Psy For Med: des psychologues à l’écoute des médecins

Psy For Med offre aux soignants qui font face au covid-19 l’opportunité de déposer leurs émotions lors de téléconsultations gratuites (par téléphone ou visioconférence) assurées par des psychologues, psychiatres et médecins formés à la psychothérapie. Les MG sont bien représentés parmi les pros sollicitant ce nouveau service, comme leurs confrères hospitaliers. Quelles sont les préoccupations qui les rongent, en général?

Fanny Weytens, à l’origine de l’initiative, est docteur en psychologie. Spécialisée dans l’accompagnement des personnes en épuisement professionnel, elle officie à Schaerbeek. Psyformed.com se veut une plateforme simple d’utilisation, explique-t-elle. «Le soignant voit quel psychologue est disponible dans sa région dans les heures ou jours qui suivent, et prend rendez-vous. En 3 clics, c’est réglé.» Tandis que l’équipe se renforce (début avril, elle comptait 1.700 bénévoles et des contacts se nouaient pour ouvrir le dispositif vers la Flandre), les demandes de rendez-vous vont croissant. Ce que Fanny Weytens attribue à la notoriété grandissante de l’outil - «le Fédéral l’a relayé, ça renforce notre crédibilité». Mais aussi, hélas, «à une souffrance bien présente sur le terrain». Et qui risque de s’accentuer. En début de mois, plus de 200 soignants s’étaient manifestés, et quelque 50 suivis étaient lancés (tout professionnel se voit offrir un cycle de quatre consultations, renouvelable en changeant d’interlocuteur).

Quels sont les métiers qui sollicitent le plus Psy For Med? En ordre ascendant, «le personnel d’accueil et de support, les brancardiers/ambulanciers/laborantins, le personnel logistique des hôpitaux, les pharmaciens, les aides-soignantes et infirmières à domicile, et, le plus massivement, les infirmières hospitalières, les médecins généralistes et les médecins hospitaliers. Il peut y avoir un biais de communication, mais la répartition a du sens, selon moi...»

Quelles sont les préoccupations qui vivent, dans les rangs des MG? En vrac, la fondatrice évoque «le stress taraudant tous les indépendants»: le manque de protections, couplé au risque de devenir soi-même contagieux. Mais aussi la crainte du mauvais diagnostic et celle de mal évaluer la sévérité d’un cas. Elle cite en outre «une tension interne très inconfortable » qui peut naitre d’un tiraillement entre les consignes disant de privilégier la consultation téléphonique et «l’inclination naturelle des soignants pour le soin à autrui, quitte à s’oublier soi-même». Certains doivent se faire violence pour ne pas aller au chevet des patients. «Reviennent des sentiments d’empêchement - en raison des directives, ou du manque de matériel…  et d’impuissance, et il en découle de la culpabilité. Que l’on retrouve aussi parmi le personnel mobilisé mais en stand-by, qui se morfond de n’être pas ‘au front’.»

Message important que Psy For Med voudrait voir percoler chez les MG: la nécessité de «‘prendre la température’ de son propre état. On sait comment s’installe un burn out. Dans le feu de l’action, sous l’adrénaline de la riposte à l’épidémie, le professionnel ne va pas déceler les signes annonciateurs, somatiques ou psychiques, de son épuisement. Pour espérer tenir dans la durée dans cette situation éprouvante, il faut s’autoriser régulièrement 5-10 minutes pour faire le point sur son état physique et émotionnel.» Psy For Med travaille sur des check-lists destinées à soutenir cette démarche d’autoprotection.

Rediriger ceux qui stressent vers le 0800 14689
Fanny Weytens pointe également, parmi les inquiétudes exprimées par des MG sollicitant Psy For Med, le problème de «la saturation de leur téléphone par des personnes émotionnellement débordées».

Tout en s’employant à rassurer ce public gagné par la panique, «les médecins songent qu’il faudrait libérer la ligne pour ne pas, dans l’intervalle, être indisponible pour un vrai cas clinique. J’ai relayé cette inquiétude auprès du Fédéral. On m’a précisé que le numéro spécial instauré par le SPF Santé publique, le 0800 14689, ne servait pas uniquement à distiller des infos pratiques. Il peut aussi être composé par les citoyens stressés par l’épreuve du confinement. Et c’est également le cas de la ligne de télé-accueil, le 107.» C’est un numéro destiné à l’origine aux situations de détresse ou de solitude, mais les médecins peuvent désormais aussi y référer la patientèle qui vit mal la crise.

«Médecins en difficulté» offre toujours une oreille attentive

De son côté, l’Ordre des médecins a remis en mémoire du corps médical, fin mars, l’existence de sa structure nationale d’aide «Médecins en difficulté». Alors qu’elle ne recevait jusque-là pas plus d’appels que d’habitude en raison de la crise Covid-19, le lendemain matin, trois confrères s’étaient manifestés au 0800 23 460, indique Koen Matton, chargé de mission.

Ce numéro, c’est donc celui de «Médecins en difficulté» qui couvre l’ensemble du pays. L’Ordre précise que d’autres organisations belges pour l’aide psychique aux médecins s’unissent derrière ce numéro gratuit et joignable tous les jours ouvrables de 9 à 17h. Il s’agit de la Commission professionnelle et sociale (Bruxelles et Brabant wallon), du Comité d’entraide médicale de la province de Liège, de Solimed (Hainaut), et pour la Flandre et Bruxelles néerlandophone, de Doctors-4-Doctors et de ECHTT. «Nous répartissons les demandes vers les interlocuteurs les plus aptes à y répondre. On peut bien sûr continuer à appeler chacune d’entre elles directement», ajoute Koen Matton. Il s’attend à une montée progressive des appels, la période actuelle, hautement stressante pour les médecins, promettant de durer.

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