Jusqu'à 11 fois plus de kétamine retrouvée dans les eaux usées qu'il y a 10 ans (étude)

La consommation de kétamine a augmenté ces dernières années, tant dans les grandes villes qu'en zones rurales, ressort-il d'une étude du centre toxicologique de l'Université d'Anvers, publiée dans la revue Water Research. En une décennie, l'équipe de recherche a observé dans les eaux usées du nord du pays et de Bruxelles jusqu'à onze fois plus de résidus de cet anesthésiant détourné à des fins euphorisantes.

Les Belges sniffent, ingèrent ou s'injectent entre sept et onze fois plus de kétamine qu'en 2012, a observé le chercheur Natan Van Wichelen. Pendant trois ans (de 2020 à 2023), le scientifique a collecté chaque jour des échan tillons d'eaux usées dans les stations d'épuration de 26 localités, toutes situées en Flandre sauf deux dans la capitale. En 2012, ses collègues avaient déjà décelé de la kétamine dans l'eau des égoûts, mais en quantités presque indétectables, ont rappelé les quotidiens De Standaard et la Gazet van Antwerpen, qui se font l'écho de l'étude anversoise lundi.

"Il y a 10-15 ans, la consommation de kétamine était très anecdotique", confirme Michaël Hogge, chargé de projets à l'Observatoire socio-épidémiologique alcool-drogues en Wallonie et à Bruxelles. Les individus se tournaient vers cette substance pour éprouver une dissociation intense du corps et de l'esprit, "un peu comme ce que certains rapportent d'une expérience de mort imminente", illustre le spécialiste. "Mais depuis quelques années, un usage récréatif s'est implanté dans les milieux festifs." Les consommateurs recherchent alors une sensation d'euphorie, de bien-être, tandis que ce stupéfiant tend également à rendre p lus sociable.

"Une consommation importante a été observée tant en ville qu'à la campagne, en particulier dans les grands centres urbains (Bruges, Gand, Anvers, Hasselt et Bruxelles) et dans l'est de la Flandre", détaille l'étude. Cette consommation légèrement plus élevée dans le Limbourg peut s'expliquer par le fait que la province soit voisine du sud des Pays-Bas, région connue pour sa production de kétamine.

La majorité de la kétamine saisie (et consommée) dans le monde provient d'Asie, où elle est fabriquée à une échelle industrielle. L'Inde et, dans une moindre mesure, le Pakistan et la Chine sont les principaux pays producteurs. Au sein de l'Union européenne, la kétamine représentait 9,1% des quantités de nouvelles substances psychoactives saisies en 2022, pour un total de 2,8 tonnes, pointe l'Observatoire. Les quantités confisquées sont globalement en hausse depuis quelques années.

Pourquoi la kétamine est-elle plus populaire aujourd'hui? Difficile de répondre avec certitude à cette question, relève Michaël Hogge. "Il y a toujours des effets de mode avec les drogues", rappelle-t-il. Toutefois, "le marché de la kétamine s'est développé et le produit est désormais plus accessible" via une production dans des laboratoires clandestins. Auparavant, elle provenait de vols de produits de santé. La kétamine peut en effet être utilisée comme sédatif, mais aussi comme antidépresseur - "dans un cadre bien réglementé", souligne M. Hogge - ou en médecine vétérinaire.

Ensuite, les drogues reflètent le contexte psychologique et culturel de la société, poursuit l'expert. La kétamine procure un effet apaisant, dans une société axée sur la performance et où d'importants progrès restent à faire en matière de santé mentale, expose-t-il. 

Enfin, d'autres stupéfiants pris par les fêtards débouchent sur des lendemains difficiles, comme la MDMA. Cette dernière, un stimulant de la classe des amphétamines, "épuise le stock de sérotonine, laissant la personne avec un sentiment de mal-être", retrace Michaël Hogge. La kétamine ne présente pas ce type de désagrément.

Son usage n'est cependant pas sans danger. La kétamine entraîne une dépendance psychologique importante, car "elle joue sur le circuit de la récompense" en apportant une sensation de bien-être. Cette sensation s'estompe toutefois rapidement, environ une heure après la prise du produit. En général, avec les substances euphorisantes à courte durée, les consommateurs ont tendance à augmenter les doses.

La kétamine provoque également des troubles cognitifs (de mémoire, de l'attention et de la vigilance, mais aussi de l'anxiété voire de la dépression). Physiquement, elle endommage entre autres la vessie, provoquant par exemple des cystites ulcéreuses. À trop haute dose ou en combinaison avec de l'alcool ou d'autres drogues, elle peut engendrer une perte de conscience, voire un arrêt cardiaque, car le cerveau n'est plus suffisamment oxygéné.

Selon l'Observatoire socio-épidémiologique alcool-drogues en Wallonie et à Bruxelles, la kétamine était mentionnée dans moins de 1% des demandes de traitement en Belgique en 2015, tous produits confondus (alcool, cocaïne, cannabis...). En 2023, cette proportion a grimpé à 4%. Elle est ainsi l'une des substances qui presente la plus forte croissance. Néanmoins, bien que l'usage de kétamine soit en augmentation en Belgique, sa consommation reste nettement moins répandue que celle de drogues plus classiques comme le cannabis ou les amphétamines.

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