Une nouvelle fois, l’étude MAHA montre que les hôpitaux belges sont dans un équilibre financier précaire, tout en étant confrontés à plusieurs défis de taille en même temps. Elle prédit une année 2022 sombre. Les résultats du premier semestre 2022 subirait une détérioration de 135 millions d’euros par rapport au premier semestre 2021.
Après la pandémie de Covid-19, les hôpitaux belges sont à nouveau mis à rude épreuve par . leurs factures d’énergie qui ont considérablement augmenté, au même titre que les coûts salariaux sous l’effet des indexations automatiques des salaires. « L’explosion des coûts dans le secteur de la construction et la hausse des taux d’intérêts ne les aident par ailleurs pas à procéder aux investissements indispensables. Sans compter que le secteur se trouve confronté à une cruelle pénurie structurelle de personnel, obligeant même certains hôpitaux à fermer des services. » explique les auteurs de l’Etude Maha (Model for Automatic Hospital Analyses) de Belfius.
Niveau d’activité en baisse
Les hôpitaux n’ont toujours pas retrouvé le niveau d’activité prévalant avant la crise sanitaire. Les admissions classiques – avec nuitée(s) – accusent toujours un retard de 9,3 % en 2021 et de 8,6 % au premier semestre de cette année par rapport à leur niveau avant la pandémie. « Nous observons cependant de grandes disparités entre les hôpitaux : alors que les admissions classiques sont en baisse de 15 % dans 16 hôpitaux, elles s’inscrivent en hausse par rapport à 2019 dans deux institutions hospitalières. »
Traitements oncologiques
Cette contraction du nombre d’admissions classiques a, bien évidemment, des répercussions sur le taux d’occupation du nombre total de lits, qui a chuté de 72,1 % en 2019 à 64,7 % en 2021. La durée du séjour continue elle aussi à diminuer. En 2021, les patients ne restaient hospitalisés que 5,1 jours en moyenne contre 5,3 jours en 2019.
Les hospitalisations de jour remontent plus rapidement à leur niveau d’avant crise que les hospitalisations classiques. Cette évolution est particulièrement perceptible au niveau de l’hospitalisation de jour non chirurgicale (par exemple, pour les traitements oncologiques) dont le nombre d’admissions est en 2021 de 7,1 % supérieur au niveau atteint en 2019. Cette tendance s’accentue encore en 2022 (+8,6 % au premier semestre par rapport à la même période en 2019).
L’aide aux honoraires des médecins
Compte tenu du caractère exceptionnel de l’année 2020, l’étude MAHA compare les résultats financiers des hôpitaux généraux avec ceux de 2019. En 2021, le chiffre d’affaires a progressé d’un peu moins de 10 % par rapport à cette année de référence.
La hausse du chiffre d’affaires est surtout soutenue par le Budget des Moyens Financiers (BMF) qui s’est inscrit en hausse de 12 %. Les hôpitaux utilisent ce BMF pour couvrir les frais liés au fonctionnement général de l’hôpital (de la fonction hôtelière aux soins infirmiers).
L’importante progression du budget des moyens financiers en 2021 s’explique par les différentes mesures adoptées par le gouvernement fédéral pour un réinvestissement en faveur de la qualité des soins et du personnel soignant en particulier.
Mais la progression du chiffre d’affaires a également été soutenue par d’autres catégories de revenus. On a pu observer une augmentation des revenus tirés des produits pharmaceutiques (+11,2 %), des honoraires générés par les médecins (+8 %) et des forfaits INAMI (+8,1 %)
Rétrocession et personnel intérimaire en hausse
Au sein des services et biens divers (34 % du chiffre d’affaires), la rétrocession d’honoraires des médecins renoue avec une croissance de 5,8 % par rapport à 2019, après la forte baisse observée en 2020 (-6,2 %) à la suite de la pandémie.
Par ailleurs, les rémunérations du personnel (41,5% du chiffre d’affaires) progressent de 8,8% par rapport à 2019. Cette évolution s’explique à concurrence de 5,9% par la progression du coût salarial moyen (dont 2 indexations) et de 2,9% par une croissance du nombre d'ETP (soit + 2.995 ETP par rapport à 2019).
Selon l’enquête MAHA, le recours au personnel intérimaire a progressé de près de 75% depuis 2019. Le taux d’absentéisme atteint en 2021 près de 10% (dont 6,1% pour les absences de longues durées).
Le résultat courant des hôpitaux généraux (c.-à-d. hors éléments exceptionnels) s’établit à 127 millions EUR en 2021, en hausse de 50 millions par rapport à l’exercice 2019. En termes relatifs, le résultat courant reste sous la barre de 1% du chiffre d’affaires (0,7%), ce qui maintient les hôpitaux dans une grande fragilité financière.
D’autre part, les coûts d’exploitation progressent également par rapport à 2019 (+10,0 %), soit un rythme très légèrement supérieur au chiffre d’affaires (+9,8 %). Cette évolution est principalement imputable aux frais d’achat (25,6 % du chiffre d’affaires) qui progressent à un rythme encore plus élevé (+14%). Parmi ceux-ci, on pointera la progression des achats pharmaceutiques (+11,1 %) et des produits médicaux (+31 %) qui avaient déjà subi une progression importante en 2020 dans le contexte de la crise sanitaire (masques buccaux, tests Covid-19, etc.).
2022 sera sombre
L’exercice 2022 s’annonce par contre plus problématique dans la mesure où les hôpitaux devront faire face à un choc financier très important en raison du niveau historique de l’inflation, responsable de la forte augmentation des coûts salariaux (une indexation fin 2021 qui exerce ses effets sur l’ensemble de 2022, 4 indexations salariales en 2022 et au moins 1 nouvelle indexation attendue en 2023), de l’envolée du prix de l’énergie, des consommables, des biens et services divers, mais aussi de l’explosion du prix des matériaux de construction.
Selon les estimations (reposant sur l’ enquête relative au 1er semestre 2022), les coûts de l’énergie supportés par les hôpitaux généraux devraient augmenter de 61%.
Selon l’extrapolation des résultats de l’enquête portant sur les résultats du premier semestre 2022, le résultat courant des hôpitaux généraux subirait une détérioration de 135 millions EUR par rapport au premier semestre 2021.
Une nouvelle fois, l’étude MAHA montre que les hôpitaux belges sont dans un équilibre financier précaire, tout en étant confrontés à plusieurs défis de taille en même temps.
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