Rendre le système de santé «antifragile»: un objectif réaliste

Le nouveau rapport Health Prospecting met l’accent sur la gestion des risques et la préparation aux crises qui vont impacter le système sanitaire. Il examine les risques et propose des pistes de réflexion visant à renforcer l’antifragilité du système de santé belge et à orienter les acteurs du secteur de la santé vers une meilleur préparation face aux risques émergents.

Le rapport 2024 (1), commandité par la banque ING, identifie plusieurs facteurs de risque pour le secteur de la santé : les risques de santé publique liés à des situations extraordinaires, les risques économiques et financiers, les risques de pénurie de ressources, les risques régulatoires, les risques environnementaux, les risques liés à la cybersécurité, les risques éthiques et les risques liés à la sécurité des patients.  Parmi la vingtaine d’experts belges interrogés par les auteurs pour rédiger ce rapport, certains pointent d’autres risques indirects : ceux liés à la désinformation, aux conflits géopolitiques, à la migration et au décalage entre les avancées technologiques et scientifiques et les connaissances des professionnels hospitaliers.

Ces nombreux risques sont interconnectés. « Les experts considèrent que les risques associés à la cybersécurité, à la pénurie de ressources, en particulier en personnel, ainsi qu’aux enjeux économiques et financiers sont les plus préoccupants à l’heure actuelle », peut-on lire dans le rapport. «Certains risques sont interdépendants. Par exemple, une cyberattaque pourrait entraîner des coûts supplémentaires pour restaurer les systèmes informatiques et réduire les revenus de l'hôpital en raison d'une baisse temporaire de l'activité due à l'indisponibilité des services, aggravant ainsi les finances des institutions. Une cyberattaque pourrait également accentuer la pénurie de ressources en mobilisant davantage de personnel pour résoudre le problème informatique. De même, les risques économiques, tels qu’une récession économique, pourraient affecter l'accessibilité aux soins. Par exemple, une diminution des budgets de santé publique pourrait entraîner une réduction des services offerts par les établissements de santé ou une augmentation des dépenses à charge des patients, ce qui rendrait plus difficile l'accès aux soins pour les patients.»

 

Selon des directeurs hospitaliers, qui ont été sondés par les auteurs du rapport, «les risques associés à la cybersécurité, à la pénurie de ressources et aux instabilités financières et économiques sont les plus probables. Ils pourraient avoir les répercussions les plus graves. Par ailleurs, les risques liés à la régulation, en particulier des changements réglementaires, sont perçus comme ayant un impact plus important que celui d’une nouvelle pandémie, bien que la probabilité d’une nouvelle pandémie soit plus élevée. En revanche, les risques liés à la sécurité des patients, à l’éthique et à l’environnement sont actuellement considérés comme moins critiques. »       

Tirer profit des défis
Pour faire face a ces risques, les auteurs du rapport Health Prospecting 2024 ) - Eduard Portella, Oscar Dia et Stéphane Le Grand (Antares Consulting) - estiment que le système de la santé devrait évoluer vers l’antifragilité afin d’être capable de tirer profit des défis plutôt que de simplement les endurer. Ce concept d’antifragilité a été introduit par l’essayiste Nassim Nicholas Taleb. « Il l’a développé après avoir observé que certains systèmes et organismes se renforcent face aux chocs, comme le système immunitaire humain après avoir été exposé à des agents pathogènes», expliquent les rapporteurs. Dans le cadre de la gestion des risques, Nassim Taleb suggère de créer des systèmes capables de bénéficier de l’imprévu plutôt que d’essayer de prévoir et d’éviter toutes les catastrophes.

Ce rapport propose d’optimiser la gestion des risques et de renforcer la préparation du système de santé et hospitalier belge pourqu’il devienne « antifragile ». Par exemple, dans un tel système, les ressources sont flexibles. Les hôpitaux diposent de lits modulaires, d’équipements médicaux mobiles et d’équipes multidisciplinaires pouvant être déployées selon les besoins. Cette flexibilité permet de s’adapter rapidement aux fluctuations de la demande, aux urgences et aux situations de crise.

Le système « antifragile » accorde également une importance significative à la prévention des maladies et à la promotion des modes de vie sains, ce qui réduit la charge sur le système de santé à long terme.

Le rapport avance des réflexions aux niveaux macro, méso ou micro. Par exemple au niveau méso, les auteurs estiment que « pour optimaliser l’utilisation des ressources et des investissements dans le domaine de la santé, notamment pour les ressources rares et coûteuses telles que la cybersécurité, il est crucial de faciliter le partage entre plusieurs institutions, permettant ainsi une utilisation plus efficace de leurs compétences. »

En conclusion de ce rapport édifiant de 48 pages, les auteurs recommandent de « viser l’antifragilité plutôt que la simple résilience pour le système de santé belge », « d’outiller les organisations de santé avec des méthodologies et des ressources efficaces pour gérer les risques de façon proactive » et de promouvoir auprès des professionnels de santé la culture du risque et l’adoption de « petits gestes » au quotidien pour renforcer la sécurité et l’antifragilité du système de santé belge. 

  • Antares Consulting. Health Prospecting 2024. La gestion des risques pour le système de santé belge, Bruxelles, ING Belgium, 2024.

Vous souhaitez commenter cet article ?

L'accès à la totalité des fonctionnalités est réservé aux professionnels de la santé.

Si vous êtes un professionnel de la santé vous devez vous connecter ou vous inscrire gratuitement sur notre site pour accéder à la totalité de notre contenu.
Si vous êtes journaliste ou si vous souhaitez nous informer écrivez-nous à redaction@rmnet.be.