cessé d’augmenter. Le Spécialiste a rencontré Geert Vandenbroucke, cofondateur de l’Orsi.
Dr Geert Vandenbroucke: «Il n’y aura pas moins de chirurgiens qu’avant autour de la table d’opération: il faudra encore et toujours quelqu’un derrière la console et quelqu’un à la table pour déplacer les instruments. En plus, les patients à traiter sont de plus en plus nombreux à mesure que nous vivons plus vieux et que les besoins augmentent. En parallèle, le temps nécessaire pour former un chirurgien aussi s’est légèrement allongé. Après une formation en chirurgie générale, la plupart se spécialiseront dans l’un ou l’autre domaine… et c’est là que nous intervenons.»
«À mon sens, le problème va surtout être de trouver suffisamment de personnes disposées à accepter les horaires et les tâches les plus difficiles. Opérer de 8 à 17 h avec un robot, c’est intéressant et pas trop lourd. Être sur la brèche 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, c’est une toute autre histoire. Je suis moi-même chef de service en soins intensifs et médecine d’urgence, et garantir cette disponibilité dans mon service demande des efforts considérables. La plupart des gens ne se lassent jamais de ‘jouer avec le robot’, mais ils en ont rapidement assez d’être réveillés à 3h du matin pour une urgence.»
Mais lorsqu’on forme des gens, il faut tout de même leur offrir certaines perspectives?
«C’est un problème complexe. Pour maximiser le rendement de ces technologies coûteuses, il faut une offre suffisante, ce qui n’est possible qu’en la centralisant dans un certain nombre de structures. En Belgique, il faut réaliser beaucoup de prestations pour s’assurer un revenu correct… et à un certain moment, on risque de basculer dans un système où on multiplie les actes uniquement pour préserver son niveau de revenus, ce qui n’est pas une bonne chose. Nous nous heurtons aux limites du système. D’un autre côté, les médecins belges ne sont ni sur-, ni sous-payés, mais cela n’a évidemment rien à voir avec la technologie.»
La technologie permet néanmoins d’accroître le volume de travail par médecin, puisque le temps de traitement diminue. Du coup, on se retrouve avec un surplus encore plus important.
«En réalité, la technologie ne réduit pas la durée de l’opération, tout au plus celle du séjour à l’hôpital. Une prostatectomie laparoscopique assistée par robot, par exemple, prend aussi longtemps qu’une laparoscopie classique. La grande différence réside dans la durée de l’hospitalisation. Le gros problème, c’est que dans notre pays, la technologie et les hôpitaux relèvent de budgets distincts. On entend parfois dire que la chirurgie robotisée coûte les yeux de la tête – et il est en effet possible que l’intervention soit plus chère – mais le patient pourra parfois rentrer chez lui dix jours plus tôt et n’aura plus besoin de produits sanguins, ce qui compense aisément le surcoût de l’opération.»
«Un autre exemple: lorsqu’on prélève une biopsie d’une tumeur pulmonaire à l’aide d’une bronchoscopie classique, à l’heure actuelle, on rate la lésion dans 30 % des cas. Le robot fait nettement mieux.»
La chirurgie assistée par robot a longtemps fait l’objet d’un monopole, mais le marché semble en passe de s’élargir?
«Ce n’est un secret pour personne : cela fait deux ans que Medtronic veut mettre un robot sur le marché. Ils sont encore empêtrés dans une invraisemblable guerre des brevets, mais ils y sont presque… et dans les dix prochaines années, on peut vraisemblablement s’attendre à une véritable explosion qui ne manquera pas d’influencer les prix.»
Et cela joue en votre faveur ?
«Sans aucun doute. Les prix vont baisser et les technologies vont continuer à s’améliorer.»
Allons-nous vers un monde où des personnes de plus en plus âgées vont progressivement devenir des cyborgs, mi-hommes mi-robots? Ou passer leur vieillesse bardées de métal?
«Ce n’est pas impensable. Au final, la seule chose qui distingue l’homme de l’animal, c’est son cerveau complexe que nous ne sommes pas encore capables de remplacer. Par contre, les valves cardiaques, les pacemakers, les appareils auditifs, les lentilles et autres vont continuer à évoluer. Nous sommes toutefois de plus en plus confrontés à des problèmes de déficience cérébrale, avec des maladies comme l’Alzheimer, la démence… et notre espérance de vie ne va plus non plus augmenter de manière exponentielle, car notre génome a ses limites. D’un point de vue éthique, on peut se demander ce qu’il va se passer si les robots commencent à agir indépendamment de l’homme – et on y vient, comme le montre cette expérience qui montre comment un robot découpe un cercle en toute autonomie.»
Les 22 et 23 novembre, l'European Image-Guided Surgery Congress accueillera environ 100-150 personnes à l’Orsi Academy.
> Plus d’informations sur: https://www.igscongress.com/