A la demande du Centre de coordination francophone pour la formation en médecine générale (CCFFMG), une enquête s’est déroulée de juillet à octobre auprès d’assistants et de maîtres de stage. Son objet ? Déceler les risques psychosociaux dans l’environnement professionnel particulier de l’assistanat. Les conclusions sont tombées. Les situations vraiment problématiques, avec pression ou conditions de travail abusives, sont très rares.
Un vent favorable a poussé jusqu’à nous les conclusions établies par le service externe de prévention et de protection au travail chargé de mener des entretiens avec 60 assistants et 30 maîtres de stage. Une méthode qualitative, donc un échantillon assez réduit, admettent les auteurs. Mais « des résultats particulièrement positifs ». Bien sûr, il s’est trouvé l’un ou l’autre interviewé pour glisser, en off, qu’il connaissait un condisciple moins bien loti que lui. « Mais les situations extrêmes semblent de l’ordre de l’exception », indique le rapport.
A priori, le CCFFMG n’avait pas l’intention de porter ces résultats en place publique, se donnant le temps de la réflexion sur d’éventuelles actions. Sollicité par Medi-Sphère, Denis Lambert, le secrétaire général du CCFFMG, commente toutefois quelques grandes leçons de l’opération.
« A force de traiter les - disons - 5% de stages ‘à problèmes’, on en oublierait presque les 95% qui se passent normalement. Ça fait du bien, d’avoir confirmation que la situation est globalement bonne, bien plus sereine que chez les candidats spécialistes. » Pas d’euphorie pour autant, tempère-t-il : le CCFFMG acte une photo d’ensemble positive, mais ne nie pas qu’il y a quelques feux clignotants.
En dépit de la prédominance d’appréciations positives, les assistants ont épinglé une poignée de facteurs de risque qui méritent attention (sans dépasser néanmoins les 26% d’insatisfaction). Y figure le temps de travail, avec des dépassements rapportés par certains. « Les textes légaux ne sont pas évidents à interpréter. La durée est de ‘38 à 48 heures lissées sur 13 semaines’, dont du temps académique. Une définition pareille, on n’a ça nulle part ailleurs... Nous travaillons sur une proposition novatrice pour, sans s’écarter de la loi, clarifier cette source permanente de confusion - voire de tensions. »
Autre enseignement : les relations des jeunes MG avec la commission d’agrément - ou, plus exactement, avec son staff administratif - ne semblent pas de tout repos. Les enquêteurs parlent de difficultés récurrentes (permanence téléphonique très limitée, mails sans réponse, lenteurs de gestion des dossiers…). « Le CCFFMG ne s’attendait pas à ce résultat », commente Denis Lambert. Mais ce n’est pas une matière de son ressort. Il va transmettre le rapport à l’organe concerné.
Puis viennent, parmi les insatisfactions relatives des assistants, la charge mentale et physique. « Elle est inhérente au métier. » Après des années de théorie, le stage est un plongeon dans la pratique, avec ses sources de stress (peur de l’erreur, temps de consultation limité, nécessité de vérifications, cas atypiques, interruptions téléphoniques, charge administrative…). « Les assistants de 1ère année sont plus sensibles à cette pression. » Le rapport évoque aussi la charge émotionnelle, liée aux rapports avec certains patients mais aussi avec le mentor. Elle tient à la disponibilité de ce dernier, à son soutien, sa supervision. « Il y a des témoignages montrant que celle-ci n’est pas toujours structurée, qu’elle se fait entre deux portes. » Peut-être faudrait-il, dès lors, songer à des modalités minimales qui en garantisse la qualité.
Enfin, sur le plan du volume de boulot, le rapport insiste sur la grande variabilité des situations, selon le type de pratique (solo, collective, en maison médicale…) et la localisation du cabinet en zone plus ou moins dense en MG, le tout assaisonné de variations saisonnières.
Des maîtres en demande de soutien
Du côté des maîtres de stage cette fois, le récit est « peu empreint de réelles difficultés », explique le rapport. Bien sûr, l’évocation de quelques crispations qu’on pourrait dire ‘de mentalités’ a émaillé des interviews - comme un décalage entre des réflexes horaires de (jeune) salarié et de (vieil) indépendant. « Mais la bonne surprise est que les maîtres ont exprimé des besoins, une volonté d’encore progresser : ils aspirent à être soutenus, à pouvoir partager leur vécu avec d’autres maîtres de stage lors de rencontres formelles, à bénéficier d’apports plus concrets, et adaptés aux besoins pédagogiques et relationnels… », commente Denis Lambert.
Si le goût pour la transmission de savoir est souvent cité comme motivation première de l’accueil d’assistant(s), le rapport épingle un constat frappant : dans certaines régions de Wallonie, s’entourer d’un assistant est une quasi-nécessité. Car il s’agit d’absorber une patientèle devenue trop imposante pour un seul MG. Des maîtres de stage, souvent solos, ont rapportés être devenus « assistant-dépendants », signalent les enquêteurs.
Enfin, tant chez les jeunes que leurs mentors, on a pu entendre la suggestion de pouvoir se confier à des tiers indépendants en cas de difficultés relationnelles, de situation conflictuelle. Ce dont le CCFFMG prend bonne note. « Des propositions circulent, par exemple sur la création d’une cellule spécifique détachée des universités, et sur le fait de réinterroger la formation des maîtres de stage, avec plus d’émulations et d’attractivité. Seront-elles adoptées ? L’avenir le dira. Quoi qu’il en soit, il faudra du temps pour les construire. »
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Didier PIQUARD
20 décembre 2019On ne peut que se féliciter de cette volonté de la CCFFMG d'enfin monitoriser les conditions de stage en médecine générale avec ce constat en demi-teinte: verre à moitié vide ou à demi rempli? Le relevé des difficultés dans un échantillon réduit ne permet en effet pas de dessiner une photographie nette ni surtout de montrer ce qui se trouve hors champ. C'est à dire les confidences recueillies par les maîtres de stages coordinateurs des séminaires de pratique accompagnées relatant des incidents non répertoriés dans la présente étude. Raison suffisante pour élargie la démarche et la pérenniser. Histoire de trouver des solutions aux rares mais très regrettables problèmes et couper court aux rumeurs délétères pour l'ensemble de la médecine générale. Que les assistants sachent qu'ils seront entendus au cas où et que les maîtres de stages se conforment, ce qu'ils font dans leur très grande majorité, aux conditions du contrat. Dr. D. Piquard